chapitre 23
Quand le liquide surfe dans ces veines pour se mélanger à son sang. Francis ressent une sensation de chaleur qui se disperse dans tout son organisme dans une rapidité effrayante. Pas le temps de dire quoi que se soit, le corps secoué de spasmes, les sens affolés, il ne contrôle pu rien, n'entend pu rien, ne voit pu rien. Comme une explosion dans son cœur, l'ultime battement.
Dans une inspiration d'outre-tombe, la vie revient à lui, le temps de cinq secondes tout au plus, mais cinq secondes interminables.
« qu'est-ce qui s'est passé » geint-il en s'oppressant la poitrine du poing. Les yeux rivés dans ceux de Will, tout aussi surpris. Se rapprochant, d'un bond de Francis, il lui prend le pouls.
« Je sais pas, sincèrement, je ne sais pas du tout ». Le pouls, les pupilles, tout a l'air à nouveau normal.
« Comment vous sentez-vous ? »
Après une brève palpation de ses membres et de son visage, « le patient 11 » répond que tout va bien, qu'il ressent comme un souffle nouveau. Une sensation de bien-être qu'il n'avait plus ressenti depuis fort longtemps. Exactement, comme ce que lui avait dis les 10 autres avant lui.
« Vous m'avez fait, une de ses peurs ! » Tout deux, toujours assis, se jauge, se sourit, s'apaise.
« Ya quelqu'un derrière la porte » dit Francis, sans bouger, dos à cette dernière. Je lève les yeux, et une ombre semble passer affectivement. Comment a-t-il su ? Une nouvelle brillance dans le regard, il se lève puis me tend la main pour me remettre debout.
« Comme c'est expérimental, vous comprendrez qu'il ne faut pas en parler »
« oui bien sur, j'comprends bien, z'inquiétez pas pour ça, j'parle à personne... »
C'est déjà un homme nouveau que j'ai devant moi.
« si vous ressentez des choses particulières, notez les, et on se verra tous les jours pour faire le point »
« d'accord, docteur, merci. Pour l'instant, doit être trop tôt, j'ressens rien d'rien.»
Francis lui serre la main avec un sourire plaqué sur le visage pour s'empresser d'attendre Christal et lui raconter tout ce qu'il ressent déjà.
« Une prise de sang aujourd'hui et une autre dans une semaine » lui dis-je en prenant le matériel adéquate. Le prélèvement fait, j'agis un peu trop précipitamment, je ne sais pas, mais le tube me glisse des mains, heureusement, Francis, d'un geste vif le rattrape de justesse, à un centimètre de l'explosion contre le carrelage.
« J'peux y aller maint'nant ? »
**
Un claquement de porte, un son lointain, un souffle qui se fait plus proche, plus fort, un murmure. Très bas, presque inaudible, cette voix menaçante. Et cette odeur familière, un mélange de tabac froid (cigarette électronique pourquoi pas, a voir), et de chewing-gum à la fraise.
Tout près de son oreille, il sent même la chaine en or torsadée qu'il reconnait, le métal froid qui frôle son lobe.
« T'es payé pour l'surveiller, pas pour végéter dans un lit, du con ! » Cette voix, il la connait, un frisson parcourt Eddy, malgré le coma, il ne peut ouvrir les yeux alors qu'il le veut. IL ne peut serrer les poings, mais il l'entend.
« je sais qu'tu m'entends, sors d'ce putain d'coma et remets toi au travail, sinon, sais, c'qui arrivera... »
Un bruit, comme un journal lancé. La porte qui claque, Eddy est seul, se battant pour se sortir de cette inconscience (autre mot) qui permet d'entendre ce qui se passe autour de soi mais pas d'y réagir. Tant de passivité frustrante. La légèreté de l'esprit versus la rigidité du corps. Un combat contre soi-même.
**
Derrière mon ordinateur, je note les aptitudes de Francis :
- amabilité significative
- possible ouïe développée
- Force
- agilité
Il pense n'avoir rien de particulier, mais j'ai bien remarqué quelques petites choses.
Après ma tournée post-op, je vais prendre des nouvelles d'Eddy. Je consulte son dossier, les fonctions cérébrales et motrices régissent bien, il n'y a que lui, pour se sortir de ce coma.
Je teste ces réactions tout en lui parlant de son fils, de notre diner à la maison, et aussi de Francis, le Jour-1.
Une chaise avec un journal posé, la page ouverte est celle des faits divers. Un nom attire mon attention, surligné en fluo.
Disparition d'un Sans-abri, connu dans le milieu de la rue, Roger Meunier.
