26. Douleur silencieuse

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- Docteur Cargent.

Lilith regardait les figurines de bois que lui avaient offert les soldats, l’esprit perdu dans ses pensées. La première fois que le Général avait appelé le Père Gabriel de cette façon elle crut à une erreur de sa part, cependant, tout le monde ici semblait connaître le médecin sous ce nom. En temps normal, cela ne l’aurait pas atteint, mais dernièrement, c’était devenu un sujet sensible et non moins envahissant dans son esprit.

- Père Gabriel. Docteur Cargent. Peu importe la manière dont il s’appelle, essayait-elle de se convaincre.

C’était la même personne, généreuse et protectrice, qui l’avait emmenée avec lui. Pourtant, dans sa poitrine son cœur saignait ; lui aussi avait un nom, comme tout le monde ici, évidemment. Mais aussi et surtout, car elle avait le sentiment qu’une part de lui-même l’avait mise de côté. Que Docteur Cargent la mettait de côté.

- Non, le Père Gabriel m’a recueilli et le Docteur Cargent m’a soignée. Aucun des deux ne me mettrait à l’écart !?

Cette pensée était douloureuse elle aussi. En premier lieu, car sa raison savait que c’était faux : le docteur avait toujours été là pour elle, tout comme le Père Gabriel. Elle culpabilisait de cultiver de telles pensées à l’égard de l’homme qui l’avait sauvée, essayant de se mentir pour rendre la réalité plus douce.

- J’ai mal parce que, moi, je n’ai pas de nom.

Ses propres mensonges ne parvenaient pas à la convaincre. Elle ne pouvait le renier, son cœur lui hurlait qu’elle faisait partie de la vie du Père Gabriel, mais pas de celle du docteur Cargent. Il s’était présenté à elle sous cette identité et jamais il n’avait mentionné son nom. Son cœur se pressa une nouvelle fois ; ici, dans ce camp, elle était la seule à ne pas connaître le Docteur Cargent, comme s’il souhaitait l’éloigner de cette part de lui-même.

- C’est ridicule, se morigéna-t-elle en rejoignant Messi, qui dormait par terre, pour trouver le réconfort dont elle avait besoin.

Son cœur et sa raison semblaient se déchirer sous ses pieds, sans lui laisser la moindre opportunité de s'échapper. Elle avait l’impression que son univers se délitait et elle tanguait en tentant de se raccrocher à lui. Les eaux noires la ballotaient alors qu’elle essayait d’aller à contre-courant, de suivre sa raison tandis qu’elle se noyait dans ses larmes.

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