Premier piocheur

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Ils me font marrer les chevaliers, avec leurs belles armures et leurs gonfanons claquants dans le vent. Et vas-y que je me plante aux carrefours, et vas-y que je te lance des défis. Avec des aboyeurs et des hérauts. Mais qu'est ce qu'ils croient eux, qu'ils sont encore au temps des Pendragon ?

Ils n'ont pas vu à quoi ressemble le monde autour d'eux ? Ça pue la merde, ça grouille d'hommes-rats, les cadavres se balancent aux gibets. Et eux ils se promènent tranquilles au-dessus de tout ça, comme si cela ne les concernait pas. Jusqu'au jour où leur fier destrier se ramasse sur une bouse et qu'ils se retrouvent étalés au sol comme tout le monde. A ce moment là, vaut mieux qu'il ait été un peu préparé, le gent damoiseau à noble dame. Parce que sinon la descente est rude. C'est des coups à finir au fonds d'une foret avec un homme bête qui vous passe à la broche, pour voir si ca se décortique mieux une fois que c'est cuit, les chevaliers. Comme les écrevisses.

Moi ? Moi je suis préparé, moi. Nul ne sait mieux que moi comment fonctionne le monde. Je suis premier piocheur au grand cimetière d'Altdorf.

Et je peux vous dire le chemin n'est pas facile quand on naît dans un panie en osier à la poterne des enfants perdus. Il en a fallu du temps avant que les fossoyeurs acceptent de me laisser les suivre pour me confier leurs outils. J’ai commencé comme seconde main porte pelle. Puis j'ai gravi tous les échelons jusqu'au grade le plus élevé : premier piocheur.

C'est moi qui à l'ouverture des grilles marche devant les fossoyeurs jusqu'à donner le premier coup de pioche à l'emplacement choisi. Après ce seront les autres qui prendront le relais. Les creuseurs et les pelleteurs. Ils ne suivront que si je passe, et ils s'enfuiraont si je tombe. C'est moi seul qui pénètre à l'aube dans le plus grand cimetière du Vieux Monde, et qui chasse les mystères de la nuit.

La garde de nuit ? Quelle garde de nuit ? S'ils sont en vie c'est justement parce qu'ils ont appris assez tôt que la nuit c'était surtout là pour attendre le lever du jour. Ils s'enferment dans leur maison fortifiée dès dès que le soleil se couche, et alors là plus question d'en sortir. La garde de nuit c'est comme un paratonnerre : s'il est plus quand on arrive le matin c'est qu'il faut pas rentrer : la foudre est tombée sur la maison.

Tu vas me dire, moi je m'en fous si il faut les enterrer, ça fait toujours du boulot en plus et on est payés à la pièce. C'est comme quand la guilde des assassins nous dépose un paquet devant les grilles. Bonus.

C'est au matin qu'on a les surprises. Tu sais jamais sur quoi on va tomber. Un coup aussi bien il se passe rien. Il fait beau on se promène jusqu'à la bonne rangée. Un petit coup de pioche dans le terreau et tu peux aller en écluser un tranquille la journée est finie. Aussi bien tu vas te retrouver avec des décorations partout parce qu'un nécromant est venu s'amuser à faire ses expériences et que ça n'a pas marché. Alors là bonjour pour tout remettre en ordre avant l'arrivée des prêtres et de la famille.

Mais là où ça devient vraiment coton c'est quand des anciens clients se