Depuis un mois, les investigations n'ont rien donné. Cet homme d'une quarantaine d'années est le cousin de notre défunt maire. Ce dernier, mort tragiquement dans un accident de voiture, il y a deux mois. Roger, seul héritier, a été vu par plusieurs personnes dans le quartier du petit- pont. À la tête d'une fortune colossale, ce sans-abri risque bien de voir sa vie radicalement changer, s'il est retrouvé avant 6 mois, sinon tout ira à des œuvres de charité comme le stipule le testament. Cela serait vraiment dommage pour Monsieur Meunier qui en aurait bien besoin.
Pour toutes informations, merci de contacter la gendarmerie.
Roger, patient 10, il ne touchera jamais son héritage, à cause de moi. Pourquoi son nom est surligné ? Est-ce exprès que l'article était en évidence ?
« Bienvenue parmi nous» Brigitte, elle ne me parle pas, non, mais à Eddy, d'un bond, je m'approche. Il a les yeux ouverts.
« serrez mes doigts ? » lui dis-je en lui prenant la main, mais rien.
Le stylo dans ma poche de blouse, me sert pour le passer sous sa plante de pied mais rien. A-t-il des séquelles et sont-elles irréversibles ?
Il essaye de parler mais à part ses lèvres qui remuent, et quelques sons qui s'apparentent à des grognements, rien de compréhensible.
« Bien, tout va bien Eddy, on va faire des tests, vous étiez dans le coma, c'est normal que vous ayez du mal a émerger ».
Un regard complice et inquiet avec l'infirmière. Eddy semble tétraplégique avec séquelles neuronales.
Seules, ces pupilles sont réactivent.
« Bien, on va faire un pet scan, une IRM, et un scan cérébral. D'après les résultats, on fera peut être une ponction lombaire ». Tout est noté, et directement X part faire le nécessaire.
Eddy cligne des yeux, iris agités, ça doit être très difficile de se réveiller dans cet état. J'agis en médecin.
« On va faire tout ce qui est en notre pouvoir pour trouver ce qui se passe, n'essayez pas de parler. La durée du coma peut avoir des conséquences plus ou moins temporaires, on y verra plus clair avec les examens, vous me comprenez Eddy ? »
Yeux dans les yeux, il cligne des yeux, affolé. Il essaye de communiquer, ces fonctions neurologiques se sont pas toutes atteintes. Une larme s'échappe aux coins de son œil, désemparé, avec quasiment aucun moyen de communication, il est pris au piège dans son propre corps. Un bourbier auquel, il ne peut se soustraire.
**
Fin d'après midi, une lésion au niveau du tronc cérébral, c'est ce qu'on appelle communément le syndrome de l'enfermement ou de verrouillage. Pathologie rare, mais qui survient principalement après un AVC. Le pauvre Eddy est totalement conscient mais avec une paralysie compléte, excepté les paupières et les yeux, qui serviront pour communiquer. Enfermer dans son propre corps, comme je le craignais. Si mon remède fonctionne, il pourra en bénéficier. J'ai grand espoir. Mais pour le moment, comment dire à ce père de famille et ami qu'il ne pourra échanger qu'avec les battements de cils. Que malgré ces pleines facultés intellectuelles, rien d'autre n'agira plus.
Passant une main nerveuse dans mes cheveux, les traits tirés, clichés accrochés au négatoscope, Brigitte, l'infirmière, l'éteint, comme pour me pousser à l'action. J'explique longuement avec des mots simples, son état à Eddy. Il ne peut parler mais je vois
dans l'expression de son regard, le désarroi. Peu de temps après Antonio et Yanis ? Arrivent, je reprends la pose de diagnostic. Ils me demandent en cœur, si ya rien a faire ? Combien de temps ça va durer ? Si c'est réversible ?
Brigitte et moi sortons boire un café, après avoir répondu à toutes les questions .
Des orages se font entendre, le ciel se déchire, c'est vrai qu'il a fait très chaud ces derniers jours. Au volant de ma voiture, j'inspire profondément, le soleil joue a cache cache avec les gros nuages gris. IL fait de la résistance, perçant les cumulus, mais il s'avoue vaincu une demi heure plus tard, laissant place à une pluie battante.
**
C'est sous la pluie battante que Christal se retrouve complètement trempée en compagnie de Francis.
« J'vous l'avais dis ! » se targue t-il.
