chapitre 32
- Désolé pour ta l'heur, j'voulais pas…
-sava, c'est rien, prêt pour la lecture ou t'as envie t'parler ?
-Parler c'est bien, enfin si t'as envie.
Deux heures ont filé, mais c'est comme si qu'il n'en était rien. Trisha et Liam ont parlé, chacun deux même. Liam de son voyage, de la musique, du lycée, de Lyse et Trisha de livres, de danse, des études, de son père. Avec une demi heure par patient, elle aurait pu faire la lecture à quatre personnes mais elle n'y pensais pu. Liam était quelqu'un de sensible, pas si renfermé quand il s'ouvre un peu, avec un sourire charmeur et des yeux magnifiques.
Trisha a peut être un an de moins que lui mais elle est vraiment mature pour son âge, timide, quand elle sourit, ces faussettes lui donne un ti air mutin, ces cheveux ondulés lui donne un côté plus féminin que sa tenue très masculine. Sa manière de chasser sa mèche qui tombe sur son front est rigolote, elle souffle dessus plusieurs fois de plus en plus fort. Elle s'en fout qu'elle est en train de parler et qu'en plein milieu de sa phrase, elle s'arrête et se concentre à souffler puis elle reprend là où elle a stoppé. Elle est mignonne à y regarder avec plus d'attention.
- Tu peux aller voir Lyse steuplait, voir comment elle va ? Quand elle rentre à la maison ?
- J'rentre demain parce que contrair'ment à toi, suis une super nana !
Lyse rit puis saute sur lui et serre son frère dans ses bras. Trisha les regarde un instant mais se sent de trop.
-J'vais vous laisser, a demain Liam…
-A plus, disent en cœur le frère et la sœur.
Lyse le regarde et taquine, « a demain Liam... » puis le pousse doucement en signe de complicité. Il rougit, sans le vouloir.
-Bon alors, drogue plus alcool, tu m'expliques ? J'boug'rai pas tant que tu m'diras pas, tu l'sais !
Et il le sait oui, elle est tenace quand elle l'a décidé. Et lui raconter un mensonge, elle le verrai de suite, seule option la vérité. Alors Liam déballe tout à sa sœur, qui comme on peut l'imaginer est furieuse contre sa mère.
- Garde le pour toi steuplait, elle sait même pas que j'sais, j'veux rien avoir à faire avec elle, dis rien, promis ?
- Promis… dit Lyse à contre cœur.
Ils parlent un peu du grand voyage initiatique de Liam, elle est contente pour lui même si ça va faire un énorme vide dans son monde, sa sœur comprend qu'il est besoin de s'enfuir loin.
Le docteur débarque dans la chambre et s'empresse d'expédier Lyse, Liam ne doit recevoir aucune visite ces prochaines 48h, mais il semblerait qu'aucun membre de cette famille soit prompt à obéir.
Malgré tout, le docteur note le bienfait pour Liam d'avoir parlé à sa sœur. C'est l'heure de l'entretien, et il s'est calfeutré sur lui même.
**
Dans la voiture d'Eddy, qui nous ramène vers la clinique, Francis est prostré, tête contre la vitre, nous n'osons rien dire. Moi, j'essaye de réfléchir à une solution à ce problème. Une autre dose du remède est impossible, il me faudrait plus d'une semaine pour en fabriquer, et la dernière a été administré à Eddy. Tout à coup, il crache une dent dans sa main et me regarde les yeux vitreux. Qu'est ce que j'ai fais à cet homme ?
Une main compatissante sur son épaule, je perçois des cheveux qui y sont parsemés. Je suis en train de tuer ces deux hommes. Au nom de quoi ? De qui ? Et puis Eddy qui m'avoue que Bertrand me surveille ? Mais depuis quand, et pourquoi, que s'est-il ?
Dans le labo, Eddy me dit qu'il est passé ici, qu'il a vu mon portable sur la table d'auscultation et que c'est comme ça qu'il a su où j'étais. Mon téléphone, c'est vrai, je regarde, cherche partout mais rien.
-Jl'ai laissé à sa place, j'vous jure !
-ha ouais, ça doit être, l'inconnu qui l'a emporté. Francis tousse, Eddy et moi, attendons impatients qu'il en dise davantage.
-Quelqu'un pourrait m'donner d'leau ou vous attendez qu'j'creve ?!
