Le rai de lumière mystique
En se réveillant, Kohga frissonna. Des dizaines d’yeux rouges étaient fixés sur lui.
— Le clan est entre de bonne mains… souffla une voix aiguë et chevrotante.
— Fils de chef n’est pas chef ! aboya une autre, plus grave et volontaire. Comment savoir s’il le mérite ?
Un soupir s’éleva dans l’assemblée.
— Il n’a pas eu l’occasion de prouver sa valeur ! dit une troisième voix, masculine contrairement aux deux autres, joyeuse et haut perchée.
— Il est du sang des anciens chefs, des anciens guerriers de notre Clan !
— Il n’est pas des nôtres ! On voit jusque sur son visage la marque infamante des voleuses du désert !
— Comme on y voit celle du peuple libre !
La seconde personne laissa échapper un grognement.
— Je ne laisserai pas un fils de Gerudo à la tête des miens !
Kohga sentit contre sa gorge l’acier froid d’un sabre tranche-vent, et sur son visage le souffle chaud d’une guerrière.
— Fais tes prières, bon à rien !
Il voulut crier, s’enfuir, mais la peur le clouait sur place.
— Irais-tu jusqu’à enfreindre le code ? gronda la voix féminine la plus aiguë. Ce n’est qu’un enfant !
— Et alors ?
— Son heure n’est pas venue… Plus tard. Il a encore un long chemin à parcourir, de grandes choses à accomplir.
Kohga trouva enfin le courage de parler.
— Ouais, je vais faire des grandes choses ! Je serai le meilleur Grand Kohga de l’histoire du Clan ! Et même que je règlerai son compte à la famille royale !
La voix la plus grave partit d’un rire moqueur.
Kohga voulut répliquer, mais quelque chose le tira brusquement en arrière, et sa vision s’obscurcit à nouveau.
Quand Kohga reprit connaissance, il vit des murs de pierre couleur sable, un lit aux draps blancs et quelques pilules colorées sur une table de chevet branlante. Sa mère le regardait d’un air inquiet, assise sur le bord du lit. À côté d’elle se trouvait Kiko, son apprentie, ses yeux cernés de noir rivés sur lui derrière ses lunettes carrées.
— Kohga ! haleta Marika. Tu vas bien ?
— Mara ! cria Kohga. Où est-elle ?
Kiko saisit un flacon à sa ceinture, le déboucha et fit couler un liquide jaune orangé dans une cuillère.
— Elle va bien, elle va bien… dit-elle de sa voix traînante. Elle est bien amochée, mais ça ira.
— Amochée ? s’étrangla Kohga. Ils l’ont blessée ?
— Brûlures superficielles… Elle va s’en tirer, mais il lui restera sans doute une sacrée cicatrice…
— Ils ? Qui, ils ? demanda Marika, étonnée.
Kohga n’écoutait déjà plus. Il tentait vainement de se souvenir de ce qui s’était passé plus tôt, après que Belle ait saisi Mara par le col.
— Qu’est-ce qui s’est passé ? Avec Mara, je veux dire.
Marika secoua la tête.
— Je… je ne sais pas exactement, avoua-t-elle. Tu as invoqué un genre de rayon lumineux, elle a sauté en arrière et, d’une manière ou d’une autre, ça l’a brûlée. Elle a eu de la chance de s’écarter à temps.
— Et de tenir plus de son père que de sa mère, ajouta lentement Kiko. Si elle avait été complètement Hylienne, je ne pense pas qu’elle s’en serait tirée…
Sa voix monotone donnait une impression d’indifférence à tout ce qu’elle disait, mais Kohga savait qu’il n’en était rien. Elle avait vu Mara débarquer à l’infirmerie plus d’une fois, parfois grièvement blessée, et s’était attachée à cette Yigling joyeuse et intrépide.
— J’aurais pu la tuer… balbutia Kohga.
Il avait la gorge nouée et peinait à respirer.
— J’aurais pu la tuer… répéta-t-il, en détachant bien chaque mot.
Il tremblait maintenant. Le fraîcheur du sac de glace posé sur son front lui faisait l’effet d’un froid glacial, pénétrant et insoutenable.
— Tu n’y es pour rien, dit Marika. Elle était juste… au mauvais endroit au mauvais moment.
Un « pouf » sonore couvrit ses mots. Quand la fumée se dissipa, Kohga reconnut son père.
Le chef du Clan rentrait d’une bataille. En apprenant la nouvelle, il s’était précipité à l’infirmerie. Son sabre tranche-vent était de travers dans son fourreau, ses mains encore en position du sort de téléportation. On sentait autour de lui l’odeur du sang qui trempait ses mains et son uniforme.
Marika s’approcha de son époux, souleva son masque, puis celui du chef de Clan, et déposa un baiser sur sa joue. Kiko détourna le regard le temps de cette action. Elle n’avait pas à voir le visage du Grand Kohga.
— Je suis rentré aussi vite que j’ai pu… dit-il, le souffle court. Je crois… je crois que c’était la technique du rai de lumière mystique.
— La technique du quoi ? demanda Kohga.
— La technique du rai de lumière mystique ! C’est une technique secrète transmise de génération en génération depuis le premier Kohga !
Dans les dents ! se dit Kohga. Vous voyez que je suis un vrai chef !
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