La Villa de la Kiolasse

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 Pratiquement une journée après son excursion, Peio se retrouvait fiévreusement sur les sommets qui surplombaient la Kiolasse, une splendide villa surmontée sur de solides colonnes. La chaleur était suffocante et pas une seule brise de vent ne venait déranger la tranquillité du vignoble.

Le jeune homme souffrait énormément dans ce début d’après-midi. Le soleil dardait ardemment ses rayons sur ses tempes et la sueur avait bien détrempé sa chemise. Il l’avait déboutonné de sortes à dévoiler son torse et les quelques poils qui trônaient dessus.

Quatre heures de marches face à une à cheval pour atteindre la ville de la Kiolasse…

Les rumeurs avaient vite circulé dans la cité et il avait été impossible de profiter ne serait-ce que d’un âne tant qu’il n’avait pas retrouvé la jument qu’il avait emprunté la veille. Ainsi l’excursion chez les Horla lui valait une pierre, deux coups. Peio devait également s’excuser auprès de cette noble famille pour leur avoir fait défaut lors de leurs dégustations.

Le jeune homme reprit doucement son souffle et s’empressa de dévaler la pente pour profiter de la fraîcheur et de l’ombre de la bâtisse. Peio était nerveux, son regard divaguait parfois vers les faibles montagnes derrière lui, puis se détournait pour fixer les beaux étendards des Horla, fièrement accrochés aux murs de pierre blanche de la villa.

De fines gravures se dessinaient tout autour de la bâtisse. Celle-ci s’élevait sur trois vastes étages qui surplombaient les douces plaines du vignoble.

Arrivé sur les lieux, il franchit les portes grandes ouvertes de la demeure ou seuls de fins châles colorés gardaient les entrées. L’intérieur était aussi impressionnant que l’extérieur. Des serviteurs s’adonnaient à nettoyer de fond en comble les mobiliers en bois de vigne, les vases onéreux et à épousseter certains tableaux et sculptures qui prenaient leurs aises sous les hauts plafonds. Peio se sentit soudainement ridicule sous la luxueuse décoration des Horla. Il reboutonna rapidement sa chemise lorsqu'un homme d'imposante taille et au visage sérieux, traits tirés par les années, se présenta à lui :

– La Kiolasse ferme ses portes pour aujourd’hui, Monsieur. Veuillez repasser dans une semaine pour participer aux dégustations des nouveaux vins.

– Je ne fais que passer ! s’enthousiasma Peio pour cacher sa nervosité. Je voudrais m’excuser auprès de la famille des Horla pour mon comportement de la veille.

– Ah oui, c’est vous qui êtes tombé inconscient. Veuillez attendre un peu dans le jardin, je vais prévenir Monseigneur Aloïs.

Le majordome s’éloigna, laissant Peio au milieu de la frénésie ménagère des domestiques. Épuisé, il traîna ses pieds dans les salles de réception jusqu’à déboucher sur le jardin. Au premier de ses pas sur les graviers, la scène de la veille refit surface. Que devenait Ozanne ? Parallèlement au lointain souvenir de Peio, des serviteurs s’activaient à désherber les parterres de fleurs et élaguer les pruniers qui croulaient sous leurs productions. Peio se dirigea vers la rotonde pour observer le paysage et s’accorder un peu d’ombre. Il balaya les vignes du regard observant des hommes et chevaux travaillant durement sous le soleil à la récolte du raisin. Il finit par s’asseoir sur l’élégant banc pour souffler quelques instants. Ses muscles endoloris se reposèrent après sa longue et pénible balade matinale.

Il fut sur le point de s’endormir lorsque Aloïs, le deuxième fils des Horla se présenta devant lui. Son visage ne semblait guère accueillant. Peio le détailla un instant : un homme d’une trentaine d’années, les tempes grisonnantes, des lunettes rondes posées sur le nez et quelques parchemins sous son bras. Celui-ci regarda les vignes avec insistance et se reporta sur Peio :

– Je suis très occupé, alors je vous demanderai de faire vite !

Peio se releva, salua l’homme avec soin et commença à répéter les paroles qu’il avait inscrit dans sa tête durant les heures de marche :

– Monseigneur Horla, je suis venue pour m’excuser de mon comportement de la veille. Cela était très déplacé de ma part.

– J’ai entendu parler de votre cas, bredouilla-t-il désintéressé. Ma mère était très mécontente de cette affaire, elle vous a sûrement envoyé une solde à payer…

– Justement en parlant de l’argent, enchaîne Peio. Je pensais qu’en venant en personne, vous pourriez me réduire le prix…

Aloïs réfléchit un instant :

– Ce n’est pas vraiment mon problème… Vous pouvez travailler dans les vignes, si vous manquez de sous.

Le jeune homme prit sur lui pour cacher sa grimace. Le travail physique n’était pas son atout principal et s’épuiser sous le cagnard ne l’emballait pas vraiment. Mais avait-il le choix ?

– Quelles sont les conditions du contrat ?

– Eh bien… son regard scruta Peio d’un air amusé. Ne pas tomber dans les vapes durant les journées de travail. Je donne 20 pièces par jour, si le chef des vignes me confirme que l’employé est efficace. Il est conseillé d’avoir une monture robuste.

Peio se sentait épuisé avant même de commencer le labeur. Il mima une fausse motivation pour se montrer crédible :

– C’est justement ce que je m’apprêtais à vous demander. J’ai dû laisser ma jument dans les collines.

- C’est la vôtre ? s’étonna Aloïs. Nous l’avons découverte ce matin en pensant qu’elle appartenait à des espions. Pourquoi l’avoir attelé aussi loin d’ici ? La pauvre bête était assoiffée. Nous l’avons amené pour qu’elle se repose dans les écuries.

Peio se sentit gêné. En plus, de le prendre pour un incapable, Aloïs commençait à le soupçonner d’être un espion. Le gérant des vignes jeta un regard vers le contrebas :

– Je ne pensais pas vraiment à cela lorsque je pensais à une monture robuste. Vous devriez la laisser se reposer pour aujourd’hui et la laisser chez nous les prochains jours. La chaleur risque de perdurer et votre animal n’est pas des plus résistants…

Son air gêné venait de conforter le jeune homme qu’Aloïs Horla le croyait davantage peu réfléchit qu’espion de la concurrence. Peio accepta le travail de cueilleurs et finit le reste de sa journée dans les vignes sous le soleil tyrannique, les mains griffées par les branches et le dos fracassé a force s’agenouiller pour ramasser les récoltes.

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