Alter Semita 

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Des bourdonnements résonnaient dans la tête de Peio. Après des heures et des heures de discussions hostiles avec son père, le jeune homme avait eu le droit d’accéder à un lit douillet qu’il avait quitté trop tôt à son goût. Mais il fallait qu’il s’entretienne avec Ozanne, au plus vite.

Le vieux moulin abandonné tournait doucement avec le courant de la rivière. Peio accrocha les rennes de sa jument à un arbre non loin et il frappa doucement sur la porte. Il entra aussitôt et vit les yeux d’Ozanne se tourner vers lui avec peur.

En le voyant, elle baissa sa garde et s’avachit sur un des deux fauteuils qui se trouvaient devant la cheminée allumée. Peio ouvrit les fenêtres et s’assit à son tour en face d’elle, plongeant son regard dans les braises. Après un moment de silence reposant, Peio remarqua une absence :

- Sig n’est pas là ?

Ozanne porta sur lui un regard empli de fatigue.

- Non, il fait la tête depuis quelques jours.

- Pourquoi ? s’enquit-il

- C’est une longue histoire, hésita la jeune aventurière. Pour le résumé, je vais me reporter à un traité que nous avons établi : tout ce qui est anormal est lié à une présence démoniaque…

Peio esquissa un sourire de compassion :

- Une vente aux enchères secrète organisée par un père et sa fille, proposant des objets terrifiants achetés par des hommes portant des capes et des masques, est-il considéré comme anormal ?

L’humour de Peio calma la jeune fille :

- Par rapport à un arbre qui pousse en une semaine et deux jours, je trouve que ton cas est moins étrange que le mien…

- Je te l’accorde, plaisanta Peio. Mais je vais y ajouter trois éléments : des serviteurs de Liosan Ferl déguisé en acheteur, Baltazar qui surgit et disparaît en l’espace de cinq minutes et mon employeur Aloïs Horla, qui semble s’y connaître en démon.

Ozanne ne connaissait pas grand-chose du monde de Peio. De ce qu’elle avait entendu, les démons n’étaient pas monnaie courante.

- Qu’a dit Baltazar ?

- Que les objets vendus à cette soirée d’enchères étaient de la camelote, répondit Peio d’une voix déprimée. Mais j’ai eu un peu de temps pour réfléchir ces derniers temps et j’ai peut-être compris certaines choses très inquiétantes. Je crois que les domestiques agissaient au nom de Liosan et que ce dernier recherchait des objets renfermant des démons, un peu comme les livres dans ta dimension. Or Baltazar m’a dit qu’il n’y avait rien dedans et que mon futur beau-père faisait fausse route. Cela collerait avec les questions qu’il me posait sur les reliques d’époque ancienne. Qui dit pouvoir, dit démon. Justement, Monsieur Ferl ne me posait des questions que sur des objets de puissance. C’est Aloïs Horla qui m’a mis permit d’émettre cette hypothèse. Mais pour ce dernier, mystère total. Connaît-il des démons ? Je ne sais pas si je connaîtrais un jour la réponse.

Ozanne écoutait d’une oreille attentive tout en mettant une bûche dans la cheminée.

- Ces histoires de démon ne sont pas très intéressantes, si tu veux savoir mon avis.

Peio fut étonné de cette réponse :

- Ce n’est pas toi qui m’as dit qu’ils étaient dangereux. Regarde l’état de ton monde…

Ces dernières paroles enflammèrent les pupilles d’Ozanne. Son coéquipier se rattrapa :

- Ce que je veux dire, c’est que je crains qu’il n’arrive quelque chose à mon entourage. Mon père est très proche de Liosan, du moins de l’argent de Liosan Ferl. Si celui-ci réussit à faire apparaître un démon incontrôlable, nous serions tous en danger…

- C’est justement pour ça que Baltazar t’a demandé de t’éloigner de cette famille…, commenta Ozanne.

Elle enleva des bandages qui lui recouvraient les bras pour lui présenter les marques rouges de la démone. Peio écarquilla les yeux. Il n’était pas le seul à avoir passé une mauvaise semaine.

- C’est ton histoire d’arbre ?

Elle acquiesça doucement et regarda Peio dans les yeux :

- Éloigne-toi des démons et de toutes les choses anormales. Un pacte n’est pas un jeu. L’entité que j’ai vu dans le Sanctuaire m’a ordonné de lui rapporter des graines. Je suis obligée de le faire. Elle me poursuivra. Je ne suis en sécurité nulle part dans les plaines glacées…

Peio se sentait de moins en moins à l’aise. D’une petite voix, il proposa son plan :

- Tu pourrais fuir…

- Où ? s’interrogea l’aventurière surprise.

- Tu m’as dit qu’il y avait une ville au Sud, non ?

- Oui, mais je ne peux pas y accéder.

- Pourquoi ? s’étonna Peio

- Parce que seules des personnes riches et non porteuses de malédictions peuvent y entrer. Les autres errent dans les plaines. Je ne suis pas aisée et je porte en tout deux malédictions désormais. Je ne rentrerais jamais et ce n’est pas faute d’avoir essayé.

- Ça ne me paraît pas très équitable…

- Cela fonctionne ainsi dans MON monde, insista-t-elle avec un certain mépris.

Le jeune Historien réfléchit un instant.

- Peut-être qu’il y a d’autres entrées !

- Impossible…

- Impossible pour quelqu’un qui ne posséderait pas les plans. De par chez moi, la capitale est simple d’accès. Il existe sûrement une entrée que personne ne connaît dans ton monde. Si je réussis à la trouver, ton démon ne pourra te rejoindre derrière les murailles. On peut essayer, à part si tu préfères devenir jardinière pour de bon. Si la ville, accueille les non-porteurs de malédiction, elle peut t'aider, non ? se demanda-t-il

Ozanne ferma les yeux. Son cauchemar lui revint en tête comme un coup de fouet :

- Ça pourrait fonctionner.

Elle se leva et regarda la grande carte qu’elle avait placardée contre un mur.

- Il y a une colline juste avant la ville, ajouta la jeune fille. On peut s’y retrouver dans deux semaines.

Peio regarda les plans d’Ozanne en grimaçant :

- Je ne sais pas si elle existe. Cela doit être une île dans mon monde, pas une colline.

La jeune fille le fixa du regard.

- Je ne peux ni avant ni après dans mon voyage. C’est le seul moyen que nous avons pour nous retrouver.

Peio se tourna vers elle avec assurance :

- Et j’y serai dans deux semaines.

#Note de l'auteure

Ce chapitre-ci à été légerement modifié pour expliquer la malédiction d'Ozanne. Est-ce assez explicite (comprehensible, du moins) ? ^^

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