Malgré son état, il esquisse un sourire, il nous taquine, nous sommes inquiets, très inquiets. Eddy lui donne un verre d'eau tandis que moi, je lui donne du paracétamol pour calmer un peu les douleurs associées, et un anxiolytique. Respirant profondément, il m'explique que lui aussi est passé ici ce matin pour me trouver et qu'il a surpris un individu, en capuche partir avec une clé USB. Il est sur d'avoir déjà vu cette personne mais là, ça ne lui revient pas. Mon ordinateur est allumé, à l'écran le dossier de Francis. Eddy me confesse que depuis le début, Bertrand est au courant de tout, des expériences, du labo, du « vaccin » et il n'attend qu'une chose que je trouve la formule exacte, les menaces à l'encontre de son fils, mais que maintenant qu'il allait mourir, Bertrand ne pourrait pu rien, il suffit d'attendre les cinq semaines écoulées et la fin sonnera. Il dit ça d'une voix détachée, comme si, ça allait arriver à une autre personne. J'en profite pour lui apprendre la mauvaise nouvelle, que je ne suis pas sur qu'il tienne ne serait-ce que douze jours tout comme Roger, le patient 10.
IL ne réagit pas mais je vois bien que sa respiration s'est arrêtée. Francis tousse à nouveau en expulsant une autre molaire.
-J'veux savoir, comment j'vais finir ?
- Hé bien, de ce que j'ai noté avec les autres et surtout Roger, le patient 10, il y a les saignements de nez, les dents et les cheveux qui tombent, impossibilité de se lever, délire, agressivité et… Mais, je vais trouver une solution, je ne vais pas vous perdre tous les deux !
Je passe une main dans mes cheveux, tirant dessus, peut être une idée va jaillir.
- Vous pourrez pas m'sauver Will, mais ptet bien qu'Eddy pourrait l'être… Il a une famille. Sauvez-le…
Francis, deux dents dans la main, est lucide et pragmatique. Emprunt de tristesse et de compassion. Je lui refais une prise de sang à analyser en urgence, ainsi qu'à Eddy.
- Allez profiter de votre famille Eddy, pour le moment, vous ne risquez rien.
Il faut être lucide, autant qu'il passe le plus de temps possible avec eux. Il hoche la tête, puis s'en va. Francis, allongé, a fermé les yeux, une larme roule sur sa tempe.
- Francis (nom), j'étais un grand entrepreneur puis comme beaucoup, la crise s'en est mêlée, dépôt de bilan, divorce, mon ex femme m'a détruit avec son rapace d'avocat. J'crois que suis amoureux d'une femme, elle le sait pas, elle le saura jamais. Elle me voit pas, heureuse en ménage. Voilà, j'vais mourir et j'vais rien laissé sur cette terre, personne se souviendra d'moi, j'aurai rien fais pour remonter la pente. J'devrais rentrer chez moi, pour être enterré dans le caveau familial auprès d'mes parents.
Je rage d'impuissance, je l'écoute sans rien dire, ma présence, mon oreille lui suffit, alors je lui dois bien ça. IL a raison, un enterrement décent, il aurait pu vivre encore des années, et je lui ai volé sa vie.
-Donnez moi le nom de votre ville, l'adresse, je m'occuperai de tout.
Il hoche la tête puis s'endort doucement. Je me précipite vivement sous mon bureau, les chaises, la poubelle, je fouille partout, peut être ya t-il un mouchard, quelqu'un nous écoute ? Bertrand ? Partout, j'ai scruté les moindres recoins de la pièce mais rien.
Je voulais sauver l'Humanité des maladies, de la mort, mais le peut-on vraiment ? On ne peut pas sauver tout le monde, si les humains meurent c'est que c'est un cycle. Où mettrons nous les gens si personne ne mourraient pu ? S'il n'y avait pu de maladie ? J'ai voulu être un « Dieu », mais Dieu n'existe pas…
**
Eddy conduisit sa famille dans un parc d'attraction, c'était surtout pour Yanis, qu'il s'amuse, que l'insouciance de ses treize ans le submerge et l'enveloppe à jamais dans un souvenir gravé pour les années à venir. Ensuite, le cinéma, de la science fiction, Eddy et Antonio n'aimaient pas ça mais qu'importe, être ensemble c'était tout ce qui comptait. Les rires, les yeux qui brillent, les marques d'affection, c'est tout ce qu'il pourrait emporter dans l'au delà. Il n'était pas croyant mais à cet instant, il espérait qu'il y est un paradis, quelque chose, n'importe quoi après la mort. L'après midi, Yanis retourne en cours, Antonio et Eddy en profite pour un moment en amoureux. Mais comment oublier la mort qui rode constamment autour d'eux. Antonio est en colère contre le docteur Nelson, Eddy lui fait remarquer qu'il a cinq semaines de pur bonheur à partager avec eux et ce grâce à Will, il aurait pu vivre indéfiniment tétraplégique, mais à quoi bon s'il n'était pas avec ceux qu'il aime. Il est au contraire reconnaissant envers Will. Eddy passe une heure à rédiger son testament et à souscrire à une assurance-vie, sans le dire à Antonio, il sait déjà qu'elle serait sa réaction. IL ne peut s'empecher de demander des nouvelles de Francis, Will lui en donne comme à un parent proche, avec des mots choisis, des expressions évasives par moment.
