Alter Orbis

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Ozanne se réveilla sur les pierres froides d’un cachot. Sa tête se faisait lourde, ses paupières clignaient pour se faire à la sombre prison. Une maigre silhouette prenait place dans un coin de la pièce. Des cliquetis resonnaient dans ses oreilles comme des morceaux de métal s’entrechoquant. La jeune fille tenta de se redresser en s’adossant au mur sale des prisons. Des chaînes la reliaient au sol et ses poignets étaient enfermés par des menottes.

- Ce n’est pas trop tôt ! s’exclama Baltazar.

Ozanne avait du mal à se rappeler. Que faisait-elle ici ? Sa vision était floue. Son corps se recouvrait de bandages ensanglantés. Les flèches.

- Sig…

- Je crains, ma belle, que ton animal ne soit plus de ce monde. Cela tombe bien, tu n’en auras pas besoin là où tu iras !

Ozanne tenta de se relever pour le frapper, mais elle se sentait trop faible. Des larmes coulèrent sur ses joues.

- Il n’y avait pas de retour, marmonna Ozanne, dans son chagrin.

- Non, effectivement. Je t'avais prévenue, lui répondit le démon. Pas de retour… mais une issue de secours.

Les mots de Baltazar s’embrouillaient dans sa tête.

- Une issue ? demanda Ozanne d’une voix faible

- Oui, Peio s’y trouve déjà et n’a plus beaucoup de temps devant lui. Peux-tu te lever ?

Le démon inséra les clés dans la serrure des menottes pour faire tomber les chaînes qui emprisonnaient Ozanne. La jeune fille s’y essaya sans y parvenir. Baltazar l’aida à contrecœur et elle s’appuie sur son épaule pour avancer jusqu’aux barreaux. Ces derniers s’ouvrirent sans mal.

- Pratique d’être un démon, ironisa Ozanne dont les larmes continuaient à couler sur ses joues. Où sont les gardes ? Tu as appelé Liosan pour les détruire ?

- Liosan a quitté ce monde et tant mieux. Bartolomé et Hermine ont commencé leurs combats. Ils ont saccagé une partie de la cité.

- Quels sont les pouvoirs de Bartolomé ? Voulut s’informer Ozanne.

- Le Métamorphisme. Il est capable de changer n’importe qui en n’importe quoi. C’est lui qui a enfermé Hermine dans ce corps de Dévoreurs de démons.

- Pas très utile en combat… Il aurait pu la transformer en quelque chose de moins dangereux.

- Les pouvoirs de démons ne sont pas toujours des plus simples. Il y a beaucoup de facteurs qui rentrent en compte. L’environnement, la puissance de l’adversaire et sa propre puissance, bien sûr, lui expliqua Baltazar. Bartolomé est sur le point de perdre son combat et son trône.

Ozanne sourit en apprenant cette nouvelle. Le démon reprit aussitôt.

- Et ce n’est pas une aussi bonne nouvelle que tu le crois. À l’exception de ses fidèles, Hermine a une haine noire des Hommes. Je ne sais pas ce qu’elle t’a promis, mais tu n’as fait qu’aggraver les choses. Sans murailles, les démons vont se rejoindre, s’allier, et s’entretuer. L’équilibre est rompu.

- Hermine avait un plan ! s’enragea Ozanne.

- Oui… tu connais les principes de la sélection naturelle. Les plus faibles meurent, les plus forts contribuent à l’amélioration de l’espèce. Il faudra gagner sa place pour entrer dans la Capitale. Le sang coulera davantage que durant le règne de Bartolomé.

À deux, ils sortirent des prisons. C’était le chaos. Les maisons étaient en ruines. Des cris s’entendaient dans les rues adjacentes. Ils devaient se trouver dans la Haute-Ville. La glace scintillait sous les lueurs de la matinée. De l’autre côté, le château s’écroulait dans le vide. Tout le dessus était éventré, mettant à nu les pièces de l’humble demeure. Le cœur d’Ozanne se serra. Qu’était le mieux entre les deux ?

Au milieu des vestiges, deux formes restaient immobiles. L’une était l’image d’un immense animal, dents tranchantes dévoilées et lueur éblouissante accrochée a son front. L’autre semblait être une ombre flottante. Voyant le regard indétachable d’Ozanne, Baltazar lui expliqua :

- Bartolomé, de son vrai nom Gadratique, est aussi appelé le prince des ombres.