« Mais comment avez vous su ?!! c'est dingue ! Ça fait deux jours qu'il y a de l'orage sans une goutte de pluie ». Bras ouverts, paumes tournées vers le haut, visage accueillant les perles transparences qui s'éclatent contre la peau et les cheveux plaqués hébergeant cette eau tiède mélangés aux embruns. Une magnifique vision qui s'offre à Francis.
« J'vais y aller ! » crie t-elle pour qu'il l'entende.
« ça va s'finir dans 8minutes», les mains dans les poches, il la regarde, les yeux souriants, l'air maladroit.
« Bien, on verra ça », Christal regarde sa montre 18h52. Comme une petite fille, elle tourne, danse sous la pluie. Francis la regarde avec émerveillement, tant de fraicheur et de douceur dans ces mouvements. Sans la quitter du regard, il lache à demi voix.
« J'ai envie d'men sortir... » mais elle n'entend rien, à part les milliers de clapotis contre la jetée. Les gouttes deviennent presque torrentielles, leurs regards se croisent, puis sans un mot mais dans le même élan, ils courent, se mettent à l'abri en riant. Il pense que c'est à ce moment là, qu'il tombe amoureux d'elle. Son maquillage coulant, son pantalon de lin collé à ses jambes, une chaussure cassée à la main, mais elle est d'une beauté naturelle à couper le souffle. La jetée est déserte, le petit abri du kiosque fera l'affaire. Le tonnerre gronde, ce qui fait sursauter Christal avec un petit
cri aigu. Elle en rougit, il en est encore plus charmé.
« C'est la première fois que je vous vois sourire Francis »
« C'est la première fois que je me sens aussi bien », un frisson de vérité lui parcourt l'échine. Il se sent bien, mais observé. Tournant la tête vers le grand parking, un homme seul, vêtu de noir sous un parapluie est là, à les regarder.
« C'est vot' mari ? » montre -t-il d'un geste du menton, Chris se retourne, l'homme s'en va au même moment.
« J'vois pas qui sait mais c'est pas lui », discute-t-elle en remettant ses cheveux plaqués derrière ses oreilles. Francis fronce des sourcils, il a l'impression d'être suivi.
« Il est 18h58 et excusez moi de vous le dire mais la pluie ne semble pas vouloir s'arrêter » taquine-t-elle, il sourit sans rien dire. Deux minutes plus tard, comme si rien ne s'était passé, un gros nuage gris emporte la pluie au loin avec lui. Plus une goutte ne tombe. Le ciel se teinte même d'un magnifique rosée orangée pour le coucher du soleil. Chris regarde sa montre, les yeux écarquillés de stupéfaction.
« C'est mais fou !! il est 19h pile et c'est terminé!! Mais comment l'avez vous su ?? »
Il hausse simplement les épaules, regardant deux amoureux profitant de l'instant romantique. Chris quant à elle, est hypnotisée par les couleurs du ciel,tente de les mémoriser pour les reproduire.
**
Non loin de là, pendant que la pluie s'abattait telle une invasion de sauterelles sur l’Égypte, Lyse et Adrien se disputaient. Les disputent sont de plus en plus fréquentes depuis qu'elle se sent prête à aller plus loin dans leur relation. Elle ne comprend pas pourquoi, il recule sans cesse ce moment qui lui restera à jamais gravé dans ses souvenirs de femme. Adrien lui avait donné sa veste en cuir pour qu'elle se protège de la pluie, lui suppliant de rentrer, mais trop en colère, elle courru dans le sens inverse, vers la jettée. Il lui courru un moment après, puis s'avoua vaincu très vite. Avait-il vraiment envie de la rattraper ?
Lyse disparu entre les voitures puis rebroussa chemin jusqu'à chez elle, par l'autre route, plus longue mais qu'importe, ça lui permettrait de réfléchir sous la pluie. C'est son élément, l'eau. Lentement, veste jeté sur une épaule, elle rentre à la maison.
Adrien, lui, appuyé contre sa voiture, essaye d'allumer une cigarette sortie de son paquet mouillé. La pluie s'est arrêtée, quelques minutes plus tard, il est rejoint.
« Faudra bien qu'tu lui dises »
« J'peux pas, pas maint'nant»
« Ok »
Tous deux assis sur le capot, ils regardent le coucher de soleil, profitant de l'instant romantique, leurs doigts se touchent, se caressent discrètement pensant que personne ne les voit. Francis au loin, les regarde. Lui même se demande, comment il peut voir autant de détails avec cette grande distance. Est ce le vaccin qui fait effet ? Qu'importe après tout, il a une nouvelle vision du monde, même son ouïe s'est accentuée, il avait sans cesse des acouphènes qui ont totalement disparu. Il entend sa propre respiration.
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