Chapitre 7

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Jeudi matin

Dans le car, l’excitation des enfants ne suffit pas à tirer Amandine de sa rêverie. Elle a très mal dormi, son cerveau se mettant à faire tout un tas de plans. Elle a gambergé, regretté, assumé, voulu recommencer, s’est dégoutée elle-même…elle est passée par tous les états possibles et imaginables. Et puis elle s’est souvenue. Il faut vivre, et profiter. Simplement. Pas toujours évident à appliquer. Elle a toujours peur de souffrir, et de faire souffrir. Et ce matin, c’est dans un état second, dû à la fatigue déjà, mais aussi à une légère appréhension de se retrouver face à ses deux…amants ? Le sont-ils ?... qu’elle tente de faire bonne figure devant ses élèves.

Dès qu’ils arrivent au haras, les enfants savent directement où aller et quoi faire. Chacun à son poste, avec Clothilde et Sarah pour superviser. Amandine s’octroie le droit d’aller dans la petite salle pour se servir un café, si elle veut tenir la journée sans trop de signe de faiblesse.

Alexis et Jérôme sont là, tous les deux. Ils la dévisagent, tous les deux. Se sont-ils parlés ? Que savent-ils de ces agissements avec l’un ou l’autre ? Amandine sent la honte lui monter aux joues, mais Alexis sent son malaise et intervient immédiatement.

- Bonjour Belle Amandine. Prête pour de nouvelles aventures ?

Amandine interprète tout à sa manière et voudrait se cacher dans un trou de souris…Aventures…érotiques ? ou équestres ? De quoi il parle ?

- Tu as l’air fatiguée, tu ne t’es pas assez reposée hier !

Et allez, il en rajoute une couche.

- Café ?

- Je veux bien merci.

Amandine s’assoit, Alexis lui porte une tasse fumante, et en passant derrière elle, lui caresse la nuque furtivement.

Jérôme entre dans le vestiaire pour s’équiper, et le vétérinaire en profite pour voler un baiser à l’enseignante.

- Détends-toi jolie poupée, tout va bien. Tu as le droit de prendre du bon temps. Et tu le mérites d’ailleurs. Et pour être honnête, nous aussi. Une aussi belle meuf que toi franchement, comment on peut laisser passer l’occasion ! Profite de la vie, ne te restreins pas au nom d’une pseudo morale. Fais ce qui te plait, ce qui te fait du bien, et crois-moi, toi tu fais aussi beaucoup de bien aux autres.

C’était comme s’il avait lu dans ses pensées… son ton rassurant avait soulagé Amandine. Elle savait qu’il avait raison, elle savait qu’elle ne faisait rien de bien méchant, et qu’elle pouvait s’autoriser à vivre des moments plaisants sans culpabiliser de quoi que ce soit.

Juste avant que Jérôme ne ressorte du vestiaire, Alexis a eu le temps d’embrasser tendrement Amandine. La douceur du baiser l’a surprise, émue, et excitée. Elle a à nouveau sentie son bas ventre s’électriser. Alexis avait réussi à balayer son appréhension en posant ses lèvres délicatement sur les siennes. Il prend le chemin des hangars en ne la lâchant pas du regard :

- Prends le temps de finir ton café si tu veux, je vais rejoindre les enfants.

Jérôme reprend son rôle de directeur assez ferme et froid. Amandine le scrute d’un regard interrogateur…où est passé l’homme déstabilisé par ses formes hier ? Sentant une pointe d’inquiétude, Jérôme s’assoit un instant près d’elle.

Il semble hésitant, fronce les sourcils. Elle a l’impression qu’il veut lui dire quelque chose, mais elle-même n’est pas très bavarde depuis qu’elle est arrivée. Alors qu’elle commençait à ouvrir la bouche pour aborder un sujet banal et professionnel, il a pris son visage entre ses grandes mains puissantes, et l’a embrassée. C’en est trop, Amandine ne tient plus. Animée par le baiser d’Alexis, celui-ci lui fait perdre encore plus la tête et réveille en elle la femme avide de désir. Elle se colle contre Jérôme et transforme le baiser en un moment intensément brûlant. Ils s’embrassent, se mordillent les lèvres, jouent avec leurs langues, leur respiration s’arrête, puis reprend de plus belle, Jérôme aimerait prendre Amandine, maintenant, sur la table, et elle n’attend qu’une chose, qu’il l’assoit dessus pour la déshabiller.

Mais comme si chacun revenait à la raison en même temps, ils s’éloignent l’un de l’autre.

- Mais qu’est-ce que tu me fais faire….

Jérôme sourit à Amandine, se dirige vers l’évier pour se passer de l’eau sur le visage, et part rejoindre l’enclos où les enfants semblent déjà s’affairer à leur apprentissage.

