6 Campagne

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D’où vint cette idée d’une tournée à travers champs, personne ne le sait. De Virgile sans doute, chiffonné de façon sourde – la chose est certaine – par la Porcherie. La ville n’est pas faite pour lui. Avec le recul tout le monde se méfie, une fois passée l’excitation légitime qui suit les grandes décisions, de cette campagne un peu trop personnalisée.

Il est cependant trop tard pour faire autrement ; alors il faut aller de l’avant, avec des doutes jusqu’au rebord de la casquette promotionnelle.

Bientôt, c’est le grand jour de la course aux voix. Cochon, Margarita, ont convoqué la presse. La salle est pleine. L’ambiance, bienveillante.

— Mais les électeurs, Virgile, les électeurs !

— En ville je le sais bien, manipulés par leurs chats quémandant des croquettes, par leurs chiens ! En ville ce sont les Humains qui sont à plaindre !

À la campagne, ce sont les animaux !

Margarita, inquiète pour la seconde partie de campagne, reprend.

— Nous ne sommes pas le seul Parti des Bêtes, mesdames et messieurs de la presse !

Nos idées doivent aboutir à la libération de tous !

Virgile, interrogé sur cette campagne insolite, détaille les moyens.

— Je remercie chaleureusement les équipes de l’Union.

Elles assureront un direct H24. La Com’ sera Big !

Pariant sur l’essouflement et l’usure, les communiquants adverses suivent de loin cette sainte alliance du Tour de France et du spectacle, sorte de Mercato inversé perdu au fin fond du pays. Les jours suivants, les titres des journaux sont à la hauteur de l’évènement festif.

"— Cochon lance son Cirque !"

"— Cochon et Margarita : la complète !"

Le premier arrêt est prévu à Biel en Culasse, une ville ouvrière. La dernière industrie vient de fermer. Les familles s’en vont ; les magasins mettent la clé sous la porte ; spirale infernale du déclin où le retrait d’une seule baguette Kapla met à terre la petite tour de bois.

— Une ville ouvrière, Cochon ? Pour défendre le bien-être animal ?

— Messieurs, je suis sensible. La souffrance me peine, d’où qu’elle vienne. La caravane pouvait-elle passer ici indifférente ? Le monde Bieloculassien s’effondre. Les bars, les fleuristes, sont remplacés par les téléphones, les salons de beauté où l’on refait vos ongles. C’est un signe très sûr : la Fin des Temps est proche !

Puis plus tard, à Sainte-Crucibie, il n’hésite pas à piétiner les plate-bandes de l’Histoire d’un – Je vous aime ! Ou d’un – Je vous ai compris ! Comme à Mercy Les Tourettes, sous des tonnerres d’applaudissements.

L’Union Progressiste, un temps inquiète pour la collecte des signatures, est rassurée.

Après les discours de Cochon, les élus devant l’enthousiasme de leurs électeurs, jettent les derniers doutes aux orties et rédigent leurs bafouilles de soutien sur les nappes des bistrot.

La longue file de véhicules décrit un itinéraire compliqué sur le territoire hexagonal. Certains essaient même d’interpréter l’itinéraire, balançant entre complot Rosicrucien pour la domination du Monde et Pentacle géant Illuminati pour attirer le Diable. La plupart reviennent le voir, avec leur famille et amis, ou seuls, simplement parce qu’ils l’aiment bien, et qu’il repasse à proximité pour la seconde fois. En réalité, l’organisation est approximative, alors Vendredi-Saint et Justine avec leur mini Benz, les techniciens de l’image avec leurs camions, vont comme ils peuvent, ballotés de salles réservées en salles annulées.

Les rediffusions, ciblées comme des clips, sont émises ponctuellement, puis reprises par les médias et c’est là ce qui importe. Le succès est immédiat. Bientôt l’opposition s’inquiète, l’opposition catastrophe. Elle dégringole dans les sondages et il faut une loupe, désormais, pour compter les décimales aux pourcentages. L’Union Progressiste dans cette situation favorable, se laisse cornaquer par Margarita qui seule contrôle les militants du troisième type. La vieille garde se réserve quelques baronnies aux législatives ; dégage sans ménagement les points faibles afin de laisser toute leur place aux nouvelles nouvelles tendances. L’équilibre entre craintifs et audacieux, libéraux et suiveurs de l’homme fort, est radicalement chamboulé par l’apparition de ce clivage étonnant entre ceux qui aiment les animaux en blanquette et ceux qui les aiment en liberté, avec au milieu comme toujours, les indécis, balançant entre amour de la servilité et goût du saignant, avec une noisette de beurre.

