Chapitre 7 – Face au Père
C’était un dimanche gris, celui où Lila prit une décision qu’elle repoussait depuis des années.
Elle enfila sa veste, prit son sac, et monta dans le bus qui allait l’emmener chez son père.
Elle n’avait pas revu cet homme depuis longtemps. Pas depuis qu’il avait quitté la maison, emportant avec lui un vide énorme et un poids impossible à porter.
Le cœur battant, elle sonna à sa porte.
Quand il ouvrit, surpris, elle ne put retenir plus longtemps ses mots.
— Papa… il faut que je te parle.
Il l’invita à entrer, inquiet.
Lila s’assit, les mains tremblantes.
— Tu sais, depuis que tu es parti, maman est devenue malade. Je l’aime, mais elle ne peut plus s’occuper de nous. Alors… j’ai dû prendre ta place.
Elle regarda ses yeux, et commença, un à un.
— Pour Yanis, le petit dernier, je suis celle qui le réveille tous les matins, qui change ses couches, qui essuie ses larmes quand il a peur de la nuit. Toi, tu ne l’as jamais vraiment connu.
— Pour les jumeaux, Maël et Malik, je suis celle qui leur prépare leurs tartines, qui les habille quand ils traînent encore en pyjama à 8h, qui s’assure qu’ils vont à l’école même quand je suis épuisée.
— Pour Lina, je suis celle qui corrige ses devoirs, qui lui explique ce qu’elle ne comprend pas, parce que toi, tu n’étais jamais là pour ça.
— Pour Inès et Sarah, mes deux petites sœurs, je suis celle qui fait les courses, qui s’assure qu’elles ne manquent de rien, qui répare ce que maman ne peut plus réparer.
Elle respira un grand coup, laissant ses émotions sortir.
— Je ne suis pas une mère, papa. Je suis juste la grande sœur. Je n’aurais jamais dû avoir à faire tout ça. Je n’aurais jamais dû être seule. Et toi, tu n’aurais jamais dû partir comme ça, sans nous.
Son père baissa la tête, incapable de répondre.
Lila continua, la voix brisée mais claire :
— Je veux que tu comprennes. Pas pour te faire culpabiliser. Mais pour que tu saches à quel point on a besoin de toi. Pas pour toi, mais pour eux. Pour ta famille.
Elle posa sa main sur la sienne.
— Je veux que tu sois là. Pas seulement physiquement. Vraiment là.
Il leva les yeux vers elle, un mélange de honte et de peine.
— Je suis désolé, Lila. Je ne savais pas… Je veux essayer. Pour vous.
Ce jour-là, Lila sentit qu’une porte s’ouvrait. Qu’un poids pouvait enfin commencer à s’alléger.
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