Amandine tente de retrouver ses esprits, ne sachant pas vraiment si le moment qu’elle vient de vivre est réel, ou si elle est en train de dormir tant elle est….ailleurs. Deux baisers, deux hommes, deux envies. Où allait-elle ?

Mais pas le temps de s’attarder sur sa petite personne, aujourd’hui les enfants sont là, et elle se doit de rester concentrée. Même si…ça commence plutôt mal, elle en convient.

Elle rejoint donc sa classe, et retrouve son rôle de maitresse à la perfection. Les enfants apprennent encore et toujours, certains accélèrent le rythme de galop, d’autres dirigent parfaitement leur monture en jouant avec les rênes. Amandine reprend le reportage photo qu’elle a promis aux parents et aux enfants. Ils doivent absolument avoir des souvenirs de cette semaine incroyable.

Un par un, elle va voir ses élèves, les mitraillant sous toutes les coutures. Jérôme est entièrement dans la pédagogie, et tous deux semblent avoir retrouvé leur professionnalisme sans encombre. Alexis n’est pas dans les parages, ce début de journée est parfait et aucune confusion ne vient troubler le déroulement de la séance d’équitation.

De temps en temps, l’enseignante prend avec elle un petit groupe d’élèves afin de leur faire écrire leurs ressentis. Même si cette semaine est spéciale, ça n’en reste pas moins une semaine d’école, il ne faut pas mettre de côté le reste des enseignements.

Les phrases qui sortent de la tête des enfants ne sont pas toujours très ordonnées. Amandine prend le temps de rectifier, corriger, accompagner, pour que les écrits soient le plus complet possible. L’objectif final est de faire un livret, pour chaque enfant, avec les photos et leurs phrases. Elle pense aussi qu’un petit mot personnalisé de Jérôme pour chaque enfant pourrait leur faire plaisir. Elle se demande s’il sera d’accord…ça ne fait pas partie de ses attributions normalement. Il est là pour la pratique, pas la théorie.

Mais elle sent en lui tellement de gentillesse. Elle aimerait en savoir plus sur lui. A-t-il des enfants ? A-t-il été marié ?

- Maitresse, comment ça s’écrit « selle », comme le sel qu’on mange ?

- Non Moussa, ça s’écr…

- Tu vois, tu fais comme pour ta maitresse, elle est belle, et bien tu enlèves le « b » et tu mets un « s » à la place.

Amandine ne se retourne pas en entendant Alexis. C’est la première fois qu’il s’approche des enfants.

- Wouah Maitresse ! le monsieur il dit que tu es belle !! ça veut dire il te drague !

- Mais non n’importe quoi, allez, finis ta phrase, et n’oublie pas le point !

Alexis se penche vers Amandine, qui sent sa présence derrière elle, et lui chuchote :

- Très perspicace ce gosse.

Toujours sans se retourner, Amandine sourit. Alexis souffle dans ses cheveux avant de s’assoir avec le petit groupe.

- Alors les enfants, vous écrivez quoi ?

- La maitresse elle nous dit de parler de nos émotions, mais c’est chaud !

- C’est difficile Ali, on dit « difficile », chaud c’est le chocolat le matin.

- Oui Maitresse mais quand même, moi je sais pas comment on dit quand on a peur et qu’on a très envie en même temps.

- Et bien…c’est une bonne question. Tu vois je crois que moi non plus je ne sais pas quel mot on pourrait utiliser.

- Ca s’appelle l’adrénaline mon bonhomme. Tu vois, quand tu as très envie de faire quelque chose, que tu sais que ça va te plaire, mais qu’en même temps tu as un peu de stress, d’appréhension. Je pense que ta maitresse connait aussi ce sentiment, et que malgré la peur, l’envie de tenter les choses est trop forte. Et une fois qu’on se lance, on ne regrette pas, on est content d’avoir eu le courage d’affronter son stress.

Amandine observe Alexis parler aux enfants. Il est si calme. Il fait si doux. Beaucoup moins sûr de lui et beaucoup moins prédateur. Si ses manières l’ont dérangée au début, elle trouve en lui un homme capable de se poser, bienveillant avec les enfants. D’ailleurs, quels sont ses projets de vie à lui ? Fonder une famille ? Continuer à sauter sur tout ce qui bouge jusqu’à épuisement ? Elle aimerait aussi en savoir plus sur lui, car mis à part leur attirance physique réciproque, elle ne sait rien de lui.

Alexis se prend au jeu du maitre d’école, et corrige les fautes des enfants qui l’ont adopté immédiatement. Amandine rit beaucoup devant les questions de ses élèves, face au vétérinaire qui tente la relation mi autorité mi copinage. Et elle reconnait que ce rôle lui va bien.

