Chapitre 8 – Le Poids des Mots

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La maison était silencieuse, pesante. Le soir tombait, et Lila sentait qu’elle ne pouvait plus garder tout ça en elle.

Elle entra dans la chambre de sa mère, qui somnolait sur le canapé, un verre à moitié vide à la main.

Lila s’assit face à elle, le regard dur.

— Maman, il faut qu’on parle.

Sa mère grogna, les yeux mi-clos.

— Je suis fatiguée, Lila. Laisse-moi tranquille.

Mais cette fois, Lila ne céda pas.

— Tu ne sais pas. Tu ne sais pas ce que j’ai dû faire pour eux. Ce que j’ai dû faire parce que toi… tu n’étais pas là.

Sa mère leva un sourcil, l’air à la fois agacé et confus.

Lila prit une profonde inspiration, puis égrena, un à un :

— Pour Yanis, j’ai changé ses couches, calmé ses pleurs à trois heures du matin, porté ses sacs à l’école. Tu savais ça ? Non.

— Pour Maël et Malik, j’ai couru partout pour trouver leurs vêtements propres, préparé leurs repas, trouvé des excuses à l’école quand ils n’avaient pas fait leurs devoirs parce qu’ils n’avaient pas de soutien à la maison.

— Pour Lina, j’ai corrigé ses leçons, expliqué ses maths, son français, aidé ses rêves à ne pas s’éteindre sous le poids de l’absent.

— Pour Inès et Sarah, j’ai acheté des vêtements d’hiver alors que je n’avais pas d’argent, j’ai lavé leurs cheveux, chanté des berceuses qu’elles ne recevaient plus de toi.

Puis, d’une voix plus basse, presque brisée, elle ajouta :

— Et toi, tu ne sais pas non plus ce que je vis hors de cette maison. À l’école, je suis censée être "la bonne élève", celle qui réussit, qui sourit, qui ne se plaint jamais. Je garde tout à l’intérieur. Je fais semblant que tout va bien. Que je n’ai pas peur. Que je ne suis pas fatiguée.

— J’ai peur qu’on me découvre. Peur que les profs appellent les services sociaux. Peur que tout s’écroule. Alors je me tais. Je joue ce rôle. Et ça me coûte. Chaque jour.

Elle baissa la tête, une larme coulant silencieusement.

— Je n’ai pas le droit d’être une adolescente normale. Pas le droit de sortir avec mes amis, pas le droit de rêver simplement. Parce que je suis là, pour eux. Je suis leur mère, leur sœur, leur repère.

Sa mère la regardait, incapable de parler. Un mélange de honte, de tristesse, de colère dans ses yeux.

Lila se leva.

— Je ne te demande pas d’être parfaite. Je te demande juste… d’être là. Pour eux. Pour moi. Pour nous.

Un silence lourd s’installa.

Puis, d’une voix tremblante, sa mère murmura :

— Je… je suis désolée, Lila. Je n’ai pas été à la hauteur.

Lila baissa la tête.

— Ce n’est pas que toi. C’est nous tous. Mais il faut que ça change.

Elle sortit de la pièce, laissant derrière elle un poids, et peut-être, une première étincelle d’espoir.

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