8 - Les Marais Mutants

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La lumière blafarde de l'aube baignait les Portes du Liberty, cette imposante carcasse de vaisseau qui marquait la frontière entre l'Astroport de Gurra et les mystérieux Marais Mutants. Le groupe composé d'Adda, Jax, Khaad, Janjans et Zarra se tenait prêt, leurs regards tournés vers l'horizon incertain.

Stereen, Juste de Voix, s'approcha d'eux. « N'oubliez pas, » dit-elle, avec gravité, « les marais ne pardonnent pas l'imprudence. Restez ensemble, faites confiance à votre instinct. »

Rhéa, les yeux emplis d'inquiétude maternelle, ajouta : « Prenez soin les uns des autres. Vous êtes le seul espoir pour ceux qui ont disparu. »

Kito, bras croisés, acquiesça silencieusement : “Que le souffle du vent vous guide. Retrouvez ce Garvac et revenez sain et sauf”

Le départ fut toutefois assombri par de nouvelles disparition. Deux enfants, du clans des Filous des Néons et des Oiseaux des Récifs. Une ombre pesante s'abattit sur le groupe.

Déterminés, ils franchirent les Portes du Liberty, laissant derrière eux le monde connu pour s'aventurer dans un territoire où la réalité se dérobait sous leurs pieds. Zarra, dix mètres en avant, avançait avec une assurance née de l'expérience, tandis que Khaad fermait la marche, ses yeux balayant sans cesse les alentours.

La brume matinale, épaisse et ouatée, enveloppait tout, transformant le paysage en une toile de rêve éthérée. Les silhouettes des carcasses de vaisseaux se dressaient comme des fantômes du passé, leur métal rouillé se fondant dans la brume.

« Des géants endormis, » murmura Jax, son regard fasciné par les structures imposantes qui s'estompaient derrière eux.

Adda, marchant à ses côtés, répondit d'une voix douce :

« J'suis jamais allée aussi loin. Pour moi, le cimetière d'épaves, c'est comme une grande maison. Effrayante, mais toujours sûre.»

Les sons du marais commençaient à se faire entendre, un concert discordant de crépitements, de sifflements et de bruissements. Les premières plantes du marais, aux tiges torsadées et aux feuilles d'un vert profond, parsemées de veines argentées, apparurent, se dressant comme des sentinelles à l'entrée de leur royaume.

« Regardez, » chuchota Zarra en pointant un buisson. « Les fleurs de l'ombre. Ne les touchez pas. Leur pollen est hallucinogène. »

Le groupe observa avec précaution les fleurs aux pétales noirs qui semblaient absorber la lumière tout autour d'elles.

Janjans, un peu en retrait, semblait absorbé par la beauté étrange et sauvage du paysage.

« C'est comme entrer dans un autre monde, » souffla-t-il.

Ils continuèrent leur progression, leurs pas mesurés et prudents, pénétrant plus profondément dans le no man's land qui précédait le cœur des marais. La brume s'intensifiait, réduisant leur champ de vision, tandis que les sons du marais montaient crescendo, un rappel constant qu'ils n'étaient que des invités.

À mesure que le groupe s'enfonçait dans les Marais Mutants, le paysage se métamorphosait sous leurs yeux. La nature et les vestiges technologiques s'entrelaçaient en une tapisserie surréaliste et inquiétante, créant un monde où la frontière entre le biologique et l'artificiel semblait s'effacer.

Le sol, autrefois ferme, se transformait peu à peu en une matière humide et spongieuse, rendant chaque pas plus laborieux. Zarra, en tête, avançait prudemment, testant le terrain avant de s'engager. Khaad, à l'arrière-garde, gardait un œil vigilant sur le chemin parcouru, s'assurant qu'aucune menace ne les surprenait.

Les plantes autour d'eux grandissaient en taille et en étrangeté. D'imposantes fougères métalliques aux bords tranchants comme des lames bordaient leur chemin. Des fleurs aux couleurs vives émettaient des lueurs hypnotiques, tandis que d'autres libéraient des volutes de fumée qui dansaient étrangement dans l'air.

« Attention à ces fumées, » avertit Zarra. « Elles pourraient être toxiques ou avoir des effets hallucinogènes. »

Soudain, une agitation attira leur attention. Un gros animal, semblable à un rat de la taille d’un gros chien, couvert de plaques métalliques – un RongeFer – s'agitait à proximité. Avant que le groupe ne puisse réagir, une plante proche, ressemblant à un immense nénuphar, se déploya brusquement, révélant une gueule béante bordée de dents végétales acérées.

Le RongeFer, piégé par l'odeur alléchante de la plante, fut happé en un clin d'œil. Les mâchoires fibreuses de la plante se refermèrent dans un bruit sourd, laissant le groupe stupéfait par la rapidité et la brutalité de la scène.

