46. Aux portes de l'enfer

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Le vacarme des cors se faisait entendre dans tout le camp. Le son grave qui s’en échappait ne réveilla pas Lilith. Elle n’avait pas pu fermer l’œil de la nuit. Luttant, comme ces derniers jours, contre elle-même. Allez le retrouver, lui parler sachant qu’aucun son ne sortirait de sa bouche dès lors qu’elle verrait son visage. Un visage qui la faisait se tordre de douleurs sur elle-même quand il traversait ses pensées. Pensées, qu’elle essayait d’éloigner. Mais pas trop, car elle voulait se souvenir. Se souvenir de tout. Mémoriser chaque moment partagé avec le Père Gabriel, chaque instant passé auprès du Docteur Cargent. Les bons moments, les moins bons. Tous lui vrillaient l’estomac. Et elle se roulait en boule, les muscles contractés, douloureux, la tête qui semblait imploser, les poings serrés et le visage fourré dans les couvertures pour ne pas hurler. Éloignant les images de son esprit pour se calmer, les rappelant de crainte qu’elles ne disparaissent. Et recommençant, encore et toujours, enferré dans ce cercle vicieux dont elle avait pourtant besoin. Ce cercle qui lui disait d’aller retrouver le Père Gabriel, lui imposant de nouveau les traits de son visage…

La lumière finit par inonder la pièce. Comment le soleil pouvait-il être aussi généreux dans des heures aussi sombres ? Ces pensées lui firent relever la tête. Prenant conscience de ce qui l’entourait. De nouveau, les cors clamèrent leur voix dans l’enceinte du camp. Des bruits de pas précipités résonnaient juste à côté, se rapprochant, plus lentement comme hésitants, avant de s’éloigner. On ouvrit une porte, la referma. Les marches de l’escalier grincèrent sous les pieds pressés. Puis le silence.

Lilith se glissa de son lit, épuisée. Mutique. Honteuse. Elle n’avait pas trouvé la force. C’est le cœur au bord des lèvres, qu’elle sortit de la petite pièce, qui lui servait de chambre, pour la première fois depuis plusieurs jours, pour rejoindre la salle principale.

Cette pièce, autrefois pleine de joie de vivre, était si froide, si laide. Pourtant, rien n’avait bougé, sauf peut-être, quelques effets du Père qui ne se trouvaient plus à leur place habituelle… Elle détailla la pièce, cherchant du regard les infimes variations, qui étaient autant de coups portés au cœur. Les larmes débordèrent. Lilith avançant à l’aveugle vers la chaise qu’elle occupait, en face de celle du Père Gabriel, lorsqu’il la faisait travailler. Elle la tira, provoquant un vacarme dont elle n’avait pas le souvenir, et s’assit. Elle se prit la tête dans les bras et se roula en boule sur la chaise, sa petite robe laissant le bout de ses pieds nus à l’air libre. Des sanglots remontèrent dans sa gorge, violemment. De rage, sa main frappa la table et quelque chose de lisse l’effleura. Surprise, elle releva la tête, pour voir de quoi il s’agissait. Des feuilles pliées en quatre entre-ouvertes, laissant deviner l’écriture du Père Gabriel. Elle tendit la main et attrapa doucement la lettre, qu’elle déplia plus précautionneusement encore.

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