chapitre 24
« Toi aussi, t'as été surprise par la flotte ? » s'exclame Lyse en se séchant les cheveux avec une serviette épaisse.
« Oui, c'est arrivé d'un coup ! » s'étonne toujours sa mère. Elle prend une serviette aussi et fait de même.
« J'me suis disputée avec Adrien… encore... » soupire la jeune adolescente.
Toutes deux, complices, discutent un moment autour d'une tasse de café fumante.
Quelques notes s'échappent de la chambre de Liam. Du bas des escaliers, Lyse et Chris entreprennent instantanément la montée. Attirées comme des pirates par le chants des sirènes. Porte légèrement entre ouverte, la musique jouée à la guitare, émane une émotion douce. Christal, sa mère en frissonne. Lyse, bouche bée, en est émerveillée.
« Il est inspiré » dit Lyse, tout bas pour ne pas l'interrompre. Elles savent, qu'il n'aime pas être entendu avant qu'un morceau soit complètement fini. La porte a du mal se fermer, pour le bonheur des deux épieuses.
« C'est magnifique ! » dit leur mère, sur le même ton.
Lyse, hoche la tête, mais ne répond pas, Chris, lui caresse l 'épaule d'un air entendu.
Collées l'une l'autre à la porte, leurs vêtements imposent une petite flaque d'eau qui s'agrandit à leurs pieds.
« Il fait beaucoup de prestation en c'moment »
« Je savais pas ! Pourquoi plus vous grandissez, plus vous me dites plus rien.. » s'attriste la maman confidente.
Les ados et leur secret.
Lyse sourit, en haussant les épaules, même si elle a parlé de son amoureux tout à l'heure, elle n'a pas évoqué le fond du problème.
Elles restent là, à écouter un moment, puis Lyse part dans sa chambre pour changer ses vêtements mouillés. Sa mère trempée mais émue, reste encore pour satisfaire ses oreilles. La romance dansante plutôt que les paroles timides. La musique épanouie son fils. Les notes sont les mots qu'il ne prononce pas. Une main sur son épaule la fait sursauter , étouffant un cri dans sa main. Elle lui donne une petite tape en murmurant « tu m'as fais peur !!! ». Je souris, et l'interroge du regard de sa posture de voyeuse dans le couloir.
« Chuutt » fait-elle en me faisant signe d'écouter. Et j'entends enfin. Mon fils est un bon musicien, je m'en rends compte que maintenant. Quand les sons me donnent des uppercuts bien placés en plein cœur. Sa passion n'est pas une illusion, il est réellement doué. Impressionnés, nous parents écoutons le fruit de notre amour. Jusqu'à ce que la musique s'arrête, comme pris en faute, on cherche à s’éclipser sans bruit mais on se télescope, ce qui a pour effet d'ouvrir la porte en grand.
Liam tourne la tête, nous regarde, il aurait pu s'énerver d'être accompagner dans son jardin secret, sans permission. Il aurait pu être déçu de nous voir là, comme deux enfants guidés par leur curiosité plutôt que leur raison. Mais il est trop content d'avoir aussi bien joué. Liam a trouvé l'accord parfait. Un léger soupir, puis il se dirige vers eux.
Chris, tapote mon épaule en disant :
« Hem… bien, c'est le moment de passer un bon temps tous les deux, comme avant hein.. »
Ils la regardent tous les deux, puis l'un hausse les épaules, l'autre acquiesce timidement.
« Bien, allez-y et amusez vous bien ! » Puis elle file en souriant dans la chambre parentale.
Son premier réflexe, prendre son ordinateur pour tchatter avec Paul, son ami virtuel artiste. Normalement, elle aura un peu de temps.
«Maligne va ! » Je fonds sur elle, pour l'embrasser, la chatouiller mais elle me repousse, ce n'est pas franc et sec mais elle se dérobe.
« Allé, vas-y, il va t'attendre ou partir, vous avez des choses à vous dire ». Son cœur bat à tout rompre, étrange…
« T'allais travailler ? »
« Hein ? »
Je montre du menton le PC sous son bras. Ma Chris rosit des joues, cette teinte sur ses pommettes l'a toujours rendu irrésistible. Je m'approche d'elle, réclamant ses lèvres, sa peau, même quelques secondes, comme pour me ressourcer. Encore une fois, elle s'échappe. Ce tête à tête, lui tient vraiment à cœur. Je capitule, même si j'allais y aller, j'y vais plus vite.
Chris s'installe sur son lit, enfin seule avec la virtualité qui se veut de plus en plus intime. La lèvre pincée entre les dents, elle se dandine.
