Le Musée des Esprits

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Le musée était organisé de manière bien précise. Un long couloir retraçait l’histoire de leurs pays. On pouvait y observer des couronnes d’empereur, des traités de paix, d’autres annonçant des guerres meurtrières. Dans l’ensemble, Peio en connaissait les détails. Au bout de ce couloir se tenait une petite porte peinte d’un bleu azur.

Derrière se trouvait la pièce centrale, une salle ovale qui comportait des portes de multiples couleurs. L’endroit était finalement assez dénué de reliques. Pourtant, c’était précisément ici qu’il avait rencontré Ozanne et Baltazar.

Ce dernier s’était posté contre une imposante armoire de bois. Ozanne, elle, était tombée d’effroi. La jeune fille n’avait pas osé lui raconter comment, elle savait reconnaître les démons aux premiers coups d’œil. Pour Peio, il lui avait simplement semblé qu’il pouvait s’agir d’un invité curieux de découvrir les secrets du banquier.

Les souvenirs de Peio lui revenaient doucement dans sa mémoire.

Dans l’ordre des événements, Peio fouinait et Ozanne traquait. C’est comme cela que les deux aventuriers s’étaient rencontrés.

Furetant contre la volonté de son beau-père, le jeune historien avait malencontreusement réveillé une vieille entité maléfique, surnommée Baltazar.

D’après ce qu’Ozanne lui avait raconté, la jeune fille cherchait quelques objets sans valeur à revendre sur le marché noir. Dans la dimension d’Ozanne, la ville où était né Peio était un véritable champ de ruines. Certains quartiers étaient infréquentables de peur de réveiller un démon depuis longtemps assoupi et qui pourrait mettre en péril le monde des Hommes. Ozanne en connaissait les conséquences et les lieux qu’elles fouillaient depuis quelques heures étaient jugés sans trop de danger dû aux entités démoniaques.

Pourtant, Baltazar ne se cachait pas très loin et comme par un sombre hasard, les deux égarés avaient été reliés contre leur volonté.

Ozanne avait rassuré Peio. Ce démon n’était pas bien puissant. La jeune fille lui avait raconté que certains rendaient les hommes fous, les poussant à tuer leurs familles, ravager leurs villages et se tuer eux mêmes. Tout cela donnait à Peio des frissons le long de son corps. Pour autant, cette entité était insaisissable et une fois qu’elle avait posé la main sur eux, sa malédiction était comme une ombre qui ne lâchait plus.

Ni attirant ni repoussant, il ressemblait à un homme. De petite taille, cheveux noirs ébouriffés et teint pâle. Il n’était pas non plus très impressionnant. Pour autant, un air futé et manipulateur lui recouvrait le visage, toujours avec un rictus sur le coin des lèvres et un air de malice dans le regard.

Le démon leur avait fait un beau et long discours ne leur expliquant au final pas grand-chose. Ils étaient liés par son soi-disant « fil de la vie » qui leur permettait de se voir, mais pas de se toucher. Toujours de ses mots, il les avait prévenus que leurs réalités pouvaient se superposer ce qui rendait la dissociation entre le réel et l’imaginaire compliquée. Peio en avait goûté les frais avec le Hui d’Ozanne. La peur l’avait fait perdre pied, mais à son réveil, il savait que le danger n’était pas réel, que finalement ce n’était qu’un mirage.

Pour finir, Baltazar s’était adressé à lui seul à seul. Il lui avait fortement conseillé de s’éloigner de Liosan Ferl, car il le manipulait. Le banquier avait deux intérêts à l’utiliser. Dans un premier temps, Liosan se servait de ses connaissances en histoires pour retrouver des objets susceptibles de faire apparaître des démons et d’augmenter sa puissance.

Ozanne lui avait confirmé après que certains Hommes ne pensaient qu’au pouvoir et qu’il pouvait aisément passer des pactes avec des démons pour bénéficier miraculeusement de plus de puissance économique, commerciale ou même politique. Après tant d’années en tant que gendre de Monsieur Ferl, Peio connaissait la soif de pouvoir de son beau-père et son envie d’obtenir un rang gradé dans la politique au côté du père du jeune homme. Les dires de Baltazar se faisaient aussi fugaces que lui, mais avaient eu pour intérêt de confirmer les doutes de Peio.