- Que font-ils ? se demanda Ozanne en voyant les deux êtres immobiles.

- Avec son nuage sombre, il est intouchable mais il ne peut y rester indéfiniment, il va bientôt prendre forme et les combats recommenceront.

Hermine grognait autour de la chose informe. Soudainement, la nébuleuse se condensa et l’image d’un puissant guerrier en armures apparut. L’animal se jeta habilement dessus. Elle faisait quasiment dix fois sa taille. Bartolomé tâcha d’esquiver les coups de griffes avec habilité. Il prit ensuite appui sur ses jambes, sortit son épée et balafra brusquement le torse d’Hermine. Du sang noir s’écoula. Ozanne retient son souffle. De colère, l’animal riposta d’un violent coup de pattes que le démon ne put esquiver et celui-ci vola en explosant une nouvelle partie de la muraille.

- Cela dure depuis des heures et les combats sont de plus en plus brefs. Gadratique se fatigue, répondit maussade le démon.

- Elle va le tuer ? demanda faiblement Ozanne.

- On ne peut pas tuer un démon. Hermine va l’affaiblir. Si Gadratique est assez intelligent, il usera de ses dernières forces pour s’enfuir. Sinon, elle en fera ce qu’elle veut comme lui avait profité d'elle et de ses pouvoirs pendant tant d'années. Si une relique se trouve non loin, elle pourra même l’enfermer des siècles à l’intérieur.

La vie de démon ne semblait vraiment pas être de tout repos. Baltazar et Ozanne arrivèrent devant le phare, miraculeusement debout. En voyant, le nombre de marches, le démon du se résoudre. Il se mit à porter Ozanne. Celle-ci se débattit.

- Que fais-tu ?

- Tu ne pourras pas monter toutes ces marches et le temps presse.

Baltazar se mit à grimper pour arriver jusqu’en haut du bâtiment. Un nouveau choc se fit entendre. Bartolomé devait avoir volé dans une autre partie de la muraille.

- Pourquoi montons-nous aussi haut ? lui demanda Ozanne.

- Tu le comprendrez bien assez tôt, laissa planer le démon.

- Toujours aussi mystérieux.

- Je vais vous donner quelques réponses. Je vais surtout vous faire la morale, à Peio et à toi ! s’énerva-t-il. Je suis dans une situation très inconfortable.

Au bout de quelques minutes, ils arrivèrent en haut. Baltazar la posa sur la pierre. Ozanne regarda le paysage dévasté. Des trous dans la glace qui laissait apercevoir l’eau sombre. Les Hommes fuyant la capitale. D’autres arrivant de l’extérieur pour pouvoir y rentrer. Elle n’avait jamais vu autant de chaos même dans les plaines. Tout cela causé par une épée dans un sceau… Pour la première fois de sa vie, elle eut le vertige. Son regard fixait le sol, complètement perdu. La voix douce de Peio vint la sortir de ses pensées :

- Tout va bien, Ozanne ?

Elle se tourna vers lui. Il était pâle et semblait épuisé, mais il n'était pas blessé. C’était le principal. Baltazar s’interrompit brutalement.

- Non, ça ne va pas ! On est parti d’une chouette petite rencontre a l’apocalypse. Vous avez fait tout l’inverse de ce que je vous ai dit. Éloignez-vous de Liosan. Ce n'était pas si difficile a comprendre !

Ozanne riposta.

- Liosan n’a rien à voir avec ce qui se passe dans mon monde !

- Nous étions bien tranquilles avant que tu ne viennes dans notre vie, ajouta Peio.

- J’étais très occupé. Vous avez imaginé que vous étiez le centre du monde, qu’une fois lié vous étiez inarrêtable. Je me suis fait tromper par Hermine. Je l’ai compris tard et j’aurais cru que tu serais capable de te raisonner, Ozanne. Toi, Peio, la consigne était simple, mais il a fallu que tu écoutes ton cœur. J’en arrive à la même conclusion. Les Hommes sont faibles.

Ozanne l’aurait aisément poussé dans le vide s’il elle avait pu se lever.

- C’est toi qui es faible. Tu voulais nous utiliser pour je ne sais quoi. Tu ne pouvais pas le faire toi-même.

Il y eut un moment de silence. Ozanne attendait les réponses promises.

- Je suis faible, finit-il par lâcher. J’ai été entravé contre ma volonté. Ma seule porte de sortie, c’était votre fil de la vie, ce que j’aurais pu faire avec. La première phase du plan avait fini par fonctionner, mais ce n’était qu’un infime effort par rapport a l’ampleur de mon objectif.

