Chapitre 2 – L’École, ou l’Art de Faire Semblant
Lila entre dans le lycée essoufflée. La sonnerie a déjà retenti. Elle traverse la cour en rasant les murs. Pas question de croiser un surveillant — un retard de plus, et ce sera une retenue. Et elle ne peut pas se permettre de perdre une heure de plus. Pas quand chaque minute est chronométrée.
Elle s’assoit discrètement dans le fond de la classe. Histoire, encore. Monsieur Lebreton parle de révolutions, de luttes sociales, de pauvreté. Elle n’écoute que d’une oreille. Ce n’est pas qu’elle s’en fiche — au contraire. Mais elle pense à la liste des choses à faire ce soir, à la bouteille qu’elle a cachée hier sous l’évier, et à la maîtresse de Yanis qui voulait "absolument parler à un parent".
À côté d’elle, une élève lui demande un surligneur. Lila sourit, comme toujours. Elle a appris à jouer ce rôle : l’élève discrète, polie, un peu fatiguée peut-être, mais jamais un mot plus haut que l’autre. Si on la remarque trop, on pose des questions. Si on ne la voit pas assez, elle tombe dans l’oubli. Il faut être au milieu, juste au bon endroit pour survivre.
À midi, elle ne mange pas à la cantine. Trop cher. Elle grignote un morceau de pain dans un coin de la cour, pendant que d’autres rient autour d’elle. Personne ne sait. Personne ne voit.
Sauf peut-être Mme Dufresne, sa professeure de français. Elle la fixe parfois un peu trop longtemps. Elle lui demande souvent :
— Tout va bien, Lila ?
Et Lila répond toujours la même chose, avec ce sourire qu’elle s’est appris dans le miroir :
— Oui, madame. Ça va très bien.
Annotations
Versions