Après les aveux, Baltazar avait disparu sans leur expliquer véritablement pourquoi il les avait liés.

Cela faisait bientôt deux mois qu’ils étaient sans nouvelle du démon et maintenant qu’ils commençaient à comprendre l’envergure de leurs découvertes, il devenait des plus urgent de le retrouver.

C’est pourquoi Peio espérait le découvrir là où ils s’étaient rencontrés. L’historien avait été perturbé par les dires de Baltazar. Celui-ci savait parfaitement que durant certaines nuits, Peio se baladait dans les collections, étudiant des objets sans connaître leurs utilités. Il était également au courant que son beau-père lui interdisait formellement de fouiner dedans alors qu’il passait son temps à lui poser des questions sur l’Histoire du monde. Un échange qui finalement n’allait que dans un sens. Du moins, c’est ce qu’aurait voulu Liosan.

Peio chercha pendant une heure. Se retrouvant bredouille, il se résolut à croire que Baltazar était parti quelque part ailleurs. Peio se retourna vers les autres portes. Il essaya de les ouvrir une par une, mais elles semblaient toute fermées. Une habitude de Liosan lorsqu’il partait en voyage. Peio commença à souffler d’abandon. De toute façon, l’historien savait que derrière ses passages se trouvaient des reliques d’autres contrées, aussi passionnantes que mystérieuses. Mais après les avoir arpentés durant des années, il n’avait jamais trouvé d’être malveillant sous l’un de ses précieux objets.

Dans la pénombre de la pièce, Peio discernait quelques objets communs : une boussole en or, une montre à gousset, un sombre grimoire ou encore un couteau au manche gravé de serpents. Il s’attarda devant chaque objet pour essayer de réveiller à nouveau leur démon volatil.

Peio allait repartir de là où il était arrivé lorsque des bruits de pas se firent entendre derrière la porte. Il chercha dans la panique une cachette. D’abord, il essaya d’ouvrir l’armoire, résolument fermée à clé. Le jeune homme se contorsionna alors pour se cacher sous une commode haute sur pieds. Son cœur battait à toute allure. Il fallait absolument le calmer pour qu’il puisse retrouver sa respiration normale, sinon il serait repéré à la seconde où ils entreraient. Prenant sur lui, Peio arrêta de respirer et deux ombres entrèrent dans la pièce.

– Dépêchons-nous. Nous sommes déjà assez en retard. Je ne veux pas que les enchères commencent avant que nous arrivions.

La voix féminine qui s’était propagée furieusement de la pièce était celle d’une servante de la famille Ferl. Peio se souvenait d’elle. Son regard dur le toisait lorsqu’elle servait les repas. L’autre personne grogna doucement pour montrer son mécontentement. C’était aussi un domestique. Celui-là, Peio avait moins l’habitude de le croiser. Il lui semblait qu’il était valet pour l’un des fils de Liosan.

Les paires de chaussures se dirigèrent vers la fameuse armoire, celle fermée et que Baltazar avait utilisé pour s’adosser dessus.

Des bruits de clé tintèrent et les serviteurs l’ouvrirent. Sans échanger la moindre parole, Peio les vit revêtir une cape qui leur arrivait jusqu’aux mollets. Le jeune homme les entendit saisir quelques objets qu’il ne pouvait voir. La servante tapa des pieds d’impatience :

– Allons-y maintenant !

Ils repartirent rapidement en reprenant la porte bleue, ce qui rassura Peio. Il relâcha sa respiration qu’il avait mue en l’espace de deux minutes. Il suffoqua un moment jusqu'a ce que ses poumons se remplissent d'air doucement. Le jeune homme devait vite reprendre ses esprits. Il se releva rapidement.

Il n’avait pas encore trouvé Baltazar, mais avait peut-être une chance de comprendre les méfaits de Liosan Ferl.

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