Souvent, femme varie aussi (chapitre réservé aux adultes consentants, "sexe explicite" "contenu sensible" comme on dit, bref, il y a de la baise)

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Je pars me promener avec Ludo. Il faut qu’on discute, a-t-il dit. Soit ! Marchons !

Devant l’immeuble, nous croisons Louis, son épouse et leur fille à vélo. Pas moyen de l'éviter, cette connivence discrète entre mon ex-voisin et moi, depuis nos facéties d'un balcon à l'autre. Elle lui attrape la main. En réaction, Ludo se rehausse et se colle contre mon flanc. Ils nous font un concours du plus beau couple, nos conjoints ? Ces gestes de propriétaires suggèrent-ils qu’ils ont des doutes ? Des doutes sur quoi, connasse ? C’était il y a des mois, sûr qu’il ne pense même plus à toi. Pourtant, le jour du déménagement, le regard qu’il a jeté à ta silhouette montée sur l’escabeau ! Rien à voir, ces derniers temps tous les hommes me détaillent avec concupiscence, parce que j’ai perdu quelques kilos et les ai mués en une musculature ferme et effilée. J’ai gagné un mal de chien au dos, par contre, mais cela se remarque moins que ma carrure de nageuse.

L’autre jour, alors que je reposais justement mes lombaires devant la télé, j'ai été happée par une vieille série : Ally Mac Beal. Réplique de l’avocat, défendant une femme se plaignant d’être reluquée : « Je suis sûr que le harcèlement par la pensée sera un jour reconnu, vous êtes juste en avance sur votre temps ». Mortel ! La série était diffusée à la fin du siècle dernier, j’ai vérifié. Monsieur Roger a raison : on gagne en vertu ce qu’on perd en humour. Nonobstant, lui ne se gêne pas pour les exprimer, ses pensées libidineuses. Hier il m’a accueillie d’un :

— N’est-elle pas appétissante, notre jeune amie ?

Madeline a joué les jalouses, et je crois que cela lui a fait sa journée, au Dom Juan. Peut-on lui en vouloir ? Non… C’est quand il a ajouté : « D’ailleurs, elle avait déjà beaucoup de succès avant », qu’il est devenu lourd. À l’air entendu des compères, j’ai compris qu’il lui avait divulgué mon aventure avec le voisin. Détails scabreux compris, tel que je le connais. J’ai craint le jugement de Madeline, juste un instant, je l’imaginais puritaine. En fait, elle paraissait bienveillante bien que légèrement moqueuse. Alors, enhardie, pour faire bisquer l’indiscret, j’osai à son adresse : « Et encore, vous n’avez eu que le son ! ». Mouline là-dessus, mon coquin.

D’où me vient cette expression : « faire bisquer » ? « Bisque, bisque, rage », chantonnait ma grand-mère pour me calmer, quand mon grand-père, souvent, épuisait ma patience. C’est la chance de monsieur Roger que j’aie eu sa copie conforme comme papi. Je ne l’aurais pas supporté si je n’avais reconnu en lui la même lueur malicieuse.

Peu après notre balade, Ludo se pointe avec son linge sale. Je croyais qu’on avait mis les choses au point : chacun chez soi, le temps d’y voir plus clair.

— Tu fais bientôt une machine ?

— Vas-y, elle est à la même place qu’avant. Tu sortiras ton linge, par contre.

Quoi, j'exagère d'avoir embarqué l'électro-ménager ! Je lui ai laissé un frigo tout neuf, alors que le lave-linge date d’avant notre mariage. C’est-à-dire qu’il a au moins cinq ans.

Ludo lance sa lessive et vient s’effondrer dans mon nouveau salon. Gros malaise. Je suppose que ce sera comme ça le temps qu’on retrouve nos marques.

— Un verre ?

Deux verres. Trois. Trop. Nous nous avouons ne plus rien ressentir l’un pour l’autre depuis longtemps. Cependant une grande affection nous lie encore. Ne faudrait-il pas réessayer, pour donner une chance à l’amour ? Un voyant rouge clignote dans mon crâne. Warning, warning !

— Pourquoi tu ne vas pas de l’avant comme moi ?

— Parce que j’ai peur.

Que voulez-vous répondre à ça, sans devenir blessante ? Il m’enlace. Non, pas envie, pas chez moi, pas par compassion. Drôle ce mot, dans le contexte… Mais Ludo appuie sur les bons boutons, provoquant un désir soudain. Pas chez moi, cependant ; je dois tenir là-dessus. Chez lui. Chez nous... Anciennement chez nous. Je lui montre la sortie, attrape mes clefs, le précède dans le couloir. Où une autre chanson s’invite à mon oreille : « Feu-zon l’amour, avant de nous dire adieu… » Bon, avant qu’il quitte le coin définitivement, ça pourrait être sympa après tout.

