VIII.

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« Monsieur. » finit-elle par répondre. « Vous devez savoir que j'ai été promise au baron de Morency. Je ne peux, ni ne veux répondre à vos avances. »

« Je n'ai rien à vous offrir » ajouta t'elle, en secouant la tête. « Quoi que vous attendiez de moi je ne suis en mesure de vous l'apporter... »

Léandre la regarda avec une douceur qui lui parut étrangement surprenante, comme déplacée chez ce personnage déconcertant.

« Mademoiselle, vous ne comprenez pas. La seule chose que je vous demande de m'accorder est un peu de votre temps. Je ne veux pas de votre amitié, encore moins de votre amour, tout ce que je souhaite est satisfaire ma curiosité.

Sa voix grave arracha un nouveau frisson à la jeune femme, qui peinait soudainement à se retrouver dans ses émotions. Tout d’un coup elle se sentait démunie, comme mise à nu sous l'incroyable regard indigo de son invité.

L'inconnu qui occupait toutes ses pensées depuis des jours maintenant ; la plus grande source d'intérêt qu'elle ait connu à ce jour était là, sous ses yeux, à lui confesser une curiosité réciproque. Et pourtant, même maintenant, alors qu'elle avait loisir de l'observer à volonté et malgré sa beauté et son charisme extraordinaire, elle ne parvenait pas à mettre le doigt sur ce qui la perturbait autant chez lui.

Après un moment de réflexion, elle répondit finalement d’un ton assuré qui la surpris elle-même :

« J'accepte. À une condition cependant : je veux votre parole que nul n'aura vent de nos rencontres.

Un sourire illumina le visage de l'homme qui s'inclina en plaçant une main sur son cœur.

« Je vous le promets.

Son regard rencontra celui de la jeune femme qui le soutint un instant avant de détourner les yeux, les joues brûlantes. Chassant de son visage une mèche rebelle pour dissimuler sa gêne, elle demanda :

« Puis-je vous demander votre titre Monseigneur ? Assurément vous ne faites pas partie des gens du peuple.

Avec un sourire en coin, Léandre répondit :

« Vous le pouvez, mais ne vous attendez pas à recevoir une réponse. Vous m'en voyez navré mais je tiens à ce que cette information reste secrète.

Il se redressa puis croisa les jambes avant d'ajouter :

« Après tout que serait un visiteur nocturne sans mystère ?

Agacée, Séléné soupira ostensiblement. Il semblait déjà connaître un certain nombre de choses sur elle quand elle ignorait tout de lui à part son nom.

Irritée, elle lui lança :

« Je vous trouve bien confiant. De toute manière, que vais-je retirer de nos entretiens ? Qu'avez-vous à m'offrir si ce n'est vos belles paroles et votre arrogance ?

Alors qu'elle s'attendait à l'entendre rire, Séléné vit l'homme se lever et se rapprocher d'elle avant de se pencher à son oreille.

« Vous en retirerez une pleine satisfaction, parce que sais que vous êtes aussi curieuse que moi », murmura-t ‘il. « Vous aussi mourrez d'ennui et vous voyez en moi une distraction qui vous permettra de ne pas perdre la tête. Je suis une ancre dans votre réalité dissolue. »

« Je suis la seule chose qui vous reste, prononça-t-il lentement, son souffle caressant la peau de la jeune femme.

Et ses paroles s'insinuèrent dans son crâne comme l'aurait fait le sifflement d'un serpent. Elle recula vivement, soudainement prise de terreur. Il venait de mettre des mots sur des semaines de questionnement, sur des années passées à se demander ce qui clochait chez elle. Les pupilles dilatées, elle le regarda se rasseoir, toujours avec la même grâce, le visage cette fois-ci impassible. Elle ne répondit pas, se contentant de le fixer sans un mot, la mâchoire crispée.

Se délectant du trouble qu'il avait insinué en elle, il la contempla un moment en silence, avant de lui dire :

« Nous nous rencontrerons la nuit, et la nuit uniquement. Je suis un homme occupé et d'autres part nous ne pouvons nous permettre d'être vus ensemble pour sauvegarder votre réputation. Ne cherchez pas à me contacter, cela serait en vain. Nous nous entretiendrons ponctuellement mais ne vous attendez pas à ce que mes visites soient régulières.

Sans attendre de réponse, il poursuivit :

« De votre côté, continuez vos escapades en forêt si vous le souhaitez, vivez votre vie en faisant fi de la mienne. Je vous promets de ne pas être une gêne dans votre quotidien mais plutôt...

Il marqua une pose, semblant chercher les mots justes.

« Une agréable surprise de temps à autre », repris t'il avec un sourire insolent.

Séléné indignée, s'apprêta à répliquer qu'elle n'était pas à sa disposition et qu'il était hors de question qu'il s'invite chez elle à son bon vouloir, mais alors qu'elle ouvrait la bouche, elle rencontra son regard, et abandonna, sachant qu’il s’agissait là de la meilleure option.

Elle pinça les lèvres et acquiesça.

« Très bien. Mais que les choses soient claires : je vois en vous une source de distraction, cela s'arrête là. N'allez pas vous faire des idées.

Léandre acquiesça en souriant puis se leva et pris Séléné par surprise en saisissant sa main avant d'y déposer un baiser léger puis s'éloigna prestement. Ses lèvres glacées arrachèrent un frisson à la jeune femme qui se leva d'un bond.

Léandre se dirigea tranquillement vers la fenêtre qu'il ouvrit avant de se retourner et de lui lancer :

« Ce fut un véritable plaisir chère demoiselle. Soyez certaine que nos retrouvailles m'enchantent d'avance. Je vous souhaite une bonne nuit à présent.

Sans attendre de réponse, il enjamba la fenêtre avec adresse et disparu. Séléné s'y précipita à son tour et le vit lui adresser un signe d'adieu avant de disparaitre dans la nuit.

Elle ferma la fenêtre fébrilement et, les jambes engourdies et l'esprit embrumé, se laissa tomber sur son lit, fixant les tentures pourpres du baldaquin. Sa main lui semblait brûlante à l'endroit où les lèvres froides de Léandre avaient rencontrées sa peau. Elle rassembla ses mains entrelacées sur son cœur et poussa un long soupir. Une fois de plus, elle était perdue dans ses sentiments, encore sonnée par cette rencontre insensée.

Une chose cependant était cependant certaine : quoi qu'il arrive, la décision qu'elle avait pris cette nuit-là allait bouleverser sa vie.

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