Traquer !

6 minutes de lecture

Peio avait forcé sa bourrique de jument à rejoindre le haut du groupe. Celle-ci haletait difficilement sous le soleil puissant. D’un petit trot traînant, elle était arrivée jusqu'au guide en une heure. Il lui avait fallu faire des pauses sans pour autant ralentir. En entendant la pauvre bête soufflait d'épuisement par ses narines. Le guide se retourna et les observa d’un œil amusé :

- Ne la forcez pas trop, jeune homme. Votre monture n’est pas une bête de course.

Peio sourit en se disant que lui non plus ne devait pas avoir l’air des plus sportif. L’air chaud et pesant lui collait à la peau. Passant sa main dans ses cheveux trempés, l’historien commença la discussion :

- L’air est lourd. Cela sent l’orage !

Quoi de mieux que quelques mots sur la météo pour entamer une discussion. Son guide acquiesça :

- Oui, je dirais d’ici deux jours et la pluie ne s’arrêtera pas de tomber pendant plusieurs jours. Les plantes vont aimer, la coque de notre bateau, un peu moins.

Peio avait le mal de mer… Il cacha sa déception.

- Dans combien de temps serons-nous au port de Jera ?

- Demain. Je pense que l’on passera la nuit à cheval, dit-il tout en regardant d’un œil soucieux l’animal épuisé du jeune homme. Nous nous reposerons sur le navire en attendant le groupe parti dans les montagnes.

- Quel groupe ? s’enquit Peio.

Le guide se retourna avec contrariété :

- Celui de Mademoiselle Léontine. Votre père m’a engagé pour préparer vos fiançailles. Il m’avait prévenu de vos écarts, mais j’espérais que vous soyez un peu plus au courant des choses, tout de même !

- Excusez-moi…

Peio lâcha les rênes de sa jument qui en profita pour ralentir et reprendre sa douce cadence. Le jeune homme aurait voulu tenter d’en savoir un peu plus sur les entrées de la capitale auprès de son guide. Il lui faudrait attendre encore un peu, le temps qu'ils entretiennent de meilleurs dicussions avec ce dernier…

***

Non loin, de l’escorte de Léontine Ferl, Ozanne se glissait avec difficulté le long d’une fine paroi. Le précipice lui en donnait des vertiges, mais ses yeux fixaient les rochers où elle était accrochée. Sig était non loin. Il devait la contourner.

Se séparer lui avait été la meilleure option. Son animal serait plus rapide sans elle et Ozanne pouvait suivre des passages plus sûrs. Avec les plans de son frère, elle ne comptait plus éviter les gardes, mais se faire passer pour l’un d’eux. Son objectif serait de trouver une guerrière de sa taille, de la neutraliser discrètement et de se faire passer pour elle.

Encore de l'action. Elle qui récemment voulait une vie plus tranquille...

Son cœur compressait sa poitrine en repensant à ses derniers échanges armés. Tout son plan s’était déroulé comme convenu à l’exception de la corne brisée de Sig. Mais poignarder son frère avait été l’événement le plus difficile de sa vie dans le froid des plaines. Alors que la lame transperçait sa chair, elle avait vu les yeux abasourdis de son frère. Les bons moments passés étant enfant s’était bousculés dans sa tête, jusqu’à ce que les larmes parcourent ses joues et qu’elle ne soit plus capable de continuer. La fin aurait voulu de le tuer pour se débarrasser d’un lieutenant de la milice. Il aurait ainsi gît dans son sang en attendant de lâcher son dernier souffle seul dans la montagne. Mais elle avait pensé à sa mère qui les avait élevés, à l’avant et à ce qui pourrait se passer dans l’après, si Peio lui permettait d’accéder à une entrée de la cité. Les trois sons de cor, celui du danger, lui avaient supprimé l’immense avance qu’elle aurait pu avoir si la milice avait découvert le corps quelques jours plus tard. Mais le petit espoir du « comme avant » avait bourgeonné en elle. Ozanne voulait qu’il reste en vie et elle s’adapterait à ses poursuivants !

Revenant à la réalité, elle entendit des sons de voix résonner à l’autre bout de la passerelle de pierre. Elle écouta leur timbre jusqu’à ce qu’une voix féminine ricochât contre la falaise. Une potentielle proie…

La jeune fille se tenta à l’escalade. Ses blessures lui causaient encore des douleurs sans précédent. Heureusement que les plantes apaisaient son mal. Ses mains s’accrochèrent solidement aux parois glissantes jusqu’à se trouver assez haut pour qu’ils ne puissent pas la voir.

