Chapitre 4

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Je marchais d’un pas décidé le long du trottoir. Je savais où j'allais et j’y allais parfaitement conscient de ce dans quoi je m’engageais. Je passais d’abord devant le café Saint Jean puis devant la bibliothèque, et enfin devant la mairie. Là, une queue immense démarrait à l’intérieur de l’établissement et se terminait dans la rue faisant patienter les gens dehors. Je fus surpris car je ne m’étais pas attendu à un si grand monde. Mais la foule ne me découragea pas pour autant, et, toujours aussi résolu, je me plaçais à mon tour dans la file l’agrandissant encore, et décidais d’attendre moi aussi. J’attendis il me semble un peu plus d’une demi-heure qui me parut bien longue. Je voyais défiler devant moi des têtes tantôt peintes d’une grande fierté, tantôt d’un air d’injustice et parfois de déception. Étonnamment, rien ni personne ne me fit quelque remarque désobligeantes. Mon air décider dût y être sans doute pour quelque chose. Mais cet instant de faux respect ne dura pas. Quand vient mon tour, je m'avançait le coeur battant en essayant de garder un maximum de sang froid. Je posais mes yeux sur la personne assise à son bureau en face de moi. D’abord elle me regarda elle aussi, puis elle sourit et enfin éclata d’un rire sarcastique. Au fur et à mesure, toute la salle s’emplit du même rire et bientôt même les dernières personnes de la queue se mirent à ricaner bêtement également. L’homme qui se trouvait en face de moi s’excusa entre deux pouffements et me dit que ça n’allait pas être possible pour moi de m’engager et qu’il n’avait pas besoin de m'expliquer pourquoi. Je ne restais pas plus et je m’ennalla le plus dignement possible, bouillonnant de rage en moi. J’avais voulu m’engager, prêter main forte, aider ma patrie, aider la France face à cette guerre qui allait la dévaster. Ma frustration était sans nom car je me retrouvais dépourvu et me sentant inutile au milieu de ce grand chamboulement. Le fait de ne pouvoir rien faire d’autre qu’attendre sagement qu’elle se termine me fit me sentir vain en comparaison à tous ces soldats qui partiraient dans quelques jours à peine pour tous nous sauver.

Ce jour-là, je n’allais pas au lycée. Non pas parce que je préférais me morfondre de mon malheur chez moi mais tous simplement parce que celui-ci était fermé car le directeur avait estimé qu’il était important de laisser aux élèves (et aux  professeurs) le temps de décider de leur réaction face à cette situation. Il comptait rouvrir la semaine qui suivrait même si ce serait sûrement très différent. J’avais d’ailleurs aperçu un parent d’élève dans la queue à la mairie mais je ne l’ai pas salué car lui ne m’avait pas remarqué et c’était tant mieux car je n’aurais probablement rien eu à lui dire.

Je restais donc toute la journée chez moi à aller et venir à travers mon petit appartement. Je me posais parfois à ma fenêtre pour grignoter un morceau puis je me rasseyait sur mon lit et me replongeais dans mes pensées. Quand la semaine suivante arriva, je retournais à l’école plongée dans une étrange et indescriptible ambiance. Max vint me voir et me demanda si tout allait bien ce qui me toucha beaucoup car ça aurait plutôt été à moi de lui poser cette question. Je lui menti et répondit que oui, car le moments n’étais pas aux pleurnichages. Mais puisque je remarquais qu’elle souhaitait une réelle, je lui comptais l'événement de la veille. Elle fut désolée pour moi et je lui répondis que ce n'était pas bien grave et qu’on ne pouvait y faire autrement sinon de l’accepter. C’est alors qu’elle me dit que puisque nous ne pouvions partir dans les tranchées et aider là bas, nous allions faire tout notre possible pour aider de là où nous étions. Sa remarque me fit beaucoup de bien et me rappela de ne pas baisser les bras. À partir de ce jour, nous réalisâmes notre maximum pour aider les soldats et toute personne vivant cette guerre, y compris ceux qui n’étaient pas au milieu de armes. Jeanne, la sœur de Max, nous aida grandement. C’était une jeune parisienne de 18 ans qui travaillait depuis peu comme gouvernante chez un homme et sa fille dans les beaux quartiers de Paris. Elle était de taille moyenne et d’allure délicate. Ses cheveux étaient blond et bouclés comme Max même s’ils étaient plus longs. Ses yeux verts étaient éclatants et son visage rayonnant . Elle s’habillait toujours simplement mais avec un grand soin. Elle était amusante et aimait rire, mais moins éparpillée et distraite que Max. Elle parlait couramment italien et dessinait remarquablement bien. Elle me montra à plusieurs reprises quelques-unes de ses œuvres qui je dois l’avouer était réellement magnifique. Elle représentait souvent des paysages de toutes sortes, tantôt elle illustrait la montagne, tantôt la mer, tantôt les pleines,tantôt la ville et j’en passe. Elle était tout aussi adroite au tricot. Elle fit d’ailleurs des chaussettes, des pulls et toutes sortes de d’affaires en laine bien chaudes pour les soldats. Max essaya aussi de tricoter, mais elle abandonna vite qualifiant cette activité pas faite pour elle car elle nécessitait un trop long temps de concentration. Nous envoyions surtout des affaires à Henri, leur frère, qui devint pour moi ensuite un très bon ami. C’était un jeune homme de 21 ans, il vivait à Reims où il exerçait le métier d'historien, même s’il n’était encore que novice. Il était de taille moyenne, beau garçon, les cheveux bruns, le visage carré et les yeux encadrés par des lunettes aux contours gris avec des verres tout ronds comme on en trouvait à l’époque. Il était réfléchi, aventurier et aimait rester seul pour se ressourcer, ce que nous partagions. Il aimait savoir la signification des choses, leur étymologie ainsi que leur histoire. Il appréciait aussi la lecture plus particulièrement les sciences fictions qui étaient à l’époque toutes neuves et c’était assez contradictoire à sa personnalité. Nous eûmes une correspondance avec lui tout le long de la guerre; et je vais te retranscrire lecteur, quelques-unes de ses lettres;

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