La Créature des Sous-Sols

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En s’approchant, elle remarqua que Peio chantait d’une douce voix.

– Tu ne pourrais pas te taire cinq minutes pour me laisser me concentrer, grogna la jeune fille.

Ozanne n’avait pas cœur à écouter la chansonnette de son camarade. Pour autant, Peio ne se découragea pas et maintenait vaillamment ses vocalises. La jeune fille se laissa glisser vers l’arbre mort pour observer et réfléchir un instant. Elle repoussait son entrée dans la cave. Son véritable but s’y trouvait, elle en était sûre, mais non moins rassurée.

Peio s’arrêta de chanter pour le bien des oreilles d’Ozanne et salua un public imaginaire. Le jeune homme la chercha dans le petit verger. Il la vit contre le tronc et se glissa silencieusement vers elle, son sourire n’ayant pas décidé de quitter ses lèvres.

– Désolé pour le dérangement, chuchota-t-il.

Ozanne ne répondit guère. Il ne désenchanta pas et décida de l’aider comme il le pouvait.

– Ce sont des pruniers très productifs, continua Peio à voix basse. Je ne sais pas quel genre de graine tu cherches, mais celui-ci doit en parsemer la terre tant les récoltes en font plier les branches.

La jeune fille reprit vite espoir et se remit à gratter la terre de plus belle, en oubliant la douleur et le froid qui lui assaillaient les mains. Au bout de durs efforts, de minuscules formes marron apparurent. Ozanne s’empressa d’en remplir le fond de sa besace. Elle ne savait pas à quoi servait le prunier, mais si ça pouvait lui être utile, elle s’en contenterait. Peio reprit, amusé, dans son dos :

– Les graines entrent dans la dormance lorsque les conditions météorologiques ne sont pas favorables. Ce phénomène pourrait bien les avoir maintenues en vie des années durant. Il leurfaudra par contre beaucoup de chaleur si tu veux les voir grandir.

Ozanne se releva et se campa solidement devant lui. Derrière son épaisse écharpe, elle devinait les yeux et la peau sombres légèrement dorés de son coéquipier. Elle émit quelques mots en sa direction :

– Merci pour l’aide. Il me faut maintenant rentrer dans la cave, poursuivit-elle. Je ne veux pas te voir traîner dans mes pattes. Compris ?

– Oui, chef ! rigola Peio.

– On se retrouve chez moi dans quelques jours.

– Bien entendu. Bonne chance, Ozanne.

Ils échangèrent des regards rapides d’au revoir et Ozanne partit en direction de la cave en espérant que ce ne soit pas un adieu de sa part.

Il lui fallait être efficace… non, irréprochable. Elle entra au milieu des gravats se confortant de l’absence de vent. Sur ses gardes, elle maintint les yeux grands ouverts, prêts à saisir les moindres détails de l’univers qui l’entourait. Elle pourrait peut-être subtiliser quelques objets de décorations pour les vendre au marché noir.

Les ruines semblaient si calmes, comme endormies. Ozanne craignait les événements à suivre. Les démons lui avaient déjà joué de nombreux tours et certains d’entre eux lui collaient encore à la peau. C’était les malédictions des aventuriers et chercheurs de trésors.

Elle se laissa glisser calmement entre les morceaux de plafonds et de murs, observant de la vaisselle de belle facture, des vases brisés ou des meubles fracturés en morceau de bois pourris. Au détour d’une imposante salle de réception qui avait rependu son lustre de cristal sur le sol, elle s’arrêta devant un trou béant. Son cœur se serra. L’entrée des sous-sols.

L’odeur qui se dégageait de la cave empestait les environs. Désormais, il n’y avait plus de doute quant au fait que le Hui se cachait dans les entrailles de la terre. Elle souffla et se libéra silencieusement du filet de pêche. Ozanne remarqua que ses mains tremblaient de peur. Elle avait de plus en plus de difficulté à calmer sa respiration et sentait son cœur bondir dans sa poitrine. La jeune fille s’ébroua en essayant de garder l’esprit clair. Elle l’avait déjà fait… plus d’une fois même. Il n’y avait aucune raison pour que cela se passe mal.

L’ingénue étira le filet de part et d’autre du gouffre béant essayant de la fixer solidement aux gravats. Lorsqu’elle fut satisfaite de son résultat, elle souffla une dernière fois l’air frais pour enfin se diriger vers les grottes pestilentes. Bientôt, elle fut avalée par la noirceur des lieux. Elle remonta son écharpe, enfonçant son nez dans la laine pour se protéger de l’odeur suffocante. Son plan se dessinait dans sa tête. Vu la taille du monstre, l’animal avait dû se cacher dans l’imposante cave à vin. Pour le moment, il fallait soigneusement éviter de se retrouver nez à museau avec lui. Ozanne se dirigea vers les cuisines et appartements des domestiques.

Sur la pointe des pieds, elle se glissa avec précautions dans la première salle, celle des fourneaux. Toutes ces pièces avaient été conservées et la pierre froide et lisse des fours s’imposait encore dans la salle. Encore une fois, elle s’imaginait le lieu grouillant de cuisiniers, préparant le repas pour des centaines de convives. Ozanne parcourut les cuisines remplies de plans de travail ou des aliments pourrissaient encore dans les vieilles casseroles de cuivres. L’exploratrice continua en arrivant dans les pièces communes des servants. Un antique fauteuil trônait encore fièrement au milieu de la pièce. Si elle n’était pas si pressée d’en finir avec cette histoire, elle aurait pris de son temps pour en tester son confort. Mais l’odeur ne s’estompait pas, non, elle empirait.

Après avoir traversé un dortoir, elle arriva dans une petite réserve. Sans jeter de regard autour d’elle, elle posa sa main sur la poignée de la porte d’en face. Sa poitrine se comprima d’un seul coup… mais la porte était résolument fermée. Un souffle d’épuisement s’échappa de ses lèvres laissant divaguer les effluves de la bête en elle. D’un soudain dégoût, elle laissa de côté sa nausée et son mal de tête. Ozanne sortit son couteau usé pour faire sauter sans mal le vieux verrou fragilisé par le froid et ouvrit pour de bon la porte vers la cave à vin.

Elle s’accroupit et se laissa glisser contre le sol. Une faible faille sur la voûte laissait dévoiler une belle salle de pierre grise. Contre les appartements des domestiques des bouteilles de vin pleines vieillissaient doucement. Sur le pan de mur en face, des tonneaux recouverts de poussière attendaient d’y écouler leurs alcools. Entre les deux, une immense créature y trouvait sa place...

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