Cochon et Margarita cependant sont inquiets. Tout cela est trop beau. Ils savent que la sympathie se retourne lorsqu’elle heurte les intérêts, et que sans eux, ils ne gagneront pas.

Ils ont raison.

L’opposition mise sur une série de contre-clips publicitaires où sont mis en scène des repas traditionnels, des barbecues, des pique-niques champêtres. Tous les ressorts de la convivialité sont mis en œuvre : le goût délicieux des choses venues de l’enfance, l’amour des siens, le vivre ensemble. Les animaux sont partout bien présents. On les voit paisibles entourant les humains, souriant dans les champs, meuglant de bonheur dans les prés.

Margarita et Cochon, Chasseur, ont fini de visionner cette séquence, qui bientôt passe à la télévision et dont La Fashionista, par ses réseaux, a obtenu une copie piratée.

Ils ont la mine sombre.

— Margarita, ces publicités me donnent faim. Je pense à Béatrice, à mes Porcelets, et j’ai envie de leur offrir le bonheur !

— C’est de la manipulation. Payée par les lobbies.

— Je confirme. Nous ne pouvons rien. Il s’agit de publicités de consommation courante.

— Chasseur, je croyais que tu avais réponse à tout ?

— Ils ont, Virgile, d’autres Chasseurs. Et notre trésor de guerre s’épuise.

Virgile tapote du sabot sur la table. Comme tous les suidés, Cochon est un artiodactyle dotés de quatre sabots cornés. Il les regarde. Jamais il n’a senti aussi fortement son impuissance. Il contemple le paysage au loin par la fenêtre. C’est le printemps. Tout est beau. Tout est vert.

— J’ai peut-être une idée. Chasseur, ce que font les marchands de viande, les marchands de légumes, eux aussi, peuvent le faire ?

— Oui, bien sûr.

— Alors, pas un instant à perdre. Le Larzac, c’était sympa. On arrête tout. Allons voir, de ce pas, l’Association de Promotion de la Patate, la Fédération Céréalière, les Syndicats Légumiers !

La première approche, des deux côtés, est prudente. Après tout, on peut vendre des carottes et aimer le rôti. Les intérêts, néanmoins, sont les intérêts.

On s’écoutera et c’est déjà ça.

Cette réunion est travaillée en amont par Margarita et ses équipes marketing. Ils ont bien travaillé. Personne ne rêve d’un kilo de farine, d’une botte de foin. L’argent remonte vers ceux qui vendent l’odeur des grillades, la finesse du jambon, la tendresse de l’agneau.

— C’est intéressant ce que vous dites, Cochon, mais nous ne pouvons pas lutter ! Les légumes sont partout à la baisse, surtout chez les enfants. Ne leur parlez pas de salade verte, d’épinards ! Ce serait la ruine ! Ce qu’ils veulent ce sont des croquettes chocolatées, des boissons aromatisés ! L’avenir est au sucre ! Aux féculents !

— Messieurs, vous ne croyez pas en vous ! Vous êtes sous l’emprise des carnivores. Votre production augmente sans arrêt pour nourrir leurs bêtes à prix toujours plus bas !

— Il faudrait associer légumes et glamour !

— Traditions !

— Valeurs familiales, comme eux !

— Nous avons les frites. C’est déjà ça.

— Il nous faudrait lancer une grande campagne publicitaire !

Un mois plus tard, une campagne médiatique ficelée par Margarita, financée par les corporations végétaliennes, déboule sur les écrans avec un objectif clair : prendre des parts de marché. La campagne de Cochon est relancée. Sur les plateformes, à la télévision, le parti des légumes affronte le régime carné. Les opinions montent aux extrêmes. D’un côté, certains réclament de lourdes condamnations pour la consommation de viandes, ainsi qu’un suivi médical ; de l’autre, on affirme qu’un légume ne peut être bon, sain et digeste, qu’après être passé par le tube digestif d’un animal et transformé en viande. Beaucoup de citoyens ne se retrouvent pas dans de telles opinions. Un sosie de monsieur Pilule essaie d’incarner - le mot est mal choisi - la raison omnivore.