- Tu interviens dans les écoles parfois ?

- Comment ça ?

- Pour…parler de ta profession, ou je ne sais pas…

- Non, ça ne m’est jamais arrivé. Mais…dis-moi, ce serait pas une invitation pour se revoir ça ?

- Absolument pas.

Amandine et Alexis éclatent de rire, et d’un geste aussi surprenant que délicat, il pose sa main sur la sienne.

- Allez, pause déjeuner pour tout le monde. Les enfants, allez rejoindre Clothilde et Sarah derrière le haras, on arrive !

La voix de Jérôme a fait sursauter Alexis, qui a vivement retiré sa main de celle de la jeune femme. Pourtant d’habitude, il ne se laisse pas facilement impressionner.

- Alors tout s’est bien passé Monsieur le directeur ?

- Très bien oui.

Le ton employé par Jérôme fait froid dans le dos d’Amandine.

- Tu peux nous laisser il faut que je montre un poney à Alexis.

Sans mot dire, l’enseignante part rejoindre ses élèves, laissant les deux hommes.

- Tu te l’es tapée ?

- Pardon ?

- Alex dis-moi, est-ce que tu t’es tapée Amandine ?

- Calme-toi vieux, et parle gentiment. Amandine est une grande fille, elle fait ce qu’elle veut.

- Ne t’avise pas de lui faire ton petit numéro de séducteur à deux balles ok ? Elle est…elle est…

- Elle est ta cam, j’ai compris.

- Pas du tout, c’est juste qu’elle est fragile. Elle est gentille, c’est pas une femme qu’on doit bousculer, qu’on doit salir.

- Tu me connais Jé. Oui j’aime les femmes, mais je suis pas un salaud non plus. Elles sont toutes consentantes, et je ne promets jamais rien à qui que ce soit. Même si elle je reconnais que…

Jérôme s’avance et se pose au plus près d’Alexis.

- Tu reconnais que quoi ?

- Qu’elle est différente. Elle ne cherche pas le cul pour le cul, tu as bien dû t’en rendre compte pour t’agacer comme ça. Jé, c’est la première fois que tu me menaces pour une femme que je me suis peut-être tapée.

- Putain tu te l’aies faite alors !!!

Jérome a empoigné le col du tee-shirt de son collègue.

- Lâche-moi ! le col et la grappe ! Tu débloques ou quoi ? Elle te plait hein la jolie maitresse, pourquoi tu ne le reconnais pas !

- Ne lui fais pas de mal. Fais ce que tu veux, mais ne la brusque pas, ne la rends pas triste, ne la blesse pas.

- C’est pas dans mes intentions, bien au contraire.

Le sourire d’Alexis fait monter la colère de Jérôme, mais sa remarquable maitrise de lui-même, dûe en partie à son métier, l’empêche de lui coller son poing en pleine tête.

- Jé, calme-toi, sérieux. On va quand même pas s’engueuler pour une femme ! On en voit passer des centaines par an ici !

- Je sais, mais…

- Dis-moi qu’elle te plait, et j’arrête.

Jérôme se tait. Reconnaitre une quelconque attirance serait aller contre ses principes. Pas ici, pas au travail, pas au milieu des enfants. Il ne peut, et ne veut pas, succomber. Seulement…le moment qu’il a partagé avec Amandine la veille…ce n’était pas rien. Ce n’était pas un rêve… Ils sont devenus intimes..et l’idée qu’Alexis pose désormais ses mains sur elle lui déplait fortement.

- Elle te plait ou pas ? Tu veux que je me retire ? Allez, enlève ta carapace un peu, sors de ta zone de confort, tu as le droit Jé.

- Laisse tomber.

- Ok. Comme tu veux. Amandine est magnifique, intelligente, drôle, très coquine, mais si tu veux laisser passer ta chance…c’est toi qui vois.

Au mot « coquine » , Jérôme serre les poings et les dents. Il sait qu’il s’est passé des choses entre elle et Alexis. Est-ce qu’elle lui a fait le même numéro ? Est-ce que c’est une de ces femmes qui se jouent des hommes ? Il a du mal à y croire…et pourtant…Il voit bien comment elle regarde Alexis. Serait-il en train de se faire avoir, à s’accrocher de manière incompréhensible à une femme qu’il ne connaissait pas encore il y a 3 jours ?

En fusillant Alexis du regard, il tourne les talons pour aller s’occuper des animaux. Impossible de rejoindre Amandine maintenant, tant la déception et le doute le font se renfermer. Il a peur d’être désagréable, et il a promis la promenade demain. Il faut qu’il reste professionnel et digne jusqu’au bout.

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