Chapitre 1 – Pourquoi ne devons-nous pas nous entretuer ?

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Note de l’auteur :
Ce livre n’est pas une vérité. Il est un miroir brisé, où l’on observe ce que l’on ne veut pas voir.
Chaque mot est une question, et non une réponse.
Ce que vous lirez ici n’est pas une opinion, mais une exploration — parfois sombre, parfois dérangeante.
Ne me jugez pas sur ce que dit le Diable. Écoutez-le. Réfléchissez. Puis refermez le livre… ou pas.

— Pourquoi tu me demandes ça ? Évidemment qu’on ne doit pas tuer les gens.(dit l’humain, avec un petit rire nerveux, presque étonné par la question. Il croit dire quelque chose de juste, d’incontestable.)

— Évidemment ?(le diable incline légèrement la tête, calmement, presque amusé. Le mot a attiré son attention, comme une faille qu’on expose trop tôt.)

— Bah oui… tuer, c’est mal. C’est interdit. C’est horrible. Cela apporte de la tristesse.(l’humain hausse les épaules, sûr de lui, mais déjà un peu moins à l’aise. Il sent qu’il s’aventure en terrain glissant.)

— Qui l’a décidé ?(voix posée, neutre, presque douce — comme une lame froide posée sur la peau)

— Tout le monde le sait. C’est une règle universelle. Une base de la société.(il croise les bras, plus par protection que par défiance. Ses mots sonnent comme des souvenirs appris, pas comme des vérités réfléchies.)

— Pourtant, ta société fait la guerre. Tous les jours. Partout. Et certains ne s’en privent pas.(le diable ne sourcille pas. Il énonce des faits.)

— Oui mais… c’est pas pareil. C’est pas des meurtres comme ça, c’est… c’est des conflits. C’est compliqué.(l’humain se trouble légèrement, cherche ses mots, regarde ailleurs. Il sent la gêne monter, mais refuse de l’admettre.)

— Compliqué ? Donc tuer est mal… sauf si c’est compliqué ? Sauf si la situation le permet ?(le diable marque un silence, puis reprend avec la précision d’un scalpel. Il ne juge pas. Il démonte, pièce par pièce.)

— Non ! Mais parfois on n’a pas le choix. Enfin…(il s’embrouille. Il le sent. La logique commence à glisser entre ses doigts.)

— Voilà. Tu n’as pas le choix. Et pourtant, tu prétends que c’est toujours mal.(le diable fixe l’humain, sans colère, sans émotion — juste une mécanique qui tourne.)

— Parce qu’on ne doit pas faire justice soi-même. Il y a des lois.(l’humain s’accroche à ce qu’il peut, comme on se raccroche à une bouée en pleine mer. Il cite ce qu’on lui a toujours dit.)

— Les lois ? Celles qui condamnent un voleur à dix ans, mais libèrent un violeur après trois ?(ton plat, posé, mais chaque mot est une gifle.)

(le diable s'approche d'un pas)

— Un voleur prend de l'argent. Un violeur prend l'âme. Tu enfermes le voleur et tu l'oublies. Le violeur, lui, sort rapidement.(il lève une main, presque théâtralement)

— Et pendant ce temps, la victime reste enfermée. Pas dans une cellule, non... dans son propre esprit.(il regarde l’humain dans les yeux, sans cligner)

— Elle n’a pas de libération anticipée. Elle vit avec la peur, le dégoût, la honte. Sa famille regarde le vide dans ses yeux. Parfois, ils culpabilisent de ne pas avoir su, ou de ne pas avoir empêché.(pause)

— Et lui ? Le violeur ? Il recommence. Il change de ville. Il trouve une faille. Et la société lui redonne cette possibilité.(il écarte légèrement les bras)— C’est ça, ta justice ?

— Ce n’est pas parfait, mais c’est mieux que rien…(il baisse un peu les yeux. Sa voix est moins assurée. Presque une excuse.)

— Et ceux qui tuent des milliers ? Tu les gardes dans des cellules ? Tu les nourris ? Tu les soignes ? Tu les protèges de la mort… alors qu’ils l’ont donnée par millions ?(le diable avance d’un pas, comme pour mieux entendre la réponse… ou pour mieux l’écraser.)

— On ne peut pas devenir comme eux. Sinon on est comme eux.(l’humain redresse la tête, comme s’il retrouvait un peu de son courage. Mais sa voix tremble.)

— Mais tu l’es déjà. Tu les enfermes, tu les humilies, tu les supprimes de la société.(le ton est toujours calme. Aucun mot n’est crié. Tout est pesé.)

— Oui, mais on leur laisse une chance. Peut-être qu’un jour ils regretteront.(espoir dans la voix. Peut-être une naïveté sincère. Peut-être un mensonge nécessaire.)

— Le regret ne ramène personne. Pas un seul mort.(le diable se fige. Il plante cette phrase comme un clou.)

— On est humain, on croit au pardon.(il veut y croire. Il doit y croire.)

— Non. Tu crois au confort de croire au pardon. Parce que ça t’évite de juger. Parce que juger t’obligerait à choisir. Et tu refuses de choisir.(le diable penche légèrement la tête. Pas pour accuser, mais pour disséquer.)

— Ce n’est pas vrai…(l’humain murmure. Il doute. Un instant seulement. Ses yeux cherchent un appui, mais ne trouvent que l’ombre.)

— Si tu refuses de tuer le pire, tu l’acceptes. Tu l’intègres. Tu vis avec.(voix lente. Chaque mot est une vérité froide.)

— C’est ça, être humain… non ?(il cherche à se rassurer. Sa voix est presque une prière.)

— Non.(silence)— C’est ça, fuir ta propre responsabilité.(le diable fait une pause, puis reprend, les mains jointes dans le dos. Il parle plus doucement, comme s’il s’adressait autant au lecteur qu’à l’humain.)

— Tu dis qu’on ne doit pas faire justice soi-même…(l’humain acquiesce timidement, comme s’il répétait une leçon qu’on lui a enseignée)

— Parce qu’on ne doit pas faire justice soi-même. Il y a des lois.(il le répète, plus bas, comme pour se convaincre)(le diable s’approche légèrement)

— Et si, demain, dans une ruelle, on te plaquait au sol ? Si quelqu’un s’apprêtait à t’écraser le crâne contre un trottoir ?(il penche la tête, calmement)

— Vas-tu lui expliquer que tuer, c’est mal ? Ou vas-tu frapper pour survivre ? Tuer pour ne pas mourir ?(il marque un silence)

— Et si c’est ta sœur qu’il attaque ? Ton enfant ? Vas-tu attendre que la loi arrive ? Vas-tu lui tendre une main en espérant qu’il se repente ?(il serre les poings)

— Tu ne veux pas faire justice toi-même… mais parfois, tu n’as que toi. Et c’est là que le masque tombe. Car l’humain n’est humain que tant qu’il n’est pas en danger.(il marque une dernière pause, puis lève lentement les yeux vers l’humain)

— Alors dis-moi, humain... Tueras-tu ? Ou te laisseras-tu tuer ?(il s’approche encore, sa voix devient un murmure brûlant)

— Et seras-tu simplement un fait divers dans un journal, oublié au milieu des autres, noyé dans l’indifférence du monde ?(il recule d’un pas, son regard se perd un instant, comme s’il s’adressait à quelqu’un d’autre, plus loin que l’humain en face de lui)

— Et toi, lecteur... ? Crois-tu encore que cette question ne te concerne pas ?

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