Les Tunnels

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Ozanne ferma les yeux. Toutes ses forces l’avaient quitté. Elle sentait le sol bouillir sous ses pieds et tomba à genou, des larmes lui coulant sur les joues. Ses oreilles se mirent à siffler et les cris de Peio ne pouvaient la ramener à la réalité. Est-ce que tout était fini ?

Dans un moment de désespoir, elle se releva et à l’aveugle s'éloigna des remparts. Elle sentit une collision avec le doux pelage de Sig. Elle pouvait fuir. Elle aurait peut-être une chance. Son animal courait vite. Il lui fallait rejoindre l’île pour être en sécurité. Tout son corps tremblait de peur. Elle s’accrocha à une touffe de poils et essaya de sauter pour s’asseoir dessus. Après plusieurs essais, elle finit par y parvenir. Elle se mit à donner des coups de talons sur les côtes de l’animal, mais impossible de le faire bouger. Ozanne cria de terreur pour qu’il avance, mais rien, Sig ne semblait pas décidé à s’enfuir, ni à sauver sa peau et celle de sa maîtresse. À bout de force et de désespoir, elle s’écrasa contre le sol. Un fond d’eau recouvrait la glace.

Elle resta ainsi recroquevillée sur elle-même, attendant que la mort ne vienne la délivrer. Et les minutes passèrent encore et encore. Mais son dernier souffle s’éternisait… ou peut-être qu’il l’avait fait passer de vie à trépas, sans qu’elle s’en rendent compte.

- Ozanne…

La douce voix de Peio l’appelait. Elle finit par ouvrir les yeux. La nuit calme avait repris sa place. Plus aucune lumière ne parvenait des profondeurs. Son ami la regardait avec peur. Il s’était levé et avait l’eau qui lui montait jusqu’au genou. Ozanne cligna des yeux… l’eau. Sûrement une superposition de réalité. Dans son monde, il n’y avait pas d’eau, mais de la glace. Elle recommença encore et encore avant de se relever et de voir qu’elle était trempée. Peio s’en trouva rassuré. Pour autant, ce dernier resta perplexe :

- Que s’est-il passé ?

Ozanne ne répondit pas tout de suite. Elle se leva et regarda autour d’elle. La plaine glacée l’entourait. Rien ne bougeait dans les environs. Elle se retourna. Les remparts se trouvaient devant elle. Elle longea du regard les murailles jusqu’à une impressionnante vasque d’eau. Précisément là, où elle avait essayé d’atteindre les égouts. En s’y approchant, elle vit une petite entrée. Un passage que personne ne connaissait. Son entrée à elle !

Elle regarda Peio avec incompréhension.

- L’accès est débloqué !

- Comment ? s’étonna Peio.

Ozanne fixa le petit tunnel avec intérêt. Que s’était-il passé ? Elle n’en avait aucune idée.

- Je ne sais pas, bredouilla-t-elle. Une minute avant, je pensais mourir dévorée par le monstre marin et là la glace qui m'empêchait d'accéder aux égouts à.…fondu. Cela n’a pas de sens…

- Il t’a peut-être aidé, tenta Peio.

Ozanne se sentit très mal à l’aise.

- C’est impossible. Depuis des siècles, il dévore les âmes égarées qui s’approchent de la capitale. Pourquoi voudrait-il m’aider ?

- Peut-être parce qu’il s’entend à merveille avec Baltazar, plaisanta le jeune homme pour détendre l’atmosphère. Ou Agatha !

La jeune fille se sentait trop stressée pour rigoler aux plaisanteries de Peio. Pourtant, c’était la seule option possible…

Une phrase sortit des pensées d’Ozanne :

- Tout ce qui est anormal est lié à un démon.

- La solution à toutes nos questions, sourit Peio. Tu as une entrée vers la capitale. Profites-en !

Ozanne se fit chavirer par ses émotions. De la terreur, aux désespoirs, puis à l’excitation. Elle allait retourner là où elle était née. Tout de même, un doute lui traversa l’esprit.

- Le tunnel est peut-être inondé ?

- S’il est construit à l’identique de mes égouts, il faut nager en apnée pendant quelques minutes et on débouche sur une grande salle à moitié remplie d’eau, l’informa Peio. De mon côté, il y a une échelle pour remonter à la surface dans chacune des grandes salles. Elles sont toutes séparées de couloirs soit inondé, soit vide. Il devrait y avoir encore une sortie pour que tu puisses atteindre la ville !

Ozanne souffla. Elle regarda Sig qui, épuisé, s’était allongé sur le sol. Son cœur se serra fortement. Sa monture ne passerait pas avec elle. Ozanne s’allongea pour le prendre dans ses bras. L'animal posa sa truffe sur l'épaule de sa maitresse. Peio retourna sur la plage et les laissa. Au bout d’un moment, elle se releva et regarda l'historien dans les yeux :

- Je trouverai un moyen de le faire rentrer par un autre chemin.

- Et je t’aiderai, tu peux en être sûr ! enchaîna le jeune homme.