Eddy laisse un message à Will, même s'il lui reste douze jours, une semaine loin d'ici leur refait le plus grand bien. Yanis comprend qu'il se passe quelque chose de pas net, partir en voyage une semaine en pleine période scolaire mais c'est la première qu'il profite de ses papas comme ça alors il n'allait rien gâché en posant des questions qui engendreraient certainement des réponses qu'il n'aimerait pas entendre.
Direction l'île de La Réunion. (canada, à voir)
**
Le lendemain, Lyse rentre à la maison, c'est moi qui l'a ramène. Une dispute avait éclaté entre sa mère et elle. IL est donc convenu que Christal séjournerait quelques jours chez Paul, pour laisser le temps à Lyse de pardonner à sa mère. Comme si elle n'avait pas d'amie féminisme mais je n'ai pas envie de me battre, le plus important c'est les enfants. Le docteur « spy » a autorisé Liam a rentrer aussi, à contre cœur mais sachant que Chris ne serait pas à la maison, il y avait consenti après que j'use de tout mon acharnement possible. Je pense que c'est Lyse qui a réussi à le convaincre, avec ses fausses larmes, moi même j'y ai cru !
Tous les trois dans la cuisine, on mange une pizza. Bien entendu mes pensées sont avec Francis, pas loin dans le petit abri que je lui ai prêté.
Jour 3 : il devrait rester alité aujourd'hui. Il n'a pas voulu se faire hospitaliser au
dispensaire. Je vais aller le voir toutes les demi heures.
-J'ai invité Trisha, elle passera t'faire la lecture ta l'heure…
Liam rougit et lui lance un chiffon, je les regarde complice, Lyse rit de bon cœur, ça me fait sourire. IL est vrai que je ne profite pas assez d'eux.
- Trisha hein ? Hé bien ! J'y mets mon petit grain de sel, sans trop salé pour ne pas que Liam se ferme. Lyse est bien plus bavarde, et me raconte tout.
Quelqu'un appelle Lyse, elle pousse son téléphone vers Liam qui jette un œil mais ne répond pas non plus. Je me penche et regarde, « Adrien », j’attrape le téléphone avant qu'ils ne réagisse et répond. Le bouche de Lyse forme un O de surprise, Liam ouvre de grands yeux mais trop tard, j'ai décroché.
-Bonjour Adrien, Lyse ne veut pas te parler mais écoute moi bien, que tu n'assumes pas ton homosexualité est une chose mais que tu brises le cœur de ma fille est impardonnable. Fais attention à toi, et que je ne te revois pu jamais dans le coin parce que ça risque de mal aller pour toi mon gars ! C'est pas en te cachant de toi même et des autres que tu vivras heureux mais en te cachant de moi, tu vivras longtemps. Tiouss mec !
Hop raccroché, Liam et Lyse explosent de rire, tant mieux, je ris avec eux. J'ai souvent entendu Adrien dire « tiouss » à Steven ou Liam en partant. Un mot de jeun's. Je sais que Lyse s'en remettra de cette trahison, elle est forte. Elle pleurera quelques soirs, elle ne fera pu confiance mais son caractère la relèvera de cette épreuve si éprouvante pour une adolescente. Liam c'est autre chose, plus sensible, un artiste mais son voyage lui fera le plus grand bien. Je regrette déjà d'avoir dit oui mais il est sérieux et son groupe a des dates de concert programmées, ils s'en sortiront. Leur prof de musique voulait les accompagner si tous les parents étaient d'accord. Il n'y avait que Christal et moi qui ne l'étaient pas. Le groupe partait quand même sans lui, même si les copains ne souhaitaient pas jouer avec quelqu'un d'autre, cette opportunité ne pouvait se rater. J'en prends conscience maintenant, mais c'est mon petit Liam.
Je les laisse discuter et pars discrètement voir Francis à quelques mètres de la maison.
