chapitre 31
Parce que la vie est courte, parce que nous n'avons aucune prise sur le temps qui passe, qui reste, qui est perdu. Parce que Francis après cinq semaines commence à aller mal, Eddy veut profiter chaque seconde de ses proches.
Et pour ça, un voyage. IL a eu l'idée en se levant, prendre toutes ses économies, monter dans un avion pour une destination qu'ils choisiraient ensemble en regardant le tableau du terminal à l'aéroport. La Thaïlande, l'Afrique du sud, l'Argentine, pourquoi pas ! Tout est possible et réalisable. Will ne répondait pas à ses appels depuis ce matin, il ne sait pas pourquoi Francis a saigné du nez, est-ce que c'est anodin ? Est ce que ça annonce quelque chose de plus grave ? Eddy était un peu inquiet, d'autant plus qu'il avait lu le dossier de Roger, le premier symptôme avant la mort était le saignement de nez, dents et cheveux qui tombent, faiblesse (et délire, à voir) agressivité puis mort. Et tout ceci en 5 jours. Eddy comprend que certainement, il lui reste cinq semaines et cinq jours à vivre. Partir pour échapper à la mort, peut être l'oubliera t-elle, s'il n'est pas là à l'heure du rendez vous…
Antonio le regarde dubitatif, Yanis est fou de joie. Jamais son père n'avait été imprévisible et enjoué. Certains sont changés après de grands traumatismes, ils apprécient la vie davantage, c'est peut être ce qui est arrivé à Eddy, qu'importe, Yanis veut en profiter au maximum.
Eddy veut tout de même prévenir le Docteur Nelson, et lui dire merci. IL se rend donc à la clinique mais le labo est vide depuis hier soir. Le téléphone de Will sur la table d'auscultation l'intrigue, que fait-il là ? Il clignote, Eddy jette un œil, au cas où il y aurait eu un souci avec Francis. IL y a un code, mais le dernier sms s'affiche, du moins le début. Il comprend qu'il s'est passé quelque chose de grave avec les enfants de Will.
Eddy referme la porte qui se verrouille automatiquement, sort par derrière mais il est attendu…
Alors, on vient pas dire bonjour ?! Incroyable, vous êtes debout et plus vigoureux que je vous ai jamais connu auparavant ! Ça marche alors son putain de vaccin ! Je vais me faire une tite fortune quand vous m'aurez remis le dossier des formules !
Eddy crispe les poings, les yeux baissés. Il ne peut décemment pas faire une chose pareille.
-J'peux pas faire ça, il m'a sauvé la vie ! Implore-t-il, il serait normal et logique que se soit Will qui récolte le fruit de son dur labeur. Et non pas un usurpateur qu’intéressé par le fric.
-Je vous demande pas de le tuer ! Juste de lui voler quelques documents, c'est pas cher payé pour protéger la vie de son fils…
Encore une menace, mais cette fois ci Eddy pouvait riposter. Il lui colle un poing dans le ventre qui lui coupe la respiration à ce lascar de pacotille.
-Ne menacez pu jamais mon fils, compris !
Eddy part sans se retourner, le cœur presque au bord de l'évanouissement, il avait tenu tête mais mieux que ça, il avait senti une force émaner de lui, comme un halo de protection. La force s'était matérialisée dans ses muscles.
IL retourne chez lui, explique à Antonio et Yanis que le départ est repoussé, puis se rend au plus vite à l'hôpital. Vu qu'ils n'étaient pas à la clinique, c'était sur que c'était l’hôpital.
Entre temps l'homme plié en deux sous l'effet de la surprenante force d'Eddy, prit son tél et passa un coup de fil, on ne sait pas ce qu'il sait dit mais une heure plus tard, tout est mis en place pour que Yanis disparaisse dans quelques jours.
**
Francis avait mal au ventre, mais n'avait rien dit au docteur Nelson. IL ne voulait pas s'avouer vaincu par la maladie. IL avait réussi à dormir dans le petit abri que Christal lui avait fourni, celui là même qui s'avère être le même que Will lui a prêté. Il avait enfin compris, que Chris et Will étaient mariés. Christal lui avait dit que son mari était chirurgien mais pas à la clinique alors il n'avait pas pu faire le rapprochement.
Comme chaque matin, il rangeait le matelas debout contre le mur et qu'il ne touchait à rien d'autre, Will n'avait pas remarqué que quelqu'un dormait déjà ici.
Francis n'en dit rien, il ne savait pas pourquoi, mais il préférait garder ça secret.
