à l'arrivé de la Tempête
En contrebas, la Ruine de la Kiolasse se tenait bravement. Quelques pans de murs formaient le dernier bastion d’une bâtisse passée. Comme des centaines de flèches, le vent envoyait violemment des volées de flocons de neige sur les gravats de pierre et rugissait furieusement à l’arrivée de la tempête.
Ozanne détaillait l’ancienne villa pour qu’aucun indice évident ne lui échappe. Le plafond n’avait supporté ni les années ni le poids de la neige écrasant les faibles murets. Les éboulis s’étaient amassés dans les couloirs, bloquant les portes et dévastant l’ancien jardin qui se dessinait derrière la maison de noble. Des objectifs bien précis se mettaient en place dans sa tête. Une légère angoisse commençait à lui nouer l’estomac. D’après, l’étude qu’elle avait soigneusement porté sur l’endroit, l’aventurière savait qu’elle aurait ses chances d’y récupérer quelques plantes médicinales survivantes à l’abri des statues écroulées. Une voix douce la fit sortir de sa contemplation.
– Magnifique, non ?
Ozanne se retourna vers un jeune homme, à mi-mesure entre rondouillet et musclé par un entraînement promptement interrompu. Habillé d’un pantalon beige au fil argenté et doré, une chemisette déboutonnée sur le haut et d’une veste de même couleur que son bas, Peio paraissait tout droit sorti d’un autre monde. En le voyant, Ozanne attacha fortement son manteau de cuir rembourré et remonta son écharpe de laine douce jusqu’à son nez, ne laissant que quelques mèches châtain s’échapper de ses épais habits. Étouffés dans sa couverture et fouettés par le vent, quelques mots sortirent de ses lèvres gercées :
– Ça devait l’être…
L’aventurière se retourna, concentrée, vers son sac de voyage. Méthodiquement, elle l’ouvrit et en sortit quelques objets de valeur qui lui serait bien utile dans les ruines. Elle aurait à escalader, se faufiler à travers les failles et encore d’autres efforts qui pourrait lui couter la vie...
Ses yeux bleu foncé se rivèrent sur un bref plan des lieux. Bien qu’elle n’ait jamais emprunté le chemin de ces ruines, elle visualisait les principales entrées et sorties du bâtiment, les pièces de vie, le jardin et les sous-sols des domestiques. Ozanne rangea soigneusement le morceau de parchemin dans une sacoche de cuir accrochée à sa ceinture.
Peio l’observait avec patience et une certaine curiosité. Ozanne s’adonna ensuite à la doublure du sac. Devant elle apparut toute une série d’objets invraisemblables. Son camarade n'en connaissait pas la moindre utilité. Après de longues minutes de réflexion, son choix fut résolument pris. Le froid mordant lui fouettait le visage et malgré ses gants, ses doigts souffraient de sa volonté d’attraper ses affaires : une pierre grisâtre, un morceau de bois bien droit, du tissu solide et une bouteille au reflet noirâtre. Elle les attacha solidement un à un, les coinçant entre les lanières de son manteau et sa taille. Elle hésita ensuite encore un peu devant des talismans aux motifs mystérieux, de vieilles images et quelques fioles, mais sa dernière prise se referma sur un poignard usé et une petite besace de peau. Sur ce dernier choix, Peio y laissa un petit trait d’esprit :
– Tu comptes faire des emplettes avec cette bourse ?
Ozanne ne se laissa pas déconcentrer et glissa solidement la lame entre son cabas et sa ceinture. Elle finit par accrocher le petit sac de cuir le long de ses hanches.
Elle referma la doublure du sac et se reporta à des objets plus communs, mais assez hors de contexte. Ses mains peinèrent à sortir un vieux filet de pêche dont elle jugea la solidité en tirant dessus. Des fils rudement serrés et tressés qui s’étendaient sur quelques mètres. Ozanne se remémora cette belle trouvaille. Cela lui redonna un peu d’espoir. Sans la moindre hésitation, la jeune fille s’enroula dans les mailles de celui-ci. Peio la regarda, médusé. Il lui fallut plusieurs tours pour que le filet ne lui traîne plus dans ses pieds. Cet outil se faisait lourd sur ses épaules, mais c’était le seul moyen de pouvoir le porter jusqu’aux ruines. Heureusement qu’elle s’en séparerait avant l’exploration.
La connaisseuse continua sa préparation en décrochant de l’avant de son sac une puissante lame ressemblant à un hachoir de boucherie en plus élancé. Jamais très loin de là, une pierre à affûter attendait qu’on l’utilise. A froid, il était inutile de frotter le rocher sur le tranchant, mais s’était comme un rituel d’avant exploration. Ozanne le faisait avec toutes ses armes comme pour se porter chance. Elle finit par accrocher son hachoir contre son corps grâce aux filets de pêche qui l’emprisonnait. L’arme était aisément accessible en cas de problème.
Son camarade la regardait, fasciné. Il lui sourit :
– On peut y aller ?
Ozanne fit non de la tête. Elle referma solidement son sac et se mit à creuser un trou dans la neige. Son corps se pliait face aux vents violents. Elle était pressée d’en être protégée par les parois de la bâtisse. Ozanne s’ébroua bruyamment pour enlever la poudreuse qui recouvrait son dos, avant d’enfuir son sac dans celle-ci. Elle reboucha son trou rapidement et planta au-dessus un bâton fièrement dressé arborant un drapeau malmené par les bourrasques. Un étendard flamboyant avec dessus un symbole de tête de mort et une croix sauvagement peinte en noirs.
Peio regarda les dessins avec quelque peu de crainte. Son amusement face aux préparatifs d’Ozanne s’était soudainement effacé sur son visage radieux. Sa camarade se leva solidement sur ses jeunes jambes ankylosées et but un peu de l’étrange breuvage sombre. Elle reboucha avec ardeur la bouteille et la replaça entre les morceaux de bois et le poignard.
– On peut y aller !
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