« Ces marais ne sont pas un jeu, » murmura Khaad, pâle. « Chaque créature, chaque plante, est un prédateur. »

Jax, scrutant les environs avec une appréhension croissante, dit d'une voix tremblante :

“ On est entourés de pièges... c'est terrifiant”.

Le groupe continua sa progression, le cœur lourd de la leçon cruelle qu'ils venaient d'apprendre. Les sons du marais – le murmure de l'eau, le frémissement des feuilles, le cri lointain d'animaux inconnus – semblaient désormais porter un message de mise en garde, où chaque chemin pouvait être une impasse fatale.

Une poignée d’heures plus tard, le groupe s'arrêta dans une clairière relative, une rare pause dans l'oppressante densité des Marais. Janjans en profita pour s'éloigner un peu, cherchant un endroit discret pour se soulager. Il s'aventura sans méfiance, trop concentré sur sa tâche immédiate pour remarquer le sol qui semblait s'affaisser sous ses pieds.

Soudain, le terrain sous lui céda, l'envoyant tomber dans une fosse profonde et sombre. Alors qu'il atterrissait avec un cri étouffé, de la terre plein la bouche, une horreur rampante se manifesta autour de lui. Des insectes carnivores mimétiques, ressemblant à des feuilles mortes, se réveillèrent, attirés par le bruit et le mouvement de la créature qui était tombée dans leur fosse.

Janjans tenta désespérément de se relever, mais chacun de ses mouvements attirer davantage de créatures. Elles se rapprochaient, leurs mandibules claquant avec une voracité terrifiante.

« À l'aide ! » hurla-t-il, sa voix empreinte d'une terreur pure. « Quelqu'un ! »

Dans la clairière, le groupe fut alerté par ses cris. Adda et Jax, les yeux écarquillés, se précipitèrent, suivis de près par Zarra et Khaad.

Arrivés au bord de la fosse, ils aperçurent Janjans, luttant frénétiquement contre les insectes qui commençaient à le recouvrir, leurs corps plats et feuillus se mêlant à la véritable litière de feuilles au fond du piège.

« Janjans ! » cria Adda, le cœur battant à tout rompre. Elle cherchait frénétiquement un moyen de l'aider sans tomber elle-même dans la fosse.

Zarra, avec une rapidité et une précision étonnantes, commença à donner des ordres. « Jax, Adda, reculez-vous. Ce sont des Feuillard. Ils creuse des fosses mouvantes ! on va essayer de l'attraper. Khaad, aide-moi à trouver quelque chose pour le tirer vers le haut. »

N’écoutant pas les recommandation de Zarra, Adda, dans un élan de panique et de courage, se coucha sur le ventre, tendant la main vers Janjans. « Attrape ma main ! » cria-t-elle, ignorant les risques.

Janjans, malgré la douleur des morsures et la peur qui le paralysait, tendit une main tremblante vers Adda. Juste au moment où leurs doigts étaient sur le point de se toucher, plusieurs Feuillards bondirent sur l’avant-bras de Adda et commencèrent à la mordre cruellement. Elle étouffa un cri de douleur mais ne retira pas sa main, déterminée à sauver son ami.

Janjans ensanglanté commença à se hisser.

“Je vais pas y arrivé,” hurla-t-il. Adda resserra sa prise, mais le sang qui coulait le long de ses avant bras rendait ses mains glissantes et poisseuses. Lorsque la poigne vigoureuse de Zarra vint à la rescousse.

Khaad et Jax, utilisant une longue branche, réussirent finalement à offrir un appui à Janjans. Avec un effort surhumain et l'aide d’Adda et Zarra, Janjans parvint à s'extraire de la fosse.

De retour sur la terre ferme, Janjans était couvert de fines entailles, des centaines de coupures de scalpel, son souffle saccadé par la peur et la douleur. Adda, malgré ses morsures douloureuses, le serra dans ses bras, soulagée.

Le groupe se rassembla, secoué par l'intensité de l'événement. Zarra examina rapidement les blessures de Janjans, appliquant des premiers soins de fortune.

« On ne peut pas se permettre d'autres erreurs comme celle-là, » dit-elle d'une voix ferme mais compatissante. « Dans ces marais, chaque pas peut être le dernier. »

Le groupe s'éloigna de la fosse des Feuillards. Janjans, secoué mais vivant, marchait avec difficulté, soutenu par Zarra et Khaad. Ses blessures étaient pansées de manière sommaire, mais le soulagement de s'être échappé de la fosse mortelle était clair dans ses yeux.

« Merci, » murmura-t-il, la voix tremblante. « Je… Je ne sais pas ce que j'aurais fait sans vous. »

Zarra, d'une voix ferme mais bienveillante, répondit : « On reste ensemble. Les marais ne font pas de cadeaux.”

Le groupe s'arrêta pour une pause nécessaire. Ils s'assirent en cercle. Adda prit la parole, sa voix était calme mais grave.