Assis, Liam m'attend, martelant le bord de mon bureau. Sans trop réfléchir, je m'assois à ma place. Séparé par le meuble, ce moment père/fils, ressemble plus à un entretien professionnel. Le silence s'accroit, je le romps en premier.
« Très joli, ton morceau tout à l'heure »
« très joli d'écouter aux portes ». Aïe, un pic qui, je dois le dire est mérité. Mais pour briser la glace, je suis sur que lui parler de sa passion est la meilleure chose à faire.
« Tu joues merveilleusement bien, je suis.. fier de toi »
Il lève enfin les yeux vers moi et s'arrête de tapoter le bureau. L’étonnement dans le fond de sa gorge, il essaye de dire quelque chose mais rien ne sort, je le vois bien.
« Je suis désolé de ne pas avoir pris au sérieux ta passion, tu seras un grand musicien si tu veux continuer dans cette voie »
Je lui souris, sincère, aimant.
« J'peux aller faire l'tour du monde alors ? »
Je réagis du tac au tac.
« Mais non ! Tes études sont plus importantes que ça voyons ! » Aïe, j'ai réagis trop vivement, mes paroles ont été débité sans que je puisse les contrôler. Mais combien de fois encore, devrais-je dire non.
Il se renferme aussitôt, maintenant ce sont ses pieds qui pianotent le tapis nerveusement. Liam soulagé d'avoir son téléphone portable, se concentre sur ses mails.
« Comment sava les cours ? »
« Sava »
« et ton groupe ? »
« sava »
« Liam, je suis.. »
« Sava, laisse tomber » me coupe t'il, toujours les yeux rivés sur son écran miniature, je ne sais pas ce qu'il fait mais je perçois une légère esquisse de sourire de temps en temps.
« T'as une copine ? »
« P'paa !! »
« Le morceau tout à l'heure, je suis sur que c'était pour une fille »
« J'vois pas pourquoi t'penses ça ! »
« La passion que tu y as mis, la brillance dans tes yeux, et le morceau est magnifique »
« M'rci... »
« Alors comment elle s'appelle ? »
« Elle s'appelle pas ! »
« Pas… hmm étrange comme nom »
« pff, t'crois drôle ?! » Il secoue la tête mais je vois qu'il s'est radoucit.
« Pa.. Patricia ? Pa...ty ? Pamela ! Paloma ? Pâquerette ??? »
Liam me regarde arquer un sourcil.
« C'est pas une copine, puis on s'est jamais vu d'abord » Liam pense qu'en lâchant un minimum d'informations, je m'en contenterai ! Mais bien sur que non ! Je tiens un truc là, et en plus, il me confie quelque chose. Ça y est, la communication est rétablit, j'ai pas intérêt à merder cette fois ci.
Je me lève et m'assois dans mon fauteuil, lui faisant signe de venir avec sa chaise.
A contre cœur, il s’exécute sans broncher.
« Une petite amie Facebook ? »
« P'paa !! »
« Quooii ? C'est pas comme ça qu'on dit ? »
« tu sais dans mon temps, on avait moins de faciliter à se parler. Il fallait soit se voir, soit avoir un téléphone fixe chez soi. Le fameux téléphone à cadran. » Je souris en y repensant. « Et comme il était dans le salon, pas moyen de trop conter fleurette. Nos parents nous écoutaient sans scrupule ou alors nous priaient de raccrocher parce qu'ils n'entendaient pas leur série à la télévision, une sacré époque... »
« C'est Meucci qui aurait du avoir l'brevet pour le tél »
« Hein ? »
« C'est Antonio Meucci qu'avait fait tout plein d'plans sur le tél fixe, s'il avait eu l'argent pour l'brevet, Bell l'aurait eu dans l'cul ! »
« Je savais pas, tu vois que tu es doué pour les études »
Je me retiens de le reprendre sur son langage de peur qu'il se referme comme une huitre.
« C'quoi ? »
Il montre le bout de papier entre mes doigts, que je tourne dans tous les sens mais rien ne me vient.
« C'est un code mais les chiffres, je sais pas, à quoi ils correspondent »
« La plupart du temps, les gens mettent des dates de naissance, de rencontre, un évènement important pour ret'nir plus facil'ment »
« c'est pas une date », lui dis-je, en lui tendant le papier.
Il l'examine un moment, 196052, puis me le rend, reprenant son téléphone en main qu'il n'a pas lâché une fois. L'écran s'éclaire à un rythme assez régulier.
« C'est une date : 250691 »
« Hein ? » je regarde plus attentivement
« Faut les lire de droite à gauche, c'est facile... »
Le choc de la révélation, je n'avais jamais pensé à une date, 25 juin 91.
Cette date, ce jour… je ne l'oublierai jamais.
Étrange qu'Eddy est choisi, justement celle là.
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