Allongé sur le matelas à même le sol, bien plus confortable que « son » banc face à la mer. Il réfléchit, va-t-il mourir ? Un saignement de nez, ce n'est rien ?? Doit-il dire à Christal ce qu'il ressent pour elle ? Tant de questions l'assaillit, que quand le soleil perce de force la petite lucarne en haut du mur, il dort encore profondément. Dans ses rêves dansent son ex femme qui a les traits de Christal, (voir symbolique des rêves pour l'angoisse de la mort etc..)
Aujourd'hui, le soleil chauffe dès le matin, sa peau sensible le brule, il se réveille difficilement, encore dans des brumes de songes persistantes.
Il faut qu'il trouve Will, qu'il sache s'il va mourir, si ya quelque chose à faire.
Remettant tout en place, il part à la clinique. Le labo est fermé, il essaye quelques codes en épiant chaque côté du couloir, mais la porte reste intraitable. De frustration, il donne un violent coup d'épaule dans la porte qui s'ouvre. Lui même en est choqué, sa force à au moins décuplé.
- Z'avez pas entendu que j'tambourinais à la porte ?! Le front plein de sueur, Francis se sent un peu faiblard d'un coup, voilà ce que sait que de se prendre pour Hulk, il sourit intérieurement à sa pensée.
L'homme à capuche jusqu'aux yeux, ne répond pas et sort avec une clé USB qu'il fourre dans sa poche, discrètement mais Francis l'a aperçu, sa vision aussi c'est nettement amélioré. IL se dit qu'il pourrait tout à fait si faire, à tous ces changements et si le prix à payer est quelques saignements de nez et une chute de force de temps en temps, où est le problème ?!
Mais là, il n'avait pu la force de courir derrière l'homme qui file rapidement. Sa démarche, son odeur, il l'a déjà rencontré, mais où ?
Francis s'affale dans le fauteuil de Will et constate que l'ordinateur est allumé et son dossier ouvert. Un dossier qui est écrit en gros CONFIDENTIEL. Et en plus petit : patient sain avant injection du « remède ». Qu'est ce que ça veut dire, il n'avait donc pas de diabète, ni de possibilité de cancer de la peau à cause de son grain de beauté un peu gros sur le visage. Will lui a menti, lui a injecté, on ne sait trop quoi et
maintenant, il a le nez qui saigne ! Ça va pas se passer comme ça !
Sortant en trombe, prenant soin tout de même de refermer, même si apparemment, tout le monde entrait dans le labo comme dans un parc d'attraction. Où trouver le « docteur Jekill et mister Hyde ?! En passant à côté de deux infirmières, il entend leur conversation même en s'éloignant.
-Pauvre Docteur Nelson, ces deux gosses hospitalisés ! On risque pas de le voir de sitôt.
-Voilà quand on passe son temps ici, on a pas le temps de s'occuper de sa famille !
Il est tout le temps enfermé dans ce labo.
-Monsieur le directeur nous a bien dit, de ne jamais y aller.
Allé savoir ce qu'il trafique la d'dans !
Ces deux enfants hospitalisés, il doit être à leur chevet. Francis se rend directement à l'hôpital, à pied, ça prend un peu de temps.
**
Debout face à Christal, mains toujours dans les poches, je la regarde droit dans les yeux. Dans le hall d'entrée, les gens vont et viennent, mais il se forme comme une petite bulle faite de silence autour d'eux. Christal, nerveuse, yeux rougis, ne sait pas par où commencer, alors elle aussi, écoute le calme avant la tempête. La vie continue, mais la notre s'est arrêtée.
Aucun de nous deux n'ose prendre la parole. De cette conversation, qu'est ce qui va en ressortir ?
-Ha vous êtes là, venez dans mon bureau, il faut qu'on parle de Liam.
Le docteur qui suit Liam, nous devance, il nous a épargné cette discussion pénible, mais qui avoir lieu. Reculer pour mieux sauter.
Assis côte à côte dans le canapé du bureau, le docteur X, nous regarde, dossier et calepin à la main.
Je ne sais pas, s'il semble attendre que nous parlions ne premier mais ni Chris ni moi, sommes disposés à briser la glace. Il s'en charge, évidemment.
- Bon, il faut trouver une solution pour que Liam sente que vous l'aimez, qu'il n'y a aucune animosité entre lui et vous mais aussi entre vous deux. Je ne sais pas s'il peut aller chez quelqu'un de la famille quelques jours en sortant d'ici ?
-Il va aller faire le tour du monde avec ces copains. Je dis ça de but en blanc, sans regarder Christal qui tourne la tête vers moi.