« Ce qui vient de se passer… ça nous montre à quel point on est pas prêt. »

Jax, examinant ses propres égratignures, acquiesça. « Les marais sont un labyrinthe dangereux. Mais tant qu'on reste ensemble et qu'on se soutient, on peut surmonter n'importe quel obstacle. Tu as était courageuse et forte tout à l’heure !»

Khaad, les yeux scrutant les alentours, ajouta : « On a tous vu aujourd'hui à quel point la situation peut rapidement dégénérer. On doit apprendre de ça et avancer. »

Janjans, toujours pâle mais reprenant peu à peu contenance, hocha la tête. « Je serai plus prudent à l'avenir. Vous m'avez sauvé la vie… je vous en suis infiniment reconnaissant. »

Le groupe partagea un moment de silence, chacun absorbé par ses pensées. La réalité du danger qu'ils affrontaient dans les marais était désormais gravée dans leur esprit, une leçon douloureuse mais nécessaire.

La journée s'achevait lentement. Le crépuscule enveloppait les structures métalliques et végétales d'une lumière froide.

Alors que la nuit couvrait les Marais Mutants de son manteau sombre, le monde autour du groupe se transformait en paysage de cauchemars. La lumière vacillante des lanternes ne faisait qu'accentuer les ombres mouvantes et les formes indistinctes qui les observaient depuis les ténèbres.

Installé pour la nuit, le groupe organisa des tours de garde, bien que la tension ambiante rendît le sommeil difficile, voire impossible. Jax, utilisa son œil électronique pour surveillait les environs, captant chaque mouvement suspect dans la brume nocturne.

Adda, assise près de Janjans, constatait avec inquiétude que son ami était fiévreux et que ses blessures semblaient s'infecter. Elle même avait le bras douloureux. Ses murmures fiévreux trahissaient un sommeil agité et douloureux.

Khaad lui fit boire un liquide sombre d’une demi fiole. “J’ai un peu Régé, échangé au marcher noir”

“Il est robuste”, affirma Adda. “Il s’en tirera… j’en suis...”

Soudain, l'œil électronique de Jax émit un signal d'alerte. Une série de vibrations sourdes se propagea à travers le sol, accompagnée de craquements lugubres de branches et de bois sous un poids énorme.

Khaad et Zarra se dressèrent rapidement. L'air était maintenant saturé d'une odeur fétide, un mélange de boue et de quelque chose de plus primal.

Soudain, tel un cauchemar surgissant des profondeurs de la terre, un Serpent Tranchants fit son apparition, émergeant du sol et de la brume avec une grâce terrifiante. Sa longueur impressionnante, fendait l'air, tandis que ses écailles, luisantes et dures comme l'acier, captaient les faibles lueurs des braises mourantes du feu de camp.

« Fuyez ! » hurla Zarra, sa voix tranchant la nuit comme une lame. Elle attrapa Janjans, le poussant loin de la menace.

Khaad, avec une bravoure qui frôlait la folie, se retourna pour affronter la créature. Il dégaina son arbalète, tira un carreau en direction du monstre. Le projectile rebondit inutilement contre l'armure naturelle du serpent, produisant un son métallique qui résonnait dans la nuit.

Pendant ce temps, Adda et Jax, saisis d'horreur mais poussés par l'instinct, lançaient des boulons avec frénésie, créant sur les écailles métalliques des halos d'étincelles qui illuminèrent brièvement le serpent avant de s'éteindre dans l'humidité de l'air.

Khaad, esquivant avec agilité les attaques rapides et mortelles du reptile, sentait la sueur et l'adrénaline ruisseler sur sa peau. Dans un acte désespéré, il visa l'œil de la bête et tira. Le carreau trouva sa cible, crevant l'œil dans un jet de liquide visqueux et squameux qui ruissela le long du corps massif du serpent. La créature émit un hurlement d'agonie qui secoua les fondations mêmes des marais.

Dans la confusion qui suivit, le feu de camp fut renversé, projetant ses braises dans les airs, avant de s'éteindre dans un sifflement. Adda, Jax et Khaad, profitant de la distraction du serpent, s'échappèrent dans la nuit, laissant derrière eux le chaos et la destruction.

Les cris de la créature blessée résonnaient dans leur dos tandis qu'ils couraient à travers la brume glacée, perdant toute notion d'orientation. La panique les enveloppait, aussi sûrement que le brouillard, tandis qu'ils se frayaient un chemin à travers le labyrinthe végétal.

Lorsqu'ils s'arrêtèrent enfin, le souffle court et le cœur battant à tout rompre, ils réalisèrent qu'ils étaient désormais perdus dans les marais, séparés de Janjans et Zarra, sans savoir où chercher refuge.

La nuit dans les Marais Mutants avait pris un tournant cauchemardesque, les laissant seuls et vulnérables dans l'obscurité, tandis que quelque part derrière eux, le Serpent Tranchants continuait de rugir sa rage et sa douleur.

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