Mara

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— Bouh !

Kohga fit un bon impressionnant. Il était habitué aux apparitions surprise de Mara, mais sursautait à tous les coups. Cette tornade dégingandée, aux longs cheveux châtains toujours ébouriffés, aux yeux vert terne et à la peau pâle, aimait surprendre son entourage.

Il se retourna et fit face à son amie. Quelque chose avait changé.

— Tes oreilles ! s’étonna-t-il, quand il comprit ce qui n’allait pas.

— Eh ben quoi, p’tite tête ? demanda Mara, goguenarde.

Elle avait quelques années de plus que Kohga et comptait bien le lui rappeler.

— Tu les as raccourcies ?

— Eh ouais ! J’en avais ma claque qu’ces quatre débiles me traitent d’Hylienne…

— Ça t’a fait mal ? demanda Kohga, les yeux écarquillés.

— Même pas ! fanfaronna Mara.

Elle avait tenté d’anesthésier les pointes de ses longues oreilles avec deux morceaux de glace, puis les avait raccourcies à la serpe, debout devant son miroir. Dix secondes plus tard, elle pleurait à chaudes larmes, les mains ensanglantées, tandis que sa mère pansait ces vilaines blessures.

Mais elle ne comptait rien en dire, trop fière qu’elle était, comme n’importe quelle Yigling de dix ans.

Kohga était resté la bouche grande ouverte devant le courage de son amie.

— Pis toi ? reprit Mara. T’es pas en mission ?

Elle appelait « missions » les excursions régulières du fils de chef dans le repaire. En général, elles consistaient à se promener, fouiner un peu partout dans le repaire, et parfois à aller chercher dans les réserves les plantes et produits dont sa mère avait besoin pour ses remèdes.

— Non, j’ai pas le droit… Mon père est pas là.

— Tu pouvais pas aller à l’infirmerie avec ta mère ?

— Elle m’a chassé !

Mara, les joues rouges et gonflées, retenait un fou rire

— Bah alors, tu vas où ?

— À la garderie…

La jeune Yiga craqua. Elle laissa échapper un rire strident qui dura de longues, longues secondes.

— Et toi ? demanda Kohga.

Mara prit une grande inspiration et massa ses joues rougies.

— À la garderie, déclara-t-elle solennellement.

Kohga pouffa à son tour.

— Bon, bah on va y aller ensemble alors !

— Rhâ, on va s’faire passer un savon…


En voyant arriver les deux garnements, Belle ne sut pas quoi dire.

Le fils du chef de clan marchait en tête, avec son assurance habituelle. Mara, une jeune tornade qu’elle ne connaissait que trop bien, le suivait de mauvaise grâce. Elle soupira, se pinça l’arête du nez, puis interrompit les deux Yiglings dans leur tentative de se faufiler à l’intérieur.

— Tut tut tut, vous allez où, comme ça ?

Kohga ouvrit la bouche en grand, sans trop savoir quoi dire.

— Bon, entrez, vous allez être en retard pour manger ! dit Belle, un grand sourire sur son visage rond.

Les deux amis ne se firent pas prier.


La table de la garderie était recouverte d’une grande nappe raccommodée, qui avait depuis longtemps perdu sa blancheur pour un patchwork de jaunes, de bruns et de gris. Les enfants du Clan ânonnaient l’une de ces chansons de garderie, du genre que l’on chante avant de manger. En plus de Belle, deux joyeux volontaires et au moins le double de punis s’occupaient des Yiglings. Les assiettes débordaient de nourriture appétissante. L’agitation et la joie étaient palpables ; c’était le jour des crêpes.

Kohga et Mara durent se serrer sur l’unique siège libre.

Le fils du chef venait de se servir sa troisième crêpe, quand un murmure lui parvint.

— Gros… gros gros gros…

— C’est pas un vrai chef… traître……

Kohga n’avait plus faim.

— Je peux aller aux toilettes ? demanda-t-il.

Belle acquiesça.

Kohga s’éloigna de la table, tira la porte des toilettes, entra et s’enferma. Une fois assis sur le siège, il se mit à pleurer.


En sortant des toilettes, il dut faire face à ses quatre ennemis : Pomi, Lenaya, Toni et Cléo.

— Encore vous ? s’agaça-t-il.

— Oh, pardonnez-nous, Gros Kohga… railla Pomi.

Il effectua un semblant de salut Yiga, qu’il termina par un geste obscène. Une seconde plus tard, il s’effondra, frappé à l’arrière de la tête par une serpe d’entraînement en bois. Mara se tenait bien droite, quelques mètres derrière les trois harceleurs encore debout.

— Vous pouvez pas vous en prendre à quelqu’un d’votre taille ? Z’êtes vraiment en dessous de tout !

— Pourquoi tu le défends ? C’est même pas un vrai Yiga !

— Ca sera jamais un vrai chef ! ajouta Lenaya avec un sourire mauvais.

— Foutez-lui la paix !

— Ah mais je sais, tu prends sa défense pour avoir un haut poste quand il sera chef ! Bah oui, c’est le seul moyen pour une sale Hylienne comme toi !

— Je suis pas une sale Hylienne ! répliqua Mara.

— T’as dix ans et t’as même pas commencé l’entraînement, et tu sais pourquoi ?

Mara se figea. Kohga, lui, observait la scène sans rien dire, cherchant vainement une échappatoire.

— Parce que ta mère, elle a compris que t’étais comme elle, une chienne de la plaine, pis que tu serais jamais une vraie guerrière ! envoya Cléo, une grande Yigling dégingandée.

— Je t’interdis d’insulter ma mère ! aboya Mara.

— Hylienne, cœur de chienne ! chantonna Lenaya. Eh ben quoi, t’aimes pas ? Fais-moi taire !

Mara se jeta sur elle, les poings serrés. Elle allait la frapper, mais une main la saisit par le col et la souleva.

— Mara ! reprit sèchement Belle, tenant à bout de bras la demi-Hylienne enragée. Mais qu’est-ce que vous avez fait, vous six ?!

— Y se sont moqués d’Kohga !

Belle se tourna vers Toni, Lenaya et Cléo.

— C’est vrai ?

— Non non ! répondirent-ils en cœur avec un air angélique.

— Vous perdez rien pour attendre, bande de pourris ! cria Mara.

Elle s’agita jusqu’à se dégager de l’emprise de Belle et gifla violemment Cléo. Lenaya et Pomi, eux s’avancèrent vers Kohga.

Le fils du chef de Clan gémit. Il peinait à rester debout. Sa vision se troubla, il était comme aveuglé par une lumière blanchâtre.

Il entendit Belle crier, puis Mara qui hurlait de douleur.


Et puis il perdit connaissance, et tout devint noir.

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