Souvenirs

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Le carrosse s'arrête quelques heures plus tard. La portière s'ouvre et Rhodes Reiss et sa fille descendent du véhicule. L'homme qui est assis à côté de moi repose Eren sur son épaule, puis m'attrape par les chaines qui lient mes mains pour me faire avancer devant lui. Nous posons à notre tour pied à terre.

En regardant autour de moi, je constate que nous nous trouvons devant une chapelle. Elle est entourée d'une forêt. Si je m'y prends correctement, je pourrai me dégager de l'emprise de mon ravisseur et courir me cacher dans les bois. Ensuite, je trouverai un moyen de rejoindre notre escouade. Ce ne sera pas compliqué à réaliser, seulement, cela signifierait abandonner Eren et Historia à leur sort et je ne peux pas m'y résoudre. Je dois rester avec eux pour veiller sur eux du mieux que je le peux.

J'avance donc docilement devant l'homme vêtu noir. Il me conduit à l'intérieur de la bâtisse en pierre. Elle ne contient qu'un autel, quelques bancs en bois, qui lui font face et un tapis. Il déplace ce dernier avec son pied, révélant une trappe. Un autre individu, vêtu de l'exacte même façon que lui, l'ouvre, dévoilant un escalier. Nous en descendons les marches et aboutissons à une porte en bois.

Mes yeux s'écarquillent d'étonnement et d'émerveillement lorsque je découvre ce qu'elle cache : une immense grotte de cristal aux paroies et aux piliers scintillants d'une lumière bleutée. En observant attentivement, je constate qu'il n'y a aucune ouverture, ni aucune torche permettant d'éclairer l'endroit et, pourtant, on y voit aussi bien qu'en plein jour. Cela voudrait dire que cet étrange cristal produit sa propre lumière ! C'est fascinant !

Mon ravisseur me pousse en avant pour me faire avancer. Je m'exécute. Nous descendons un escalier, puis traversons la grotte. Nous arrivons devant une sorte de long couloir. En arrivant de l'autre côté, je découvre une immense salle, identique à la précédente.

Nous continuons d'avancer, juqu'à arriver devant deux escaliers menant à une plateforme. Le mystérieux individu aux yeux gris-bleuté confie mon cadet à son camarade, puis s'empare d'une longue chaine métallique qu'il enroule autour de l'un des piliers de cristal, avant de l'attacher à mes menottes, me condamnant ainsi à rester là où je suis. Il m'ôte cependant mon bâillon, en déclarant :

- Tu n'en as plus besoin. Personne ne vous entendra, ici.

Les deux hommes montent ensuite l'un des escaliers et agenouillent Eren sur le rebord de la plateforme. Ils lui ôtent sa chemise blanche, passent des chaines autour de sa taille, qu'ils fixent au sol, puis attachent ses mains à d'autres liens métalliques, reliés chacun à un mur, le privant ainsi de tout mouvement.

Ils quittent ensuite l'endroit, nous laissant seuls dans ce lieu inconnu.

*

Le jeune brun ouvre lentement les yeux. Ces derniers s'écarquillent lorsqu'il constate qu'il est enchainé. Il regarde partout autour de lui et, en me voyant, commence à se débattre, mais il a beau tirer de toutes ses forces, il ne parvient pas à se libérer.

- Eren ! l'appelé-je.

Au même moment, des bruits de pas résonnent dans la grotte. En tournant la tête, je vois Historia approcher. Elle est vêtue d'une longue tunique et d'une veste blanches. Elle porte des sandales à ses pieds et ses cheveux blonds, privés de l'élastique qui les maintient d'habitude en queue de cheval, tombent sur ses épaules.

- Tu es réveillé, Eren ? lui demande-t-elle. Ça va aller, juste un peu de patience. Eren, Éléonore, écoutez-moi. En réalité, mon père a toujours été du côté de la population cloîtrée entre les murs. On s'est complètement mépris. C'est vrai qu'ils ont fait obstacle au bataillon et qu'ils ont assassiné le révérend Nick, mais ils n'avaient pas le choix ! Tout ça, c'était pour le bien de l'Humanité !

Qu'est-ce qu'elle raconte ? Ses propos n'ont aucun sens ! Le bataillon d'exploration se bat chaque jour pour la survie de l'Humanité alors comment lui faire obstacle peut-il signifier protéger la population des murs ?

