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 Poignée enclenchée.

 Une épaisse nappe de fumée l'enveloppe à son entrée. Il toussote, plisse les yeux. Un carrelage bleu clair apparaît dans le fond de la salle de bain, découpé de trois silhouettes féminines.

— Frans ? fait l'une d'elle. (La voix est à peine reconnaissable à cause de la musique de fond.) Ferme la porte derrière toi, s'il te plaît.

 Le visage de Keira émerge de l'atmosphère brumeuse.

— J'ai cru que t'allais jamais arriver...

— Tu peux plus te passer de moi ?

 Sourires. Elle lui prend les mains et se glisse contre lui. Plaisir de sentir l'autre tout près de soi. Je le connais, ce plaisir. Je l'ai connu. Comme c'est étrange... les mains qui s'attrapent, se fuient et se lient à nouveau, les poitrines fusionnées, les lèvres qui se pincent – avoir faim l'un de l'autre. Étrange. Ce n'est pas le mot juste – je n'ai jamais le mot juste – mais c'est celui qui me vient. Étrange, tragique ? Comme une ironie du sort. Je n'y avais jamais réfléchi avant de les voir embrassés. L'absence. Comment pourra-t-elle supporter l'absence ?

 Du chef, Keira montre ses deux comparses floues près du lavabo.

— Des amies à moi, elles sont sympas. (Mais elles n'existent même pas dans la pièce. Ce sont deux ombres sans nom et sans substance.)

 Frans et Keira vont main dans la main jusqu'à la baignoire. Le fond est tapi de coussins dépareillés, probablement récupérés sur le canapé du salon et dans les chambres. Ils s'installent au creux de l'alcôve, où ils restent un moment sans rien se dire. Keira brise le silence.

— Qu'est-ce qui t'a pris si longtemps ?

— Oh, désolé, je n'ai pas vu tes messages tout de suite.

 Elle s'apprête à répondre mais elle est interrompue.

— Tu veux une taffe ?

 La voix n'a pas de propriétaire. Une main sort de la fumée et tend la fin de ce qui s'apparente à un joint.

— Merci meuf, mais je touche pas à ces trucs-là.

— Ces trucs-là ? relève Frans.

— Des trucs de sorcière (Keira prend un air mystérieux) à la menthe, à la lavande...

— C'est de l'hortensia, explique la voix orpheline. Trips de fou, je vous jure.

 Frans étudie l'objet qui lui est proposé. Il finit par s'en saisir.

— Ça me fera pas de mal.

 La main disparaît dans la brume épaisse. Il se tourne vers Keira et surprend son malaise.

— Allez, dis-moi oui.

 Il esquisse son plus ravissant sourire et la pièce se transforme, l'air se charge d'une drôle d'odeur, comme une odeur de fleur, une senteur d'hortensia.

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