A l'Assaut de la Capitale

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Les trois jours de navigation furent interminables. Pour autant, par un petit matin dégagé, la Capitale se présenta sous les yeux de Peio. Il y avait été quelques fois, mais sa grandeur le faisait encore frissonner.

Au milieu de la mer, deux îles sortaient des eaux pour s’élancer vers le ciel à l'image d'une machoir de baleine sortit des eaux. La plus petite accueillait sur son rivage le port impérial. Plusieurs centaines de navires s’étalaient tout autour du roc, amenant couleurs de drapeau et architectures navales de toutes les provinces du pays. Un véritable lieu de commerce qui acceuillait des produits de tous les horizons. Le long de la paroi abrupte s’organisaient de nombreuses bâtisses desservies par des escaliers labyrinthiques taillés à même la pierre et formant des tunnels à travers l’île vertigineuse. Sur les façades se dessinait une impressionnante végétation de plantes grimpantes, de fleurs et de quelques arbres qui se présentaient sur les balcons s'élançant au-dessus de la mer. Au sommet du roc, un impressionnant phare illuminait la nuit afin de guider les navires jusqu’à la cité.

L’autre île était moins étroite et plus haute encore. Posée sur une petite plaine qui aplatissait la pointe, se trouvait un palais, celui de l’empereur. Certaines ailes du château se suspendaient et se trouvaient suspendues face au vide. Des dizaines de ponts les reliaient à l’île principale.

Sa Majesté Sylv était la personne qui gouvernait l’empire. Il possédait des fortunes impressionnantes venant de ses terres riches en minerais et propices à une agriculture luxuriante. Son économie se focalisait sur ses armées et son commerce, ce qui faisait de son empire l’un des plus puissants des régions environnantes. La seule chose qu’il manquait à ce souverain était la sagesse. En effet, la richesse est source de convoitise.

Il y a huit ans de cela, des assassins s’étaient introduits dans le palais et avaient assassiné le roi et tous ses descendants afin de procéder à un important coup d’État. Mais cela ne s’était pas déroulé comme prévu. Les armées avaient réussi à stopper les attaques, ramener l’ordre dans la ville et seul un héritier restait à l’appel : Sylv, un enfant de quatre ans, lointain cousin de Sa Majesté.

Ainsi, le jeune garçon avait été installé sur le trône alors qu’il commençait son apprentissage de la vie. Ayant tous les pouvoirs, mais ne pouvant les utiliser, un nouveau système avait été fondé. Celui-ci se basait sur la création d’un conseil que les politiciens convoitisaient. Le principe était simple. Lorsqu’un poste se libérait, certaines personnes se présentaient. Le peuple prenait le temps de voter pour celui qui leur correspondait le plus et ce dernier accédait au poste. Cette année, la place de conseiller en défense intérieure venait de se libérer et Ghazi comptait bien s’en emparer. Mais les concurrents étaient de taille et même avec l’argent de Liosan, la campagne allait s’annoncer des plus coriaces.

Dans tout cela Peio n’avait qu’un rôle : attendrir les habitants. Au milieu de deux débats aux propos subterfuges, le mariage tomberait comme un pétale sur l’eau. Un moment de douceur qui montrerait que le politicien était proche de sa famille et avait bon cœur. C’est ce qui dérangeait le plus le jeune homme. Ce serait un mariage superficiel, plus comme une scène de théâtre qu’une véritable preuve d’amour.

Le port s’approchait et les marins replièrent les voiles pour accoster. Peio scrutait les abords de la cité avec appréhension. Une voix calme le sortit de sa contemplation.

- Quand comptiez-vous me rendre les plans que vous m’avez dérobés pendant le voyage ?

Peio ne fut pas ravi. Aslan n’allait pas le quitter d’une semelle. Déjà qu’il y avait Léontine qui le talonnait pour qu’il lui raconte l’origine de ses troubles... Le jeune homme se retourna vers lui et sortit la carte de sa poche. Celle-ci avait mal vécu la pluie et la tempête. Elle était décolorée à certains endroits et le parchemin était gondolé. En voyant son état, Aslan fit une moue désabusée.

- Rappelez-moi de ne plus jamais vous confier quelques choses, ou plutôt de mettre des cadenas partout pour éviter que vous ne les détruisiez.

Peio haussa des épaules.

- Quel est le programme des prochains jours ?

Le jeune homme devait s’attendre à être occupé par les préparatifs. Il ne devait pas se laisser déborder s’il voulait rejoindre Ozanne au pied de l’île de principale. Aslan sortit un parchemin soigneusement organisé par jour.

- Aujourd’hui, nous arrivons sur l’île. Vous passerez un moment avec Monseigneur Liosan Ferl.

Peio fit une grimace intérieure. Les paroles de Baltazar lui revinrent. Le banquier savait qu’il avait fouillé dans ses affaires et voulait le faire tomber. En choisissant d’aider Ozanne, il avait mis de côté ces menaces, mais elles planaient toujours autour de lui. Aslan reprit :

- Le mariage n’est que dans deux semaines. Il ne faut pas traîner. Je comptais donc vous amener cet après-midi sur les lieux de réception avec mademoiselle Léontine. Vous pourrez ainsi visualiser la cérémonie. Pour demain, il faudra essayer des costumes. Cela prendra plusieurs jours. Mais j’apprécie vos efforts. N’ayant pratiquement pas mangé pendant la traversée, vous serez bientôt capable d’entrer dans les normes.