Il faut manger de tout.

L’euthanasie n’est pas un privilège.

Les animaux ont droit à une mort digne et parfaitement organisée lorsque leur utilité est arrivée à échéance, sous le contrôle rigoureux de la loi, de l’État, des tribunaux.

Ce discours est reçu, on s’en doutera, avec prudence. Le centre omnivore est balayé au premier tour. Au second tour s’affrontent le chef de l’opposition carnivore et Cochon, le porte-flambeau des valeurs végétalistes.

Ces deux là au fond se ressemblent. Ils sont rusés. Partis de rien ils ne sont héritiers de personne. Le recyclage des idées, ils connaissent.

Un débat télévisé est organisé entre les deux tours. Cochon rejette, en son fors intérieur, cette idée d’aller s’exposer sur un plateau. Il transpirera trop ; les maquilleuses seront embarrassées par sa personne, sa peau, ses soies, son groin. Pourra-t-il garder ses lunettes polarisées ? Rien n’est moins sûr. L’électeur à besoin de voir le Président au fond des yeux. Les Ray Ban, ça fait colonel putschiste. Dans les locaux qu’ils ont loués pour la campagne, Virgile regarde son reflet. Il est debout dans le bureau de Chasseur ; il a l’air absent.

— Il faudra enlever tes lunettes, Virgile.

— J’aurais l’impression d’être nu.

Il se rapproche de la vitre, se sourit à lui-même. On voit ses canines trop longues qui pointent fortement. Il imagine des problèmes nouveaux, qu’il n’avait pas considérés auparavant, et reprend.

— Cochon... est un peu trop cochon, Chasseur.

— Virgile. Nous avons visionné les débats du passé. Qu’as-tu vu ?

— Des gars en costume-cravate.

— On prétend que Méridien et Putler seraient des Reptiliens tout comme la reine d’Angleterre et cacheraient, sous leurs costumes, des peaux de lézard.

— Très drôle, Chasseur.

— C’est la rumeur.

— Et la rumeur, que dit-elle de moi ?

— Que tu es Cochon.

— C’est la vérité !

— C’est la télévision.

— Les gens croient en la télévision.

— Tu es vivant parce que je t’ai donné un conseil, il y a longtemps. Je vais t’en donner un second et ce sera le même que le premier : Parle, Virgile, parle ! Tout ira bien.

Virgile enlève ses lunettes de soleil, il les range dans la poche du veston et se regarde. Il se voit en transparence, pas flou, juste effacé. Son visage disparaît et c’est comme s’il était déjà de l’autre côté.

Un débat télévisé, tout le monde en a déjà vu.

Celui-ci n’échappe pas à la règle : affrontement frontal, joutes oratoires où le but est la déstabilisation de l’adversaire. L’attaque sur les points faibles, le bétonnage de la défense, sont nécessaires car tout ici est une affaire d’image.

L’adversaire, il le connaît. L’homme habille de raison ses intérêts ; emporte l’adhésion en assénant, d’un ton mesuré, des phrases chocs et des arguments qui font mal.

— Vous allez faire quoi, Cochon ? Les animaux ont besoin de nous. Et nous avons besoin d’eux ! Leur disposition à être notre amusement, nos serviteurs, notre nourriture, c’est là toute notre économie ! Nous avons trente millions de compagnons, des millions de vaches dans les prés, des centaines de millions de poules dans nos pondoirs qui consomment des millions de tonnes de grains !

— Libérons-les.

— Comme ça ? En claquant des doigts ?

— Plus simple encore : on ouvre la porte.

— Et nous, et l’économie ?

— Nous mangerons des fraises, du rutabaga, des maïs grillés, des pastas, avec de la sauge et un filet d’huile d’olive. J’instaurerai, moi Président, un service public de baraques à frites à tous les coins de rue ! Pour quelques sous, nous éliminerons la faim, la misère. Arrêtons de goinfrer les autres. Pensons à nous. Qu’ils se débrouillent !

— Je vous croyais leur ami ?