- Il est hors de question qu'il parte à son âge !!
-Tu préfères qu'il te voit tous les jours et qu'il finisse par se foutre en l'air parce que la fille dont il était amoureux n'est autre que sa mère !
Je sais, c'était méchant, mais comment, comment a -t-elle pu faire ça ? Liam est bon pour 20 ans de psychanalyse.
Elle ne dit rien, frappée par la violence de mes propos, et la réalité des mots. Le visage enfouit dans les mains, elle pleure, ça m'arrache le cœur, j'aurai eu le réflexe de la prendre dans mes bras avant, mais ça c'était avant qu'elle badine sur internet. Impassible à ces supplications, je regarde l’horloge murale qui ressemble fortement à celle dans notre cuisine. Elle est désolée, bha voyons.
- le voyage me semble une bonne idée, il pourra se construire seul, être dans un autre environnement donc oublier plus vite ce qui s'est passé. Et qui sait, il reviendra avec une petite copine.
Le psy tente un sourire pour nous détendre, je hoche la tête affirmatif, Chris lève les épaules, avouant sa défaite. Ça s'est réglé.
- Madame Nelson, pourriez vous nous expliquer pourquoi cette « aventure » sur internet ? Qu'est ce qui vous a poussé à faire ça alors que vous êtes mariée ?
Je tourne les yeux vers elle, très bonne question docteur, merci ! Je suis impatient de savoir qu'est ce qui lui a pris de faire ça.
Après avoir ravalée ses larmes et mouché son nez bruyamment, elle s'assène un coup de poignard dans le cœur.
- Will n'est jamais là, il rentre, il sort, je croyais qu'il travaillai ici d'ailleurs, et il s'avère que non ! Je viens de l'apprendre ce matin. Mon mari ne me regardait pu, quand je me suis inscrite sur le forum des artistes, jamais il n'était question de … ça… avec ce Paul, on a sympathisé, j'étais quelqu'un d'autre, une jeune
femme, libre, célibataire sans enfant, sans responsabilité. J'étais insouciante et heureuse.
Le piège d'internet, marmonne le docteur.
- Et puis, sans que je m'en aperçoive, on s'est écrit tous les jours, de plus en plus, c'était innocent au début je le jure ! Et quand j'ai su que c'était Liam, j'ai coupé tous les liens. Je suis navrée, vraiment, je me dégoute moi même, si vous pouviez imaginer comme je m'en veux, si je pouvais revenir en arrière..
- Mais on peut pas ! Je lui coupe la parole, mais c'est plus fort que moi.
Le docteur reprend.
- Monsieur Nelson, êtes vous conscient que vous avez une part de responsabilité dans le chaos de votre vie ?
-C'est elle la coupable !
-il faut bien faire la différence entre responsable et coupable. Ici, on ne cherche pas la culpabilité mais comment réparer. Et admettre sa responsabilité amène à la réparation.
- Tu n'étais jamais là, reprend Christal. J'étais le ciment de cette famille, sans moi, personne ne se parlerait. J'étais fatiguée, lasse… ça ne pardonne pas mes actes mais ça peut les expliquer. C'est tombé sur Liam, ce fut un hasard désastreux mais combien de chance que ça arrive ? Je le pensais plus vieux, comme moi, quelqu'un qui avait triché sur son âge. Et je n'étais pas amoureuse !
- Ohh bha tout est pardonné alors ! Super ! Je n'arrive pas à me calmer. Et ma colère augmente au fur et a mesure où, je comprends que j'ai une part importante dans tout ça. Trop focalisé sur Francis, ma réhabilitation, à cacher les dettes, que je n'ai rien vu de ce qui se passait sous mon toit. C'est bien vrai que je n'étais jamais là, dès que je pouvais, j'étais à la clinique ou dans mon bureau. Je me rends compte que les diners en famille une fois par semaine, ça ne suffit pas. Mais elle, je l'ai pas délaissé si ?
-On fait l'amour ! Si c'est pas une preuve ça ! Dès qu'on peut, je lui fais l'amour, je lui montre combien je l'aime à travers l'expression de nos corps. C'est elle, ces derniers temps qui me repoussait ! Je comprends pourquoi maintenant !
- Baiser pour me posséder, n'a rien de flatteur et d'attentionné…
Christal me frappe en pleine virilité. Et pourtant, j'entends qu'elle a raison. Je plisse le nez, passe ma main dans mes cheveux nerveusement.
- C'est pour ça que tu t'es rapprochée de Paul ?
- Je couche pas avec Paul ! S'insurge t-elle !