- Laisse, Historia, je vais leur expliquer moi-même, dit Rhodes Reiss en approchant à son tour.

Il prend la main de sa fille et tous deux montent l'un des escaliers permettant d'accéder à la plateforme. En gravissant les marches, le petit homme moustachu adresse ces mots à mon frère :

- Tu sembles troublé. Tu n'es jamais venu ici, je te l'assure. Mais tu en as probablement le souvenir.

Il tend sa main en direction de mon cadet. La jeune blonde l'interrompt :

- Père, vous devez leur expliquer . . .

- Oui, c'est bien mon intention. Mais j'aimerai d'abord faire un petit essai, explique-t-il en prenant la main de sa fille pour l'inviter à l'imiter. En le touchant, ses souvenirs enfouis devraient ressurgir.

Ils posent tous deux leurs mains sur le dos nu du garçon. Aussitôt, ses yeux s'écarquillent d'horreur et d'incrédulité ! La jeune fille, quant à elle, retire brusquement sa main du corps de l'adolescent, avant de la poser sur sa tête. Ils semblent tous deux troublés. Qu'ont-ils pu bien voir ?

- Alors ? demande froidement Rhodes Reiss. T'es-tu remémoré le crime de ton père ?

Qu'est-ce qu'il raconte ? Je ne comprends rien . . .

Notre amie recule d'un pas, les larmes aux yeux.

- Qu'y a-t-il, Historia ? s'enquiert son géniteur.

- Comment . . . Comment ai-je pu l'oublier jusqu'à maintenant ? Je n'étais pas seule. Il y avait cette fille qui venait me voir. C'est elle qui m'a appris à lire et à écrire. Elle prenait soin de moi. Comment ai-je pu l'oublier ? demande-t-elle d'une voix étranglée par les sanglots.

- Il t'arrivait donc de voir Frieda ? l'interroge notre ravisseur.

- Frieda ?

- Si la fille dont tu parles avait de longs cheveux noirs, alors ce devait être Frieda Reiss, ta demi-soeur. Elle avait dû s'attacher à toi et venait parfois te rendre visite. Et c'est probablement pour te protéger qu'elle effaçait ta mémoire.

- Elle effaçait ma mémoire ?

- Oui. Mais en touchant Eren, ces souvenirs enfouis ont dû refaire surface.

- Père, dîtes-moi, où se trouve Frieda à présent ? J'aimerai la revoir, déclare-t-elle avec un grand sourire et des yeux brillants d'espoir. Si elle n'avait pas été là pour moi . . . Je veux la remercier pour tout ce qu'elle a fait !

- Frieda n'est hélas plus de ce monde.

Le sourire de l'adolescente retombe aussitôt. Rhodes Reiss s'approche d'elle et la serre contre lui en poursuivant :

- J'avais cinq enfants. Mais Frieda, ses frères et soeurs, ainsi que leur mère ont tous péri ici-même il y a cinq ans, massacrés par Grisha Jäger, le père d'Eren et Éléonore.

Mes yeux s'écarquillent d'horreur et d'incrédulité. C'est impossible ! Jamais papa n'aurait fait une chose pareille ! Il était si gentil . . .

- Il possédait lui aussi le pouvoir de se transformer, continue le brun. J'ignore qui il était réellement, mais il voulait s'emparer d'une faculté propre à notre lignée. Ce pouvoir qu'il cherchait à dérober était celui que détenait le titan de Frieda. Cette capacité devait lui permettre de gouverner les autres titans et aurait dû la rendre invincible. Malheureusement, elle n'avait pas encore appris à bien la maitriser. Elle ne put déployer son plein potentiel et Grisha la dévora, s'emparant ainsi de son pouvoir. Et il ne s'arrêta pas là, il s'attaqua au reste de la famille dans le but d'anéantir notre lignée. Il écrasa Dirk et Ebel, qui n'avaient que quatorze et douze ans, piétina ma femme et le petit Florian, dix ans, avant de broyer mon fils aîné, Ulklin, dans son poing. Inexplicablement, je fus le seul rescapé de ce massacre.