Tous deux s’échangèrent un sourire complice. Ozanne enleva son blouson. Elle ne pourrait pas nager avec. Le froid l’assaillit, mais ce n’était que le début. Elle attacha ses deux poignards restants à sa taille, des denrées alimentaires non périssables et ses plantes médicinales. La jeune aventurière était partie avec tellement d’équipement et elle arrivera dans la cité avec si peu…

- Quel point de rendez-vous ? demanda Peio.

- Tu connais la cité mieux que moi !

- Je n’y suis pas né, s’indigna le jeune homme.

Ozanne réfléchit.

- Dans la Basse Ville, il y avait dans mes souvenirs un parc de jeu. Il se trouve non loin du port, à l’est de l’île.

- Peut-être… je ferai mes recherches. On se retrouve là-bas dans combien de temps ? s’empressa-t-il en la voyant grelotter.

- Pas dans le parc, il y a trop de monde. À côté de celui-ci, il y a une vieille bâtisse de trois étages. Un petit jardin s’y trouve devant avec un tronc mort sur le devant. Retrouve-moi là bas, dans deux jours, à l'intérieur de la véranda.

- Mais cette maison appartient sûrement à des personnes…, s’enquit Peio.

- Trouve une excuse !

Elle lui adressa un signe de tête en guise d’au revoir et s’immergea dans l’eau froide, si glaciale qu’elle ressentit des brûlures sur sa peau et que sa respiration se fit tenue. Après s’être accommodée à la température de l'eau glacée - ce qui lui prit quelques minutes - elle aspira de l’air une dernière fois et plongea dans l’eau glacée. Quelque coup de brasse plus tard, elle réussit à atteindre le tunnel. Une fois entrée dedans, la noirceur l’engloutie.

Elle avançait à tâtons dans un étroit couloir. Ozanne comprit. Dégager l’entrée, ne lui aurait pas pris une nuit, mais plusieurs jours, voire semaines. Toute l’eau qui se trouvait dans les conduits était de glace quelques minutes auparavant. Le Dévoreur l’avait dégelé avec la chaleur de sa lumière. Mais pourquoi ? Est-ce que Baltazar avait quelques choses à voir là-dedans ? Pourtant, il l’avait mise en garde. D’après lui, elle trouvera la mort aux abords des remparts.

Ozanne ne pouvait y croire. La jeune fille se trouvait en dessous des remparts à ce moment précis. Elle entrait dans la cité sans autorisation. Personne n’avait réussi une telle prouesse depuis des siècles. Ozanne dépassa ses limites. Le souffle court, elle puisait dans ses forces pour atteindre cette salle principale. Le froid la recouvrait. Son corps était gelé. Il lui fallait accélérer le rythme pour ne pas s’engourdir.

Soudainement, sans y voir plus, elle sentit que les murs qui l’emprisonnaient sur les côtés n’existaient plus. Elle donna des coups puissants pour retrouver la surface. Il lui manquait de l’air, beaucoup d’air. Elle suffoquait…

Elle agita rageusement les jambes et retrouva l’oxygène. Celui-ci pénétra avec difficulté dans ses poumons. Elle recracha une bonne partie de l’eau qu'elle avait avalé. Ozanne regarda tout autour d’elle. Une lumière blafarde jaillissait du plafond. Celle de la lune.

Avec les quelques forces qui lui restaient, elle la rejoignit. Une toute petite fissure laissait passer la vision du ciel étoilé. Son cœur battait à tout rompre. Il lui était impossible de la rejoindre.

La jeune fille se souvint. D’autres galeries devaient sûrement se trouver dans les environs. Elle en discerna quelques-unes dans la pénombre. La première était encombrée de glace. La seconde laissait un accès dégagé. Ozanne commença à marcher doucement dans celle-ci. Bientôt la lumière de la fissure disparut et elle se retrouva de nouveau dans les ténèbres. Elle passa ainsi de salle en salle, en passant par de nombreux couloirs. Arpentant les méandres de la capitale, Ozanne s’épuisait. Des panaches de vapeur d’eau sortait entre ces lèvres. Ses membres et sa vision se brouillaient face au froid et à l’épuisement. Elle cherchait désespérément un accès vers la surface. La jeune fille finit par un repéré une vieille trappe.

Elle se trouvait au milieu du plafond. La jeune fille frigorifiée se décida à escalader, avant de mourir de froid. Ses muscles ankylosés peinaient à attraper les prises rugueuses, mais elle s’y connaissait en escalade. Avec difficulté, elle continua son ascension jusqu’à se trouver juste en dessous de celle-ci. Elle tenta de la soulever, mais impossible. Cette dernière était bloquée. Ozanne prit l’un de ses poignards et tenta de faire sauter le vieux loquet. Après quelques minutes de torture, celui-ci se brisa, laissant l’ouverture se soulever facilement sur un coin de rue.

Ozanne s’écrasa sur le sol recouvert de pavés gris. Son regard se riva sur tout ce qui se trouvait autour d’elle. Elle y vit des maisons robustes collées les unes à côté des autres, des torches éclairant les escaliers qui s’enfonçait dans la roche et des éclats de voix venant d’une fenêtre proche de là où elle était. Ozanne l’avait fait ! Elle était revenue chez elle !

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