Les Manigances

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Des cris déchirèrent le calme de la nuit claire. Des hurlements rauques amenant un contexte de terreur dans les ruelles gelées. Le sang recouvrait la neige et une forme se détacha de la maison. La petite cour à l’arbre mort… au prunier vigoureux retrouva le calme quelques minutes après. Liosan avait fui. Son visage se faisait blême alors qu’il remontait les ruelles en direction du palais. Bartolomé ne serait pas ravi du résultat. Ce n’était qu’une question de temps avant d’affaiblir les manigances que ce Baltazar avait tissées derrière son dos…

Liosan se remémora les derniers évènements :

Un message avait troublé ses vacances aux îles des Forges. Après une année remplie, il s’accordait un peu de repos pendant que les pièces acquises étaient fondues en lingot : son symbole de puissance. Un oiseau avait fendu le ciel bleu azur, un message accroché à l’une de ses pattes. Un serviteur lui avait apporté le morceau de parchemin signé au nom de Nathanaëlle, une amie de longue date et au fort potentiel.

« Bonjour, mon cher Liosan.

Je m’en veux fortement de vous déranger pendant vos vacances bien méritées, mais je dois vous informer des quelques événements qui ont secoué ma maison, ce vendredi soir. Comme vous le savez, je fête mon anniversaire pendant cette période et quelques invités l’ont perturbé. Rien de très grave, mais cela est tout de même préoccupant et mon père à insister pour que je vous informe de la suite.

J’ai été agréablement surprise de voir votre ex-futur-beau-fils se présenter à ma porte, ce soir-là. Moins, lorsqu’il est reparti attaché aux pattes du cheval d’Aloïs Horla. Cet homme pose de plus en plus de problèmes. J’ai de suite prévenu Ghazi Jurill de cet étrange événement, mais n’y ai pas vu suite. Vous vous en doutez comme moi, Ghazi n’a pas dû trop bousculer Aloïs. Se faire des ennemis de cette taille ne serait pas stratégique avant la campagne. Vous savez que je suis très ouverte et que j’aime les nouvelles têtes. Toutefois, celles qui me ramènent des ennuis à ma fête et par inadvertance à vous, ne sont pas les bienvenues. J’ai aussi constaté la présence de votre fille, Léontine, sûrement en filature de Peio Jurill.

À vous de faire votre constat de cette affaire.

Je vous souhaite d’agréables vacances.

Votre Nathanaëlle »

Autant dire que la nouvelle avait surpris Liosan. Son beau-fils embarqué dans une affaire avec Aloïs, cela ne sentait rien de bon. Le vigneron l’avait ouvertement accusé de fraude, d’arrangement officieux, ce qui n’était pas tort. Mais en tant qu’homme d’affaires, il n’y avait aucune règle pour se faire plus d’argent.

De retour à la capitale, il s’était chargé d’effacer Aloïs de son environnement politique. Quelques poisons inconnus glissés dans les bouteilles du conseil avaient suffi à le mettre en prison. Liosan en avait profité pour le récupérer. En payant les gardes, il avait eu le droit d’effectuer ce qu’il voulait sur le corps du vigneron trois heures par nuit. Au bout de quelques jours, ce qui restait du vigneron avait, sous la douleur, avoué ce que lui-même avait soutiré de sa séance avec Peio. Liosan avait retenu quelques informations :

Son beau-fils s’était faufilé parmi les invités des Horla d’une façon bien étrange. Une jument de théâtre attaché dans les montagnes, un malaise au milieu de soirée et un invité invisible du nom d’Ozanne. L’homme d’affaires était des plus terre à terre et n’avait pas cru cette histoire jusqu’à ce qu’Aloïs lui parle de démon. Quand on invoquait ce genre d’entité, tout devenait possible. Liosan avait tenté d’en soutirer davantage, mais il avait fini par s’y résoudre, il n’aurait pas plus d’information de ce côté-là.

La suite de son plan avait été aisée : espionner Peio jusqu’à ce que celui-ci ne lui donne des informations nécessaires. Un soir, il s’était évadé de la chambre qu’il partageait avec Léontine. Après quelques escaliers et ruelles empruntés, ils étaient entrés dans une maison des plus normale. Pourtant ce qui se passait à l’intérieur ne l’était pas. Caché dans des buissons, il avait vu avec satisfaction son beau-fils s’entretenir et s’entraîner au combat avec cette certaine Ozanne… invisible.