-Ce n'est pas ce que j'insinue. Non, je n'ai jamais pensé que Chris couchait avec lui mais en même temps, je n'avais jamais imaginé qu'elle flirtait sur le net. Pour autant, Paul me l'aurait déjà craché au visage si c'était le cas.
- C'est vrai qu'il prend soin de moi, j'ai l'impression d'être autre chose qu'une mère et qu'une femme de ménage avec lui. IL me voit en tant que femme, mais ce n'est qu'UN AMI.
Je hoche la tête sans la regarder, le silence s'installe de nouveau jusqu'à ce que Christal s'excuse encore.
- Je pense que vous êtes sur la bonne voie, les abcès sont crevés. IL est important que Lyse, votre fille, ne sache rien de toussa.
Nous sommes tous d'accord sur un point. Le docteur nous donne un autre rendez vous, puis prend congé.
De nouveau dans le hall, Chris me dit qu'elle va voir Lyse, je lui fais signe que j'ai entendu sans répondre. Je reste un peu là, pour digérer tout ça.
- Oh ! Will, vraiment désolé de c'qui vous arrive, comment vont vos enfants ?
Eddy est sorti de nul part, mais je suis content de le voir, un visage amical, réconfortant, plein de vie.
On s'assoit sur une rangée de chaises à quelques mètres et je lui explique tout, j'ai besoin de parler. Chris, son besoin d' »évasion », Liam, puis le passé, l'opération qui m'a couté ma carriere en perdant ce collègue, Paul qui est revenu, mon obsession pour retrouver ma réputation, les 10 autres sdf, Francis et lui. Après plus d'une demi heure a parlé sans m'arrêter, je me sens vidé, vidé mais soulagé de partager ça avec quelqu'un.
- Pourquoi me le raconter à moi ? IL faut savoir garder ces secrets parfois souvent !
Je ne comprends pas pourquoi il me dit ça, il a vraiment l'air abattu et sincèrement désolé pour moi.
-M'sieur Bertrand me paie pour vous surveiller..
-Quoi ?
Me surveiller, mais qu'est ce que c'est que cette histoire encore ?
Will comment vont vos enfants ? ET moi comment je vais ?
La voix de Francis nous surprend tous les deux dans nos confessions respectives.
La main tendue vers moi, une dent au creux de la paume. Eddy et moi le regardons, nos yeux se croisent sur lui, comme si tous trois à cet instant précis, nous comprenons que la mort n'est pas loin et qu'elle ne les ratera pas cette fois ci.
Ça dure quelques secondes, mais tout autour de nous a été mis au ralenti puis nous sommes happés de nouveau dans le vertige de la vie.
- Ils vont bien merci mais vous ?!
Deux crises à gérer, bien trop pour le seul homme que je suis. Si Francis meurt, alors Eddy meurt, effet boule de neige.
-Quand ça s'est produit ? Et votre nez, vous saignez pu ?
Procédé par étape, symptômes, examen, diagnostic.
- Nan pu de saign'ment mais ma dent s'est déchaussée à l'instant. Que m'arrive -t-il docteur ? J'vais mourir ?
Je pense à Roger, le même ordre, la même vitesse. Deuxième jour, dent et cheveux qui tombent, si je me trompe pas demain il n'arrivera même pu à se lever.
Entrainant les deux hommes dans un coin un ti peu à l'abri de l'indiscrétion des passants du hall. J'essaye de réfléchir mais je n'y arrive pas. Lyse, Liam, Christal, Francis, Eddy.. Tout ce monde compte sur moi, mais je n'ai pu la force. Il faut que je me resaisisse, je respire profondément, mon pouls cogne dans mes tempes.
Tout le monde nous voit ici. Procédé par étape.
-Bien, allez à mon labo et attendez moi là bas, je fais aussi vite que je peux.
- Vous inquiétez pas, jl'emmène mais après ça, j'pars en voyage avec Antonio et Yanis, je veux profiter d'eux… tant qu'...
… qu'il est encore temps. Je connais le fond de sa pensée. Je vois la détresse dans ses yeux. Francis rechigne un peu mais Eddy arrive à l'emmener avec lui. Il ne faut pas paniquer. Francis a tenu cinq semaines et là les cinq jours où il se dégrade à la vitesse de la lumière. Francis n'était pas malade, il était sain. Roger, malade, à tenu douze jours, Eddy était malade… IL ne peut pas partir en voyage s'il lui reste douze jours au lieu de cinq semaines. Comment lui dire que c'est maintenant le moment des adieux.
Les enfants vont bien du moins mieux, je cours derrière Francis et Eddy et pars avec eux.
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