Je le retrouve recroquevillé sur lui même, le front en sueur, le teint pale. Un oreiller dans les bras, quand je m'approche de plus près, je constate qu'il le caresse. Seul un filet de lumière extérieur l'éclaire, j'allume la lumière mais il me crie de l'éteindre. J'essaye de lui faire boire un peu fraiche, il fait une chaleur pesante ici mais il ne veut pas ouvrir la lucarne. Je comprends que l'oreiller représente son chien, ça y est, il commence à délirer. Francis veut se lever mais retombe aussitôt, il essaye à nouveau, encore et encore, à s'en faire mal les articulations. En tant que médecin, je l'accompagne vers la fin de vie, en lui donnant un peu de morphine. Le son des vagues, le berce un peu, et il s'imagine sur la plage avec son chien. Il sourit, joue avec du sable blond qu'il ne voit que dans sa tête. Ces doigts qui s'écartent pour laisser passer les grains, son visage levé vers le plafond pour accueillir le soleil. Il me dit d'apprécier la vie, alors je m'assois à ses côtés et je l'accompagne dans son hallucination, c'est le moins que je puisse faire. Enfin, il s'endort, je le quitte le cœur lourd, la culpabilité sur le dos. Mais je pousse ces émotions dans un recoin quand je vois Liam et Lyse se chahuter. Une lueur triste traverse le regard de ma fille de temps en temps, je crois que son frère la voit aussi et c'est pour ça qu'il s'efforce à la faire rire, alors qu'il n'a qu'une envie, c'est d'aller s'enfermer dans sa chambre. Je prends le relais. J'avais oublié à quel point l'insouciance d'un moment, d'une joie, pouvait faire du bien.
J'ai une idée, Liam n'est pas d'accord, ça m'aurait étonné qu'il le soit mais Lyse est très enthousiasme. Une nouvelle complicité s'installe entre nous trois, entre nous deux.
Le temps est beau, le soleil est haut mais pas agressif, parfait pour aller nager. On ne profite pas assez de ce qu'on a. La plage est là à quelques mètres, et aujourd'hui, on y fera honneur à cette nature.
Les vagues ne sont pas hautes, il y a peu de vent. La barrière de corail se recouvre avec la marée montante. Assis au bord de l'eau, je reçois les vagues tantot comme des caresses tantot comme des petites gifles qui me surprennent. Lyse nage un peu plus au large, elle est belle, une sirène dans son élément. Je me souviens quand Chris se baignait tous les jours quand on venait d'acheter la maison. Elle me manque, je me demande bien ce qu'elle peut faire avec ce Paul. Il doit être heureux.
Liam, allongé sur son lit, les écouteurs soudés aux oreilles, il efface sa dernière compo et écoute du Tracy Chapman. Des images de sa mère qui tchat avec lui reviennent le harceler, sa respiration s'accélère, sa poitrine se resserre, ses phalanges sont blanchis à agripper le drap pour le froisser.
- Salut, SAALUUT ! Claironne Trisha tout sourire. Liam se redresse, sa respiration se détend, ses doigts ne sont pu crispés, sa poitrine s'élargit. Même un sourire se dessine sur son visage.
- Ton père m'a permis d'entrer, il est sur la plage, jte dérange ?
Ces yeux sont pétillants, elle a mis une jupe longue et du gloss sur ses lèvres. Liam le remarque, lui fait signe de venir s'assoir à même le lit. Trisha est une bouffée d'oxygène pure qui repousse toutes pensées négatives. Lâchant son sac à dos sur le sol, elle saute sur le lit, comme Lyse l'aurait fait. Elle est spontanée, vive, expansive tout le contraire de Liam et il apprécie ça. Elle parle danse, il parle musique. Elle gesticule en s'exprimant, il est sans expression. Elle est lumineuse, il se trouve terne.
-On devrait bouger, chépa comment tu fais pour rester enfermé dans cette chambre.
- D'accord, on bouge !
Trisha sourit, contente et surprise, se lève, déjà prête à sortir, Liam fait un effort pour montrer de l'excitation, même si il est content, ça n'est pas très visible.
Sur la jetée, Trish lui prend spontanément le bras, elle marche avec grâce. Les quelques personnes qui passent à côté d'eux, sourit, la trouve belle, Liam est presque invisible mais il s'en fout, elle est resplendissante dans sa simplicité. Si elle avait un an de plus, si elle avait débarqué dans sa vie quelques semaines plus tôt. Tant de si,
qu'il pense insurmontable. Tant de si qu'elle peut balayer d'un battement de cils.
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