Il lui avait fallu quelques jours pour trouver cette personne. Passant de porte en porte, il avait pourfendu les dimensions et s’était pourvu des journaux de chacune… jusqu’à ce qu’un attire son regard :

« Une jeune fille est recherchée. Elle porte le nom d’Ozanne. Elle aurait blessé six soldats de la milice extérieurs et un homme est mort en chutant de la falaise. On présume qu'elle se cache dans les zones protégées. Ancienne habitante de la capitale, elle serait capable de la rejoindre. Surveillez attentivement les remparts et les plaines glacées. On la suppose révolutionnaire : ses parents l’ont été et l’exclusion avait été la peine que notre Roi Bartolomé avait choisie. Si vous la voyez, prévenez la garde au plus vite. Cette femme est dangereuse et probablement porteuse de malédictions. »

Liosan avait hésité. Cette Ozanne-là était recherché à l’extérieur des murailles. Ce pourrait-elle qu’elle ait réussi à y rentrer ? Mais les dates se recoupant avec l’arrivée de Peio sur la capitale, elle restait sa principale suspecte.

L’homme d’affaires avait mis son plus chaud manteau et avait franchi la porte qui menait vers le Dédale, le monde d’Ozanne. Ces portails étaient connus seulement de sa personne et de Baltazar, le démon qui les avait façonnés. Mais ce dernier lui était de plus en plus distant ces derniers jours. Il préparait quelques choses…

Le froid glacial le surprenait à chaque fois qu’il sortait de la maison. Le vent s’engouffrait dans les rues et le soleil peinait à réchauffer les amas de glace qui bloquaient les portes. Il avait remonté les escaliers jusqu’à arriver devant l’un des ponts menant au château. Devant l’entrée, il avait confié son nom bien connu de tous. Liosan s’était inventé une histoire. Il racontait qu’il avait vécu des années dans les zones protégées et qu’avec l’argent récupéré de son commerce, il avait pu payer la taxe et entrer dans la capitale. C’était le genre d’homme que beaucoup admiraient, celui qui s’était fait seul et avait réussi ce que ces ancêtres avaient essayé des générations avant. La vérité était un peu différente…

Les portes s’étaient ouvertes et il avait attendu son rendez-vous avec Bartolomé. Quand l’heure fut arrivée, il était entré dans la salle du Roi et avait franchi la longue pièce jusqu’à arriver devant son trône.

L’homme devant lui portait de longs cheveux noirs, une balafre sur la joue droite et une hache dans sa main gauche. Son impressionnante carrure avait forcé Liosan à s’agenouillait et rester humble :

- Seigneur Bartolomé, j’ai peut-être trouvé la révolutionnaire que vous cherchez tant…

La voix rauque et bourrue du souverain fit trembler la salle :

- Je vous écoute !

- Quelques-uns de mes serviteurs ont reconnu le visage de mademoiselle Ozanne lors d’une excursion dans la Basse-Ville…

- Insinuez-vous qu’elle ait franchi les remparts, s’énerva Bartolomé.

- Il y a de fortes chances. Elle se trouverait près d’un petit parc, une maison qui fait l’angle d’une rue et dont un arbre décore la cour de devant.

Bartolomé fronça ses épais sourcils. Que quelqu’un traverse ses murailles sans y avoir été accepté était l’un de ses problèmes les plus importants. Ses yeux sombres avaient parcouru la salle à la recherche de ses lieutenants :

- Formez un bataillon ! s’exclama-t-il. Duc Ferl, vous les accompagnerez pour indiquer la demeure.

Les soldats s’étaient mis en route dans la nuit claire. Le parc, la maison en angle, la cour, l’arbre… Des fleurs rosées en pleine nuit… Il aurait dû s’en méfier. Liosan ne savait ce qui avait massacré les hommes ce soir-là, mais une chose était sûre, il y avait une brèche dans les murailles de Bartolomé et son règne était menacé. De son côté, l’homme d’affaires pouvait disparaître en quelques minutes. Tout ce qui l’importait était le médaillon. La preuve que son beau-fils voyait cette révolutionnaire pendant la nuit. Le mariage ne tarderait pas. Il ne pouvait l’emprisonner pour le faire parler. Mais l’espionner rester la meilleure solution pour trouver Ozanne et en savoir un peu plus sur les intentions de Baltazar…

#Note de l'auteure

Je vais un peu accelerer le rythme de la réecriture pour pouvoir la finir avant la fin des vacances. Il y aura peut être parfois deux chapitres par jour. ^^

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