Je crois comprendre, maintenant : Frieda détenait le pouvoir du titan originel et papa l'a dévorée pour s'emparer de sa puissance et ainsi accomplir la mission qui lui a été confiée. Il a ensuite décimé les membres restants de la famille afin qu'ils ne puissent pas récupérer ce don et mettre en péril la survie de notre peuple, mais dans ce cas, pourquoi avoir épargné Rhodes Reiss ? Est-ce qu'il aurait réussi à lui échapper et qu'il a renoncé à le poursuivre parce qu'il était à bout de forces ? Il y a quelque chose qui cloche dans cette histoire . . .

- Non . . . murmure Historia, horrifiée. Ma soeur a été . . . Pourquoi commettre un acte si atroce ? demande-t-elle en nous regardant, mon cadet et moi.

Je n'ai pas le temps de lui répondre quoi que ce soit. Une voix, que je reconnais, retentit dans le sous-sol de la chapelle.

- Houlà, houlà, houlà ! Vous êtes encore là, à bavasser ? demande l'homme à la barbichette noire.

Cette fois, il est vêtu d'un pantalon sombre, d'une chemise blanche et d'un équipement tridimensionnel anti-humains. Seul son chapeau noir ne l'a pas quitté.

- On a subi un sacré gros revers, dehors, poursuit-il.

- C'est toi, Kenny. Que s'est-il passé ? lui demande son employeur.

- Le bataillon d'exploration a formenté un coup d'État et le reste de l'armée a suivi. L'imposture du roi a été découverte et les gros bonnets ont été bouclés. Autant dire que ça sent le roussi. Ils tarderont pas à trouver cette planque, magnez-vous de finir vos affaires.

Nos amis ont réussi à prendre le contrôle de la situation ! Quelle bonne nouvelle !

- Très bien, j'ai compris, déclare Rhodes Reiss. Rassemble tes hommes et renforcez la défense de l'entrée. Je t'ai déjà dit que nous ne pouvions accomplir le rituel en votre présence.

Un rituel ? Quel rituel ?

- Ben quoi, Majesté, je vous ai contrarié ? s'exclame Kenny.

Son interlocuteur se contente de le fixer en silence.

- Désolé, se reprend l'autre, j'ai tendance à me faire du mouron facilement.

- Kenny, tu sais que j'ai toute confiance en toi. Alors, va.

- C'est réciproque, Majesté, affirme-t-il en renfonçant son chapeau sur sa tête.

Il tourne les talons et s'éloigne. Rhodes Reiss et sa fille descendent de la plateforme et ce dernier s'éclipse à son tour pendant quelques minutes. Pendant ce temps, Historia se contente de nous fixer, Eren et moi, en silence.

J'aimerai lui parler, mais je ne sais pas quoi lui dire. Je suis un peu perdue, comme toujours, depuis qu'il n'est plus à mes côtés, mais encore plus en cet instant. L'attitude de mon amie me surprend. Comment a-t-elle pu se ranger aussi facilement du côté de cet homme qui n'a pas hésité à tuer nos camarades pour arriver à ses fins ?

Le petit moustachu ne tarde pas à revenir, une sacoche à la main, en disant :

- Nous voilà enfin seuls.

- Père . . .

- Navré de t'avoir fait attendre. Écoute-moi bien, Historia, lui adresse-t-il en posant une main sur son épaule. Cela va sans doute te paraitre insensé, mais Frieda n'est pas vraiment morte.

Qu'est-ce qu'il raconte ? Il vient de dire qu'elle a été dévorée . . .

La jeune blonde semble tout aussi surprise que moi car ses grands yeux bleus s'écarquillent.

- Sa mémoire subsiste encore, poursuit notre ravisseur. Voudrais-tu revoir ta soeur ?

- Oui ! s'exclame-t-elle, les yeux larmoyants et brillants d'espoir.

Rhodes Reiss s'agenouille et ouvre sa sacoche. Il en sort une petite boite noire, qu'il ouvre, révélant une seringue et un petit flacon.

Ils me sont familiers . . . On dirait . . .

Le jeune brun semble aussi réaliser car ses yeux s'écarquillent et il se met à se débattre en hurlant.

Je me sens trembler. Le souvenir de ce terrible jour me revient et je comprends enfin ce qui se passe : il a l'intention de faire dévorer mon petit frère par Historia pour récupérer le pouvoir du titan originel !

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