Nous nous empoignons à l’arrache sitôt la porte d’en bas franchie. Une fringale sauvage. Il a les dents sur ma jugulaire et moi les ongles plantés dans son dos. Une envie de se repaître et de se faire mal, pour s’être fait du mal. J’enserre son bassin de mes jambes, écrase et frotte son pénis sous la fermeture de son jean. Il me plaque contre le mur, appuie à son tour. J’ai mal, il a mal. Nous pouvons à peine respirer, et pourtant nos bouches ne se décollent plus, abritant le combat de nos langues embrassées. J’ai un orgasme là, tout habillée, clouée au mur de l’entrée. Ludo desserre son étreinte, me transporte et m’assied sur l’accoudoir du canapé. Je me laisse tomber en arrière, il tire mon pantalon, la culotte et les chaussettes viennent avec. Je frissonne, ne le quitte pas des yeux tandis qu’il se dénude entièrement, fébrile. Son sexe est fier, magnifique, ma chatte l’appelle, ils ont leur langage, leurs habitudes, affinées par le temps.

Mais aujourd’hui est une autre époque. Ludo relève mes cuisses et y enfouit son visage. J’agrippe ses cheveux, il est trop loin, mes bras se lèvent en signe de reddition. Sa langue, ses mains, il est partout en moi, il fouille mon nombril, me mordille, s’insinue, force et effleure, furieusement, lentement. Le feu monte, je me cambre, poings serrés, en apnée. Je jouis dans sa bouche. Il colle son torse en ventouse sur mon clitoris lancinant, barbouille sa poitrine de nos fluides mêlés, me laisse un infime répit, un sourire démoniaque.

Il est soudain debout, me retourne, glisse les mains sous mes hanches, relève mon cul à hauteur de son engin et cale mes genoux sur l’accoudoir. La tête entre les bras, je le regarde s'avancer. Il n’a jamais été si rouge, si gonflé, il s’agite à petits soubresauts furieux. Je gémis, demande grâce, s’il te plaît, Ludo, pas maintenant, attends un peu. Il se baisse, lubrifie mon vagin d’un coup de langue rapide, et m’enfile avec rage. Nos corps se frappent dans un bruit de succion. Il me tient par les hanches, pilonnant mes entrailles, déchirant ma vulve, m’attire et me repousse, abandonnée, geignant à chaque saccade. Ma bouche est sèche, mes bras tremblent, ma poitrine s’affale, je ne résiste plus. Mes jambes glissent à l’extérieur du canapé. Ludo s’agenouille, le souffle irrégulier, il se repositionne en moi, reprend le va-et-vient. Sa verge, serrée entre mes fesses, s’échappe, bute sur le cuir du canapé, il étouffe un cri de douleur et la remet, la maintient en place, j’échoue à l’aider en contractant mon périnée. Il me pistonne encore, longtemps, je voudrais qu’il arrête, qu’il termine, je l’encourage : « Allez ». Il relève mon tee-shirt, se couche sur moi, m'agrippe sous le ventre. J'écarte la croupe et la remue, il accélère, ses couilles battent contre mon sexe, il glisse les doigts sur mon clito, le caresse furieusement, le désir me regagne, confusément. Nos mouvements deviennent désordonnés. Nos corps se fuient dans la flotte. Il m'agrippe sous l’aine et tire comme pour fusionner nos deux organes.

Nous bougeons enfin à l'unisson, de plus en plus amplement, de plus en plus profondément, de plus en plus lentement. Nos respirations s’accordent et nous nous concentrons, tendus vers le but de jouir ensemble. À l’instant où je perds toute notion, il se redresse, se tétanise, expulse une plainte étranglée. Au comble de mon orgasme, je le sens se vider à longues éjaculations douloureuses, tandis que mes spasmes le compriment. Après l’amour, Lu s' échoue de tout son poids sur mon dos. Il reste en moi, bien après que nos tremblements aient cessé. Normalement, il aurait murmuré un : je t’aime. Là, il se contente de mordiller affectueusement le lobe de mon oreille.

J’aurais bien fini mon chapitre ici. Mais évidemment, à peine rhabillée, je m’en suis voulu. J’ai tergiversé. J’ai hésité. Lui dire : « C’était une jolie dernière fois, merci pour ce moment  » ? Ou maintenir la porte ouverte, parce que j’adore ça, au risque d’entretenir chez Ludo un espoir illusoire ? Bref, jouer les salopes.

J’en suis là de mes réflexions quand il lance un regard piteux au canapé, notre canapé (comme quoi je lui ai laissé de quoi vivre dignement). Je saisis très bien le sous-entendu : comment peux-tu être aussi dure avec moi ?

Pour virer Ludo de l’histoire, tapez 1, pour lui donner sa chance, tapez 2.

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