— Je le suis. Et je leur dis amicalement : partagez. Je veux arrêter cette situation injuste. Le régime végétalien est bon pour l’économie, bon pour notre santé. Vos histoires de féculents passés par l’appareil digestif d’un animal, c’est malsain ! Il faut des tonnes de nourriture pour une carcasse de bœuf dont on ne consommera que les filets et les entrecôtes. Nos prés seraient plus jolis plantés de maisons, de cabanes pour les enfants. Ce Pays est un champs d’herbes folles, un paradis pour les bovidés ! Rendons ce paradis aux Humains !

Virgile a joué son va-tout : la libération des animaux : un pari risqué. Les dernières semaines de campagne se passent en meetings émaillés d’incidents violents.

Le soir du vote, Cochon est élu à une courte majorité.

Cochon, que cette nouvelle abasourdit, s’esquive et disparaît.

— Ils nous suivent toujours ?

Le chauffeur, concentré sur sa conduite, ne répond pas. Les voitures de Presse suivent de près en effet. L’homme donne un bref coup d’oeil à Virgile et lève le pouce. Cela veut dire quoi, un pouce levé ? Lorsque la voiture fait une embardée, crissant des pneus sur le coaltar suite à un braquage à fond, Virgile comprend qu’il prend la clé des champs, la vraie, celle qui ouvre vers les ruelles, loin des boulevards.

— Ha. Bien vu. Ici, on a plus d’options.

Cochon est attendu au Palais pour la Victoire, avec un grand V. L’affaire est soudaine, il a besoin de temps pour se remettre. Du temps pour lui, avant d’être happé à nouveau dans le grand tourbillon. Il donne l’ordre d’aller aux anciens abattoirs de la ville, transformés en Parc Municipal. Il descend de voiture. Il y a là une statue qu’il souhaite ardemment revoir. Une contre-allée encore et la voilà, fièrement éclairée par les réverbères, sur un gazon fleuri aux abeilles endormies.

Il s’agit d’un Humain en tablier, qui muni d’un couteau s’apprête à égorger un boeuf maintenu au sol sous un pied botté. Une vision d’artiste, sans doute.

L’inscription indique :

"À l’Ouvrier-Boucher,

l’Élevage, l’Industrie, le Commerce reconnaissants.

Concours Général des Foires (1932)."

On y voit les allégories de Fermier, les yeux levés, mains ouvertes et l’air sévère, livrant le boeuf au couteau. Industrie plié en deux, absorbé dans ses calculs, pèse et prend les mesures. Commerce enfin, la mine réjouie, présente un panier garni de viandes lardées, rillettes, pâtés, boudins et saucissons, agrémenté de fleurs.

Un chat passe sans remarquer Cochon.

Ce dernier prend la parole devant ce maigre auditoire.

— Devant vous, statues ! Toi, Boucher, et toi Fermier, et toi Commerce, et toi, Industrie. J’en fais le serment, je délivrerai les animaux de leur esclavage, je les délivrerai de la mort et leur rendrai la vie !

Puis Virgile, visage baissé, observe une minute de silence.

Des applaudissements se font entendre. Il se retourne. Un homme mal habillé, à demi allongé sur un banc, se relève.

— Dans le journal, j’ai vu ta photo. C’est pas toi le Président ?

— Ça se peut.

— T’es un brave homme, Cochon.

— Merci.

Il s’en met une rasade dans le gosier et s’écroule à nouveau. Demain, il dira avoir rêvé d’un cochon Président qui parle aux statues. Virgile remonte une veste crasseuse sur les épaules du clochard.

Il vient d’être élu par de tels êtres fragiles, étranges et discoureurs : les Humains.

Après cette disparation de quelques heures qui aujourd’hui fait partie du Roman Présidentiel, Cochon est finalement revenu, acclamé au Palais par des foules en liesse.

Virgile tient aux équilibres ; il lui faut ménager la réaction, qui reste puissante.

Suite aux élections à la Chambre Basse, sa majorité est relative et il doit composer, essayant d’attirer à lui le sosie de Pilule et son parti, qui n’en finissent plus, au recoin de la rue Percluse, de remâcher le karma de la défaite.

Margarita, dotée de fonds publics, animera un programme de développement animal ; Cochon, au nom de la Liberté, protègera le régime carné ; et au nom de cette même Liberté, l’engagement de campagne de Cochon sera voté, avec le soutien enthousiaste du parti du milieu qui trouve le compromis astucieux : chacun pour soi et Dieu pour tous.

