Chapitre 52 (vendredi 13 mai 2022)

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C'était le troisième repas, en deux jours, qu'Arthur prenait au fastfood où Lucas était censé travailler, d'après ce que lui avait dit Julie. Il commençait à penser, qu'à ce régime, la seule chose qu'il trouverait avant la fin du mois, ce serait cinq kilos autour de la taille. Néanmoins, il avait un petit espoir de ne pas faire encore une fois choux blanc. Il était persuadé qu'un des quatre jeunes qui travaillaient à la production des burgers, avait utilisé le prénom Thomas, pour appeler un de ses collègues.

Arthur venait de terminer ses frites, et avait décidé d'aller prendre un dessert pour essayer de voir s'il apercevait effectivement son ami. Il était anxieux, partagé entre l'envie de lui parler et celle de partir loin d'ici. Depuis deux jours, il réfléchissait aux premières paroles qu'il prononcerait s'il retrouvait Lucas, et s'il avait imaginé au moins une cinquantaine de phrases différentes, aucune n'avait trouvé grâce à ses yeux.

– Bonjour, vous désirez quelque chose, monsieur ?

– Bonjour, un milkshake vanille s'il-vous plait. Excusez-moi, je peux vous poser une question ?

– Oui, bien sûr.

– J'avais un copain qui travaillait ici, je pense qu'il doit toujours y être, Thomas ?

– Mince avec de jolis yeux bleus ?

La jeune fille se rapprocha d'Arthur et ajouta à voix basse :

– Si c'est lui, d'après Thierry il a une prothèse à une jambe, mais moi je n'ai jamais rien vu. Il est là aujourd'hui, je peux lui dire qu'il a un copain dans la salle si vous voulez.

– Euh... non, non. Ça ne doit pas être lui, mon ami a les yeux marron.

Pendant que la serveuse préparait sa boisson, le jeune militaire essayait de reprendre ses esprits. Son ancien petit copain était donc bien présent, il ne restait plus maintenant qu'à déterminer un plan d'action. Il paya, retourna s'assoir et décida de sortir son ordinateur portable de son sac. Il était vingt-et-une heures trente, avec un peu de chance Lucas ne tarderait pas trop à terminer son travail. Il s'installa donc confortablement, et profita de la connexion wifi de l'établissement pour continuer ses recherches sur la fac de sport et ses différents débouchés. Il mangeait le lendemain avec ses parents et il ne voulait rien laisser au hasard.

Une heure et deux milkshakes plus tard, il entendit derrière lui une voix qu'il aurait reconnue parmi des milliers. Ses intonations douces, ce léger accent lyonnais, avec tout de même un petit quelque chose de plus, une assurance qu'Arthur ne lui avait jamais connue. Il avait les mains moites et il prit de longues et lentes inspirations pour essayer de calmer son cœur qui s'emballait. Il inclina légèrement l'écran de son ordinateur pour essayer d'y apercevoir la silhouette du jeune nageur. Il était là, trois mètres derrière lui, en grande discussion avec un autre jeune homme qu'il lui semblait avoir déjà aperçu un peu plus tôt, assis à une table. Il rangea son ordinateur et décida d'essayer de sortir le plus discrètement possible de l'établissement, afin de l'attendre à l'extérieur. Il allait parler à Lucas. Il devait le faire pour Paul, mais aussi pour lui-même.

Cette rencontre il en avait rêvé, dès qu'il avait cessé de faire des cauchemars de cette voiture qui percutait au ralenti sa moto. Cette rencontre il l'avait souhaitée, dès qu'il avait cessé de se croire coupable des malheurs de celui qu'il considérait encore à l'époque, comme son petit ami. Cette rencontre il en avait eu peur, et avait préféré fuir pendant des années. Aujourd'hui, il ne savait pas si parler à Lucas avait un sens, ni si c'était une bonne idée, mais il devait le faire.

L'air était doux et il y avait encore beaucoup de monde dehors. Arthur s'éloigna un peu de l'entrée et alluma une cigarette, guettant la sortie de Lucas. La nicotine l'apaisa un peu et lui permit de retrouver ses esprits. Il avait décidé de jouer le scénario de la rencontre fortuite, en tout cas dans un premier temps. La porte s'ouvrit enfin, il s'avança.

– Lu...

Son appel se transforma en murmure. La personne avec qui discutait le jeune étudiant l'avait suivi dehors. Et au moment où Arthur allait entrer dans leur champ de vision, les deux jeunes gens échangèrent un rapide baiser, qui ne laissait planer aucun doute sur leur relation.

Le jeune militaire recula et buta contre un des arbres qui bordaient le devant de l'immeuble. Il profita d'une des tables de la terrasse du fastfood pour s'assoir. Il ne s'était pas imaginé une seule seconde que voir Lucas embrasser un autre homme serait si difficile à accepter. Pourtant, ils n'étaient sortis ensemble que peu de temps, et cinq années s'étaient écoulées sans qu'ils ne se voient ni même ne se parlent. Mais la réalité venait de lui exploser le cœur et de lui broyer le ventre. Il vomit instantanément, milk-shake, burger, frites et espoir inavoué.

Le temps qu'il se ressaisisse, les silhouettes des deux amoureux disparaissaient à l'angle de la rue.

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