- Quel objectif ? Le coupa Peio.

- Celui de se débarrasser de Liosan. Il me tient en étau. Je lui ai donné un avantage sur ses concurrents qui l’a mis au premier rang.

- Celui de voyager entre les dimensions, se douta Ozanne.

- Effectivement, je voulais retrouver ma puissance d’antan. J’avais besoin de lui autant qu’il avait besoin de moi. Or la balance a fini par se déséquilibrer. Je lui ai offert des portails a courte durée. Il ne fonctionne pas plus d’un jour. Je dois les réactiver tout le temps.

Peio réfléchit :

- Il ne suffirait pas de ne plus les réactiver ?

- Non, cela ne peut pas être aussi simple, renchérit Baltazar. Liosan me menace de dévoiler mon pouvoir aux autres démons. S’ils tombaient dans de mauvaises oreilles, certains voudraient m’utiliser pour changer de dimension, d’autre me détruirait pour m’empêcher de le faire. Et n’imaginez pas que je puisse enfermer Liosan dans une dimension et m’en cacher dans une autre. Dès qu’un démon saura cette histoire, ils trouveront un moyen de m’attraper. Les dimensions sont plus proches que vous ne l’imaginez. Certaines influences des démons traversent les mondes.

Ozanne tentait de comprendre les dires de Baltazar. Tout cela lui semblait complexe.

- Que se passe-t-il, maintenant ?

- Je suis recherché par les gardes de la ville. Je n’ai plus beaucoup de temps devant moi ! s’exclama Peio.

Un sourire se dessina sur les traits du visage pâle. Ozanne comprit de suite.

- Regardez vers le haut !

- Pardon, s’exclama Ozanne.

- C’est un simple conseil, s’enthousiasma Baltazar.

Ozanne se raidit. Son regard se jeta sur Peio qui venait de comprendre lui aussi. La jeune fille tenta de se relever pour se jeter sur Baltazar. L’empêcher de…

Le monde bascula sous elle soudainement. Son ventre se noua. L’air s’opacifia. Elle ne pouvait bientôt plus respirer.

Peio ressentit la même chose qu'elle. Il regarda le ciel, paniqué, en retenant sa respiration. D’étranges reflets recouvrirent le soleil. Il tenta de bouger, mais ses mouvements se faisaient lents. Il cligna des yeux plusieurs fois avant de comprendre qu’il se trouvait dans de l’eau. Son corps flottait. Baltazar avait disparu. Ozanne se débattait dans le liquide qui la recouvrait. Peio fit quelques brasses pour dépasser le phare qui se recouvrait d’algues. La capitale…

La capitale était totalement immergée. Un champ de ruines sous-marines rouillées et recouvertes d’algues. De puissants requins circulaient entre les portes béantes. Peio fut totalement tétanisé. Ozanne lui prit la manche pour lui montrer la surface. Le jeune homme acquiesça. Ses mains attrapèrent rapidement le bras bandé d’Ozanne.

Son corps était gelé.

Ses mains brûlantes pour Ozanne.

À deux, ils finirent par atteindre la surface a bout de souffle. Ozanne cracha de l’eau et Peio observa les alentours. Une immense étendue d’eau, à perte de vue. Mais où étaient-ils ? Lorsqu’Ozanne reprit ses esprits, elle haleta :

- Ce n’est pas bon du tout, Peio. Je voudrais halluciner, mais on peut se toucher. C’est la pire chose qui pouvait arriver. La cité est là sous nos pieds. Cela ne veut dire qu’une chose…

- On est dans une autre dimension…, répondit, paniqué, Peio.

Une voix aiguë transcenda les océans.

- Hommes à la mer !

Ozanne et Peio se retournèrent. Un navire s’esquissait sur l’horizon bleuté parsemé par quelques nuages. Ozanne se figea. Qui étaient ces gens ? Que pouvaient-il leur vouloir ? Peio se retourna vers elle, affolé.

- Je devais me marier !

- Je venais de libérer une démone enfermée depuis des centenaires. C’était le chaos. Baltazar ne peut pas me faire ça !

#Note de l'auteure (ça fait longtemps)

Reste les deux épilogues...

Je pensais à modifier AlterEgo en Alter Orbis (ça veut dire AutreMonde en latin). Vous en pensez quoi ?

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