Épilogue
La nuit avait remplacé cette journée désastreuse. Léontine s’était échappée des griffes de son père. Elle marchait seule dans les ruelles. La douce brise caressait ses joues irritées par les pleurs. La lueur des torches se reflétait dans ses yeux rougis. Elle errait sans but précis. L’un de ses pieds traînant sur le sol se prit dans un objet. Elle se baissa pour le regarder : une flèche brisée. Elle ressassait les évènements des dernières heures.
On l’avait réveillé au petit matin, lui apprenant les dernières nouvelles. Son amant, Peio, avait été accusé d’avoir participé à l’empoisonnement du conseil avec Aloïs Horla. Mais celui-ci ne s’était pas montré aussi docile que le vigneron. Avec un cheval entraîné aux cascades, il avait mené une véritable course poursuite avant de disparaître dans la nature. Les rumeurs disaient qu’il se trouvait encore dans la ville, mais qu’il était introuvable. Son père avait refusé que Léontine parte à sa recherche. Elle avait profité que celui-ci soit occupé à sauver la campagne de Ghazi pour s’enfuir.
Ses pas l’avaient mené à la maison de son couturier. La nuit dernière, lorsqu’il était parti, la jeune fille avait juré qu’il conseillait à quelqu’un de s’y cacher si elle avait un problème. Mais elle n’avait rien trouvé là-bas. Tout cela ne lui ressemblait pas. Léontine essayait de se remémorer chaque détail. Un élément la perturbait au plus haut point : Peio avait peur de Liosan et Aloïs leur avait dit de s’en méfier. Tout de même, le vigneron avait même torturé son amant… À moins que tout cela n’ait été qu’une mise en scène. Tout s’embrouillait dans sa tête.
Léontine arriva à une petite auberge. Elle entra dedans et demanda au tavernier un numéro de chambre. La jeune fille s’y rendit rapidement et toqua sur la vieille porte. Celle-ci s’ouvrit brusquement. Une femme métisse aux traits tirés par l’inquiétude se présenta devant elle. Une lueur de déception assombrit son regard. La mère de Peio accorda tout de même un sourire bienveillant à sa belle-fille.
- Léontine, tu peux entrer…
La chambre ne se composait que de deux lits, d’une table bancale et de quelques chaises éparses. La jeune fille fut surprise d’y voir Aslan, une boisson chaude dans la main, attablée à côté d’Alida. Tous deux arboraient une mine déconfite, des cernes s’étaient installées sous leurs yeux. Léontine les rejoignit pendant que la mère de Peio lui préparait une tasse de chocolat chaud. Sur la table, une carte gondolée avait été marquée au charbon.
- Que faites-vous ? les questionna Léontine.
Alida leva ses yeux épuisés vers elle.
- On tente de savoir où Peio pourrait se trouver.
Léontine acquiesça silencieusement. Elle parcourra les endroits entourés sur la carte : la maison de Liosan, celle de Ghazi, la demeure du couturier, le Balcon, les écuries et le port.
- Je suis déjà allé chez le couturier. Il n’y a personne d’autre que l’artisan et sa famille. Ce qui est étrange, c’est que je l’ai entendu parler avec une servante. Il a envoyé chercher une bobine de fil. Le couturier n’a pas été convié aux festivités et est donc resté chez lui, la nuit qui a précédait la disparition de Peio. Il n’a jamais vu de servante…
Aslan hocha la tête avec intérêt avant de le marquer dans un carnet. Alida reprit :
- Il agissait de façon étrange depuis quelques mois. On essaye de comprendre ce qu’il s’est passé.
- J’aimerais aussi en savoir plus. Qu’avez-vous trouvé pour le moment ? s’interrogea Léontine.
- Des événements bien sombres, répondit Aslan. J’ai commencé mon enquête de mon côté parce que j’étais le plus proche de lui, ces derniers temps. Peio était constamment tendu et pressé par le temps, encore plus après l’arrestation de Monsieur Horla. J’ai voulu questionner Aloïs pour en comprendre un peu plus. Alida eut la même idée, pourtant aucun de nous deux n’avons eu de réponse. Aloïs était incapable de parler. Les gardes nous ont dit que des détenus l’avaient passé à tabac et qu’il n’était plus vraiment conscient depuis.
Léontine fut prise de frissons. Aloïs avait le même âge que son plus grand frère. Elle avait peu de sympathie pour cet homme, mais le sort qu’il avait subi était bien triste. Alida hésita avant de continuer. Aslan insista :
- Peio lui faisait confiance.
- Bon… commença la sœur de Peio. Léontine, tu ne risques de ne pas aimer ce que je vais te dire, mais Aslan et moi sommes arrivés à la même conclusion. Aloïs se fait arrêter. Il se défend en accusant Liosan de multiples crimes. Quelques semaines, plus tard, il est dans l’impossibilité de parler. Peio se méfiait de ton père depuis quelque temps et le voilà disparu. Nous craignons que nos pères s’apprêtent à écraser tous ceux qui se mettent sur leurs routes. Ce n’est qu’une théorie pour le moment, mais nous avons beaucoup d’éléments qui nous inquiètent.
Léontine ne répondit pas. L’idée lui avait traversé l’esprit. Était-ce possible ? Aslan reprit :
- Léontine, tu pourrais nous aider dans cette affaire. Tu connaissais mieux Peio que nous. Nous ne te demandons pas d’accuser ton père, mais de nous aider à comprendre et de retrouver Peio, si toutefois celui-ci est encore en vie.
La mère de Peio revint avec la boisson. Elle le posa devant elle et s’assit à côté. Léontine se perdit un instant devant les plans de la capitale. Elle aurait voulu que cette journée se passe autrement. Qu’elle promette devant le coucher de soleil de vivre jusqu’à sa mort avec Peio. Dans sa confusion, son espoir se reforma. Elle voulait le retrouver à tout prix. Elle posa ses mains sur la surface brûlante de la tasse et commença à raconter chaque détail de leur rencontre jusqu'a sa disparation. Léontine ne pouvait pas baisser les bras…pas maintenant.
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