Le Manoir de Liosan Ferl
Au milieu des vignes, Peio se consacrait à la cueillette du raisins depuis déjà six jours. Le soleil de la fin d’été le dominait alors que, courbé, il tentait d’attraper une grappe non loin du sol. Les journées n’étaient pas des plus reposantes. Le salaire n'avait pas augmentait et il sentait les yeux d’Aloïs Horla le suivre de sa rotonde. Les échos de son père avaient dû le dépasser. Le jeune homme aurait voulu se fondre dans les travailleurs, mais le vigneron se méfiait de lui, comme s’il était un espion.
Mais Peio n’y faisait pas attention. Les longues heures dans les vignes lui permettaient de réfléchir quant au moyen d’entrer dans la maison du banquier. Son esprit vagabondait dans son passé.
Le banquier aurait été son futur beau-père si Peio avait continué de fréquenter sa fille. Cet homme était déconcertant ; amusant et décontracté dans sa vie privée ; brutal dans les affaires. Ce bourreau du travail était nommé Liosan Ferl et avait des parts dans toutes les banques de la ville. Pour se retrouver dans cet univers, Peio avait subi les projets de son propre père, qui était par ailleurs un grand ami de Monsieur Ferl. Durant de longs repas, le jeune homme avait fait connaissance avec sa dernière fille : Léontine. Voyant des affinités se créer entre ses deux jeunes gens, son géniteur avait un peu forcé les choses et ils s’étaient retrouvés concubins très rapidement.
Mais le destin avait choisi une autre voie pour eux. Depuis sa rencontre avec Baltazar et Ozanne, Peio avait coupé les ponts avec cette famille nuisible à sa propre vie.
La maison des Ferl était un manoir de six étages aux couleurs chatoyantes. Personne ne pouvait passer dans la rue sans y lancer un coup d’œil d’étonnement. Liosan aimait voyager et il appréciait rapporter des curiosités des contrées lointaines, que ce soit en termes de décorations ou d’architecture. Pour y être déjà allé plusieurs fois, Peio savait que c’était un incroyable musée consacré à l’histoire et aux cultures. Le jeune historien connaissait aussi les entrées les plus discrètes du manoir, ce qui allait lui faciliter la tâche. Il pensait particulièrement à la fenêtre de Léontine qui avait la mauvaise habitude de rester ouverte les soirs de fête.
La nuit tombée, Peio rentra avec sa jument. Il l’avait récupérée juste après sa représentation. Maroanne avait d’ailleurs accompli quelques prouesses dans un combat de gladiateurs théâtral. Si elle pouvait en faire de même pour accélérer dans les montées, cela lui aurait facilité le trajet. Mais les coups de cravache la faisait davantage se cabrer que la mettre au petit trot.
Dans les rues de la ville, il la déposa devant le Théâtre ou sa sœur la récupéra discrètement et d’un mauvais œil, puis Peio partit dans les avenues étroites pour mettre au point son plan. Depuis quelques soirs, le jeune homme attendait le bon moment pour agir. Cette nuit-là fut celle attendue.
Une fois devant le manoir de Liosan, Peio observa attentivement la façade est de la maison. La fenêtre de la chambre de Léontine s’ouvrait sur l’extérieur pour amener un peu de fraîcheur dans le manoir. Pourtant aucune lumière n’illuminait la pièce.
Le plus discrètement possible, il se glissa le long des murs. De multitudes de petites mosaïques se reflétaient dans la nuit. Peio avait ses habitudes. Parfois, Liosan interdisait Léontine de sortie et Peio se devait d’escalader la façade pour la retrouver. Il enleva ses chaussures. Cela permettait à ses orteils de trouver appui entre les joints des carrelages.
Ses mains entamèrent la montée. Les courbatures des derniers jours le faisaient souffrir. Pour autant, il se sentait plus agile qu’autrefois. Son entraînement portait ses fruits. Peio se hissa avec habilité jusqu’au premier étage et enchaîna avec la même détermination pour atteindre le second.
Il se souvint qu’à l’époque, Léontine le regardait depuis sa fenêtre, se moquant de lui et riant de son manque de flexibilité. Il fallait dire qu’il avait aussi perdu quelques kilos depuis ces derniers mois. Cela lui facilitait la tâche.
Néanmoins, lorsqu’il arriva entre le deuxième et troisième étage, il commença à souffler d’épuisement. Entre l’effort et la peur de tomber, les battements de son cœur s’accélérèrent. Peio contracta ses muscles endoloris, faisant appel à ses dernières forces pour terminer la montée.
Lorsque ses doigts s’accrochèrent sur le rebord se fenêtre, il se hissa pour entrer dans la sombre pièce.
Il traversa la chambre pour ouvrir la porte à l’opposé et sortie sur un long couloir orné de tableaux, de sculptures et d’objets en tout genre.
La chasse aux trésors et aux souvenirs était ouverte.
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