Au jour convenu pour la Libération Universelle, les portes s’ouvrent.

Les humains imaginaient une grandiose chevauchée de millions de bêtes à travers le Pays, l’envol de centaines de millions de volatiles obscurcissant le soleil, et voilà que seuls quelques téméraires s’éloignent puis finissent par revenir.

Cela n’est pas satisfaisant.

Les télévisions sont déçues car elles n’ont rien à montrer. Le gouvernement est humilié. Le vote démocratique, bafoué. L’opposition carnivore - souriante et narquoise - occupe la scène médiatique. Demain elle ne sourira plus et montrera les dents.

Dans un village, loin des caméras, cette même scène se rejoue.

Devant le Maire, devant la fanfare, devant la porte ouverte sur la Liberté, les animaux domestiqués depuis des siècles, des millénaires, sont timides. S’éloigner du logis ? De la sécurité ? Du buffet à volonté ? Des soins gratuits, des antibiotiques directement intégrés à la nourriture ? Le calcul est vite fait. Qu’ils sont bêtes, ces humains, avec leur musique, leurs banderoles, leurs drôles d’idées sur ce qui est bien, pour les autres. Messieurs les Humains, si vous souhaitez vous passer d’un foyer, de nourriture, de soins médicaux, de gens armés qui vous protègent de l’ennemi héréditaire : le loup, le lynx, le renard, l’ours !

Commencez les premiers.

À propos d’armes justement, les chasseurs du village s’énervent. La loi stipule que les animaux doivent retourner à la vie sauvage. Cela leur convient. Ils sont là pour taper dans la sauvagine et il y aura bientôt quantité de poules, cochons, vaches et moutons, qui n’appartiennent plus qu’à eux-mêmes, donc aux chasseurs. Armés jusqu’aux dents, ils ont des boîtes de cartouches supplémentaires, on ne sait jamais, sur la banquette arrière.

Il faut attendre que les bêtes sortent. Pas question de tirer dans les clôtures.

Le temps est long. On discute.

La loi a été votée ! Que faut-il de plus ?

Ils parient sur la Faim, ce clou du cercueil de l’Histoire, et sur Fermier, qui n’a pas le coeur de nourrir ce qui ne lui appartient plus, et ne lui rapporte rien, depuis déjà plusieurs heures.

Lorsque les animaux comprennent que non seulement l’Humain a oublié le petit-déjeuner, mais aussi le demi-déjeuner, le déjeuner, le goûter, et probablement aussi le diner et le souper, ils envisagent une grève, sauf celle de la faim ; la révolte qui sait ?

Mais contre qui ?

Les plus téméraires s’aventurent à nouveau. Les chasseurs sont malins, ils ont jeté du maïs sur le chemin qui part de la ferme, et les petits cailloux de ce méchant Poucet mènent pile au milieu des zones de chasse.

— Allons, Camarades ! Suivons le sentier glorieux de la nourriture ! La Liberté est au bout du chemin !

Et c’est en discutant des enfants, du prochain week-end dans la forêt, qui paraît-il cette année est superbe, que les animaux suivent le sentier qu’on a tracé pour eux. C’est un massacre, au point que certains chasseurs regrettent l’interdiction des armes automatiques. Plus tard c’est la fête, on sort les bières. Beaucoup d’animaux se sont échappés. Tant mieux : la saison de chasse s’annonce extraordinaire ! Le téléphone entretemps a fonctionné à fond. Partout les chasseurs se déchainent. Le soir à la télévision, l’opposition carnivore affiche une tronche de dix pieds de long. Les congélateurs de leurs électeurs débordent de nourriture ; le pays tout entier est noyé sous un manne providentielle et comme tombée du ciel.

Cochon, souriant, tient une conférence de presse, accompagné de Margarita. Cette dernière se tait. Virgile constate que malgré l’opposition carnivore, l’opération de Libération est un succès. Les animaux ont rejoint les bois, pour la plupart. Seuls quelques isolés n’ont pas réussi à quitter l’étable, le poulailler. Le gouvernement se déclare prêt à débloquer des crédits d’assistance psychologique pour les Animaux et les Fermiers restés sur place.

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