Avec une certaine souplesse, trois miliciens se collaient à leurs tours sur la paroi. Il avançait avec habilité sur la corniche. Ozanne avait encore une fois, prudemment réfléchi à la manière de se débarrasser de ses gardes. Ce passage avait fait l’objet d’une étude approfondie de sa part. Dommage qu’on lui ait retiré ses armes. Ne lui restaient plus que les poignards et l’épée un peu trop lourde de son frère. Elle avait laissé cette dernière sur Sig, accrochée par des cordes autours de l’animal comme la selle avait, elle aussi, été réquisitionnée.

Dans sa besace se trouvaient des gravillons ramassés un peu avant. Elle en prit quelques-uns qu’elle fit tomber sur la corniche. Les gardes regardèrent les petits cailloux atterrissant non loin puis se jeter dans le précipice. La distraction ne fut pas assez longue pour que le plan d'Ozanne ne fonctionne parfaitement. La patrouille releva la tête et vit Ozanne. La jeune fille activa la deuxième option de son plan :

La menace aperçue, les miliciens s’éparpillèrent sur la corniche. Une technique bien maîtrisée, mais beaucoup trop prévisible. Les gardes craignaient qu’un rocher d’imposante taille ne les emporte tous les trois, ainsi en se dispersant, ils minimisaient le risque. Pourtant, c’était ce qu’Ozanne avait prévu pour eux. Elle porta sa main sur une de ses bouteilles chaudes d’alcools.

Sans mal, elle repéra le plus vif des archers. Celle-ci banda son arc le premier. D’un geste précis, elle lança la bouteille qui commençait à lui brûler les mains à travers ses gants. Celui-ci explosa, enflammant le guerrier. Dans ce genre de situations, effrayer ces adversaires était la meilleure option. Elle avait fait chauffer une de ses vasques d'alcool avec des restes de feu de bois de miliciens.

Le second lança une flèche qui se brisa sur la roche. Ozanne riposta d’un lancer de poignards habile qui lui déchira la chair de la jambe. La milicienne tenta à son tour de la canarder de projectiles. L’un d’eux érafla son épaule blessée, une autre transperça sa main. De nouvelles douleurs traversèrent son corps. Malgré la hauteur et le relief irrégulier, la milicienne prenait l’avantage. En tant que bonne archère, elle visait de son mieux son assaillante pendue au rocher.

Ozanne devait réagir au plus vite. Elle lança son lourd sac sur la guerrière et retomba lourdement entre la paroi et le troisième assaillant. D’une grande vitesse et avec appui sur la façade rocheuse, elle poussa le guerrier dans le vide. Les deux hommes hors état de nuire, Ozanne se dirigea vers la milicienne qui avait encore de la vigueur. La jeune fille sortit ses deux poignards restants et tenta de parer les coups de la guerrière. Ozanne se glissa de nouveau contre la falaise et prit l’avantage en forçant la milicienne à faire attention à ses arrières pour ne pas finir comme son camarade. D’un coup solide lui fit perdre l’équilibre. Ozanne la paqua au sol et l’assomma du pommeau de sa lame.

La voyageuse se releva déroutée par la tournure des événements. L’homme brûlé était encore en vie... Des patrouilles allaient passer bientôt. Ils pourraient survire.

Mais pour le dernier…

Ozanne regarda dans le contrebas. La jeune fille avait tué peu d’hommes dans sa vie. Il lui était arrivé que sa lame rencontre celle des bandits, mais jamais elle n’avait osé prendre la vie d’un milicien. C’était un crime. Elle compta dans sa tête tout ce que cette histoire de dimension lui avait coûté : une malédiction, six miliciens blessés, dont un lieutenant, un mort…

Elle serait recherchée dans toutes les zones protégées. Rentrer dans la ville ne sera pas simple, mais y rester en vie…

Ozanne retira les habits de la guerrière assommée et s’en vêtit. L’adrénaline retomba et la douleur des flèches qui l’avait transpercé l’épaule et la main refit surface. Elle tenta d’arrêter l’hémorragie avec des bandages, désinfecta avec un peu d’alcool et mâcha les plantes pharmaceutiques.

La jeune fille repartit sur la fine corniche, désormais en tant que milicienne.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Blanche Demay ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0