Le Théâtre
#Version 3 du chapitre !
Plusieurs jours passèrent dans une routine de travail. Peio sentait ses muscles endoloris lorsqu’il rejoignit le chef des vignes avec les autres travailleurs. Il travaillait peu efficacement et sa monture peinait à tenir les journées de labeur. Sa paye fut largement réduite à cinq pièces par jour à la place de vingt. Le jeune homme se sentait démotivé et sa monture de théâtre traînait des sabots, elle aussi.
Ils rentrèrent ensemble d’un pas las. Le chemin qui menait à Biloaï, la ville natale de Peio, était irrégulier. Une légère chaîne de montagnes contournait la cité. Celle-ci prenait place au creux d’un cirque rocheux. En menant sa monture dans les collines, un panorama de Biloaï se dévoila à lui. Au loin, les arbres recouvraient de feuilles émeraude les façades des maisons, le théâtre s’imposait de ses colonnes de pierre beige sur la ville, et la population vivotait autour à l’arrivée de la lune.
Le jeune homme se pinça les lèvres, tout en fermant les yeux un instant. C’était une soirée de fête et le Théâtre ouvrait ses portes pour le festival. Il les rouvrit en regardant l’état de sa monture qui dérapait aux moindres petits cailloux. Sa jument avait une représentation le soir même.
Tout en gardant son calme, il sinua dans les rues étroites de la ville, jusqu’à la grande place qui entourait l’immense bâtiment antique. Ses yeux longèrent la façade de colonnes. Peio contourna l’entrée principale ou des tas de spectateurs attendaient pour prendre place dans l’arène. Il trouva ainsi l’entrée pour les écuries où sa sœur faisait les cent pas. Alida se rua vers lui :
- Où étais-tu passé ?
À peine posa-t-il le pied sur le sol que sa sœur reprit les rennes et inspecta la jument, des sabots jusqu’aux oreilles..
- Elle a l’œil creux ! Elle meurt de soif ! s’emporta-t-elle en la menant vers les vasques de carrelage remplies d’eau.
Peio s’allongea dans la paille fraîche. Ses paupières se faisaient lourdes. La voix d’Alida le réveilla un peu :
- Peio, lave-toi et habille-toi correctement ! Père est présent, ce soir. Ainsi que les plus grands investisseurs de sa campagne politique.
- Liosan Ferl ? s’étonna Peio en se relevant brusquement.
- Non, mais sa fille Léotnine, oui !
Peio se replongea dans la paille comme s’il voulait disparaître dessous. Alida regarda son frère avec une certaine pitié.
- Aloïs Horla sera là. Je pense que te présenter à coté de Père te permettra de lui faire oublier tes dettes, dit-elle d’un ton las
Peio ne bougea pas. À quoi cela servait ? Aloïs prenait comme coupable son père et ses partisans du feu qui avait saccagé une partie de ses vignes. Il ne lâcherait pas une telle opportunité.
- Tous ces gens ne m’intéressent pas Alida…, répondit simplement Peio.
Elle finit de brosser le pelage de la jument qui reprit une teinte blanche et des yeux un plus vifs. Le brouhaha des spectateurs la rendait nerveuse. Même une journée de soleil sur son encolure ne pouvait lui retirer la fougue de parcourir le sable de l’arène. Alida prit une fine cigarette et invita Peio à la suivre. Sa sœur prit les rênes de la jument et à trois, ils arrivèrent dans les coulisses où quelques gladiateurs se battait à l’aide de bâton, faisant suer leurs corps musclés.
Ils s’arrêtèrent non loin de la porte qui parmettait d'accéder au public. La tension montait. Alida alluma sa cigarette et en confia une à Peio. Elle harnacha rapidement la jument qui battait des sabots contre le sol.
Le jeune homme connaissait le théâtre comme sa poche. C’était son foyer. Les écuries, les comédiens, les livres qui se cachaient dans la bibliothèque au histoires plus grandiose les unes que les autres et les coulisses. Ce lieu de tension, le moment où les spectateurs ressentent l’excitation des artistes à travers les épais plafonds en voûte.
Peio commença à escalader un pan de mur pour atteindre un petit trou qui donnait sur l’arène. Il y voyait la foule qui envahissait les sièges de pierre. Sa sœur finit d’équiper la jument d’un tapis coloré et le tendit à son cavalier d’un soir. Elle le rejoignit en inspirant un peu de sa cigarette.
- Qu’y a-t-il dans les loges de nobles ? lui demanda-t-elle.
Peio regarda attentivement.
- Ceux qui doivent être présent.
Le jeune homme vit son employeur : Aloïs en compagnie de sa mère qui lui avait imposé la dette à payer. Il repéra sans mal la carrure impressionnante de son père et la dizaine de vautours qui lui serraient la main. Son regard s’arrêta sur une jolie femme blonde aux yeux émeraude. Un douloureux pincement au cœur le paralysa un instant. Il n’avait pas parlé à Léontine Ferl depuis qu’il avait rencontré Ozanne.
- Laisse-moi la place ! s’exclama Alida d’un ton enfantin.
Peio se poussa légèrement pour laisser sa sœur regarder par le petit trou.
- Aloïs n’est pas près de serrer la main à Père ! dit-elle d’un ton amusé. La mère Horla lui lance des regards foudroyants. Penses-tu vraiment que Père aurait brûlé les vignes pour faire taire ses élans politiques ?
Le jeune homme haussa des épaules :
- Il ne se cache pas d’être contre ses avis, mais le temps est si sec que les branches des vignes se cassent facilement. L’incendie a pu être provoqué accidentellement.
Il porta sa cigarette à ses lèvres. Une voix sévère les coupa dans leurs moments de complicité :
- Descendez tout de suite ! Qu’est-ce qui vous prend de fumer, ainsi.
Alida et Peio se regardèrent avec une lueur malicieuse alors que leur mère s’époumonait à en faire trembler les coulisses. Ils descendirent et attendirent que les cris se calment et que les cigarettes s'éteignent.
Peu de temps après, les portes s’ouvrirent et sa jument de travail se transforma en vraie furie. Elle s’élança dans l’arène dans un galop incontrôlable et bondit alors que deux assaillants lui tendaient des lances non affûtées.
- Pourrais-je la reprendre demain ? demanda Peio, impressionné.
Sa mère le fusilla du regard.
- Il en est hors de question ! Cette jument a besoin de repos.
Peio regarda sa sœur qui lui sourit d’un air complice. Épuisé, il s’éclipsa pour rejoindre son lit.
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