Le samedi matin commence comme d’habitude.

Lila s’est levée avant tout le monde. Elle a préparé le petit-déjeuner, trouvé une vieille boîte de céréales encore à moitié pleine. Elle s’est assurée que les enfants étaient habillés, que la télé restait sur des dessins animés calmes.

Mais quelque chose est différent. Le silence. Trop lourd.

Sa mère ne s’est pas levée.

Il est 10h30. La porte de sa chambre est toujours fermée. D’habitude, elle sort au moins pour râler, demander une cigarette ou un café. Là… rien.

Lila entre doucement.

Sa mère est allongée dans son lit, les volets fermés, la couverture remontée jusqu’au menton. Elle semble dormir. Trop profondément. Trop immobile.

Sur la table de chevet, deux flacons de médicaments vides. Et une bouteille presque finie.

Lila sent la panique monter. Elle s’approche.

— Maman ?

Pas de réponse.

Elle secoue doucement son épaule.
— Maman, réveille-toi. Allez…

Toujours rien.

Elle pose deux doigts sur son poignet. Elle ne sait même pas comment on fait, elle a vu ça dans un film. Il y a un pouls. Faible. Mais là.

Elle recule. Elle tremble.

C’est maintenant.

Elle sort de la chambre. Elle ferme la porte, pour que les enfants ne voient pas.

Elle prend son téléphone. Elle regarde le nom Mme Dufresne qu’elle a entré en cachette hier soir. Elle hésite. Une seconde. Deux.

Puis elle appuie.

— Allô ?
— …Madame ? C’est… c’est Lila.
— Lila ? Qu’est-ce qu’il se passe ?
— Je crois que… Je crois que ma mère a pris trop de médicaments. Je… je sais pas quoi faire. J’ai peur.

Le silence de l’autre côté est bref, mais rassurant.

— Tu as bien fait d’appeler. Je vais m’occuper de tout. Respire. Les secours vont arriver dans quelques minutes. Tu es très courageuse. Tu n’es plus seule maintenant, tu m’entends ?

Lila s’effondre dans le couloir, dos contre le mur, téléphone collé à l’oreille.

Les enfants l’appellent dans le salon. Elle ne bouge pas. Elle pleure. Elle pleure pour de vrai, sans se cacher, sans étouffer le bruit.

Elle a appelé à l’aide. Enfin.

Et quelque part, même si tout semble s’écrouler, elle sent que quelque chose est en train de commencer.