Peio se retint encore une fois de lui envoyer un coup de poing bien mérité. Il n’avait pas mangé certes, mais c’était parce qu’il avait été malade toute la traversée. Les normes ? Mais pour qui se prenait-il celui-là ?

Ghazi les interrompit.

- Je vois que le mariage se prépare. J’en suis ravi !

Le jeune homme avait rarement vu son père aussi élégant. Sa barbe était parfaitement garnie. Ses épais sourcils et son crâne rasé de près lui donnaient un air serieux, solide, dur. Il portait une veste sombre ouverte sur une chemise rosée. Ghazi était un homme à la carrure effrayante. Il représentait l’efficacité que certain aimaient, la droiture que d’autre admiraient et la fermeté que les derniers craignaient. Les idées de son père en tant que conseiller en sécurité intérieure nuisaient beaucoup à la liberté. Le politicien reprit :

- Le navire arrive à quai. Nous devons retrouver Liosan.

Peio acquiesça tout en suivant son père. Ils rejoignirent Léontine qui portait une belle robe bleu ciel. Le jeune homme passa sa main autour de ses hanches en voyant les hommes du port s’ébahir devant l’arrivée du navire impériale. Léontine posa ses mains sur celle de l’historien. D’un souffle, quelques mots arrivèrent jusqu’à ses oreilles.

- Que le spectacle commence…

Peio lui déposa un baiser sur sa joue. Au milieu de la foule, des gardes avançaient dégageant un accès. Derrière eux, un homme marchait fièrement. Le duc Liosan Ferl les attendait avec impatience…

Peio fut soulagé de poser pieds à terre. De sombres nuages menaçants formaient une épaisse voûte au-dessus de leur tête. La pluie diluvienne n’allait pas tarder à tomber. Son regard se reporta vers les navires en enfilades. L’un d’eux attira son regard. Sur ses étendards, une grappe de raisin et une bouteille de vin. Le jeune homme serra des dents. La famille Horla ne devait pas être loin. Peio, nerveux, détacha son regard des bateaux pour voir la foule s’amasser autour de son père et de l’homme d’affaire.

Liosan avança vers eux, un sourire taquin au coin des lèvres. Il illuminait les habitants de son costume blanc aux fils d’or parfaitement tenu et sa garde rapprochée armée jusqu’aux dents. Le banquier avait soigné son entrée tout comme celle de Ghazi. La campagne ne serait pas de tout repos.

L’homme d’affaires arborait un visage joyeux, un peu bouffi, et mis en valeur pour une barbe poivre et sel. Il s’approcha de Ghazi avec impatience. La poignée de main entre les deux hommes se fit solide, accompagnée d’une tape sur l’épaule. Après quelques mots échangés et des éclats de rire, Liosan se dirigea vers Peio et Léontine. Il déposa un baiser sur la joue de sa fille pour célébrer leurs retrouvailles, puis son regard se porta sur son gendre. Il avait les mêmes yeux vert émeraude que sa fille. Son visage arbora un sourire complice. Avec respect, il lui tendit sa main. Peio la saisit aussitôt.

- Tu ne peux pas savoir à quel point je suis heureux que tu sois revenu sur tes décisions, annonça Liosan. Tu es comme un fils pour moi. Laissons tout cela derrière !

Son expression bienveillante concilia un peu Peio. Il acquiesça d’un air assuré. Ce dernier lui fit une accolade, comme pour sceller la fin de toute cette folie.

La pluie commençait à tomber sur les pavés du port. Le groupe partit vers la ville pour s’abriter dans la maison de Liosan.

Celle-ci était, certes, plus petite que la précédente, elle n’en était pas moins excentrique. Taillée à même dans la pierre, elle s’enfonçait sur plusieurs dizaines de mètres dans l’île. L'intérieur de la maison restait d'aspect minéral. Les murs gris s'habillaient de multiples tableaux et rideaux joyeusement colorés. D’élégantes fenêtres s’ouvraient sur l’extérieur et donnait vues sur l’étendue infinie de la mer. Peio traversa des dizaines de salles pour se retrouver autour d’une imposante table où tous s’assirent pour boire une boisson chaude.

Liosan s’émerveilla :

- Vous voir tous autour de cette table est magnifique. C’est le début d’une belle aventure !

Tous s’en enchantèrent. Ghazi jeta un regard autour de lui avant de répondre :

- Et nous la poursuivrons le plus loin possible !

- C’est sûr ! répliqua le Banquier. Je reviens de l’Archipel des Forges avec de nouveaux lingots d’or. Les fêtes seront magnifiques.

Son regard se porta vers Peio et Léontine.

- Surtout pour le mariage de ma fille.

Peio remercia chaleureusement Liosan. Ghazi reprit :

- Ne tardons pas ! Parlons politiques, les amis. Je ferais mon discours sur la Grande Place, ce soir. Cela annoncera le début de la campagne. Je veux que l’organisation soit parfaite…

Pendant que son père remettait les choses en place, une tape sur l’épaule vint ramener Peio sur Terre. Aslan chuchota pour ne pas déranger le politicien.

- Je vais vous amener au lieu de la cérémonie, si vous voulez bien.

Le jeune homme se leva doucement et accompagné de Léontine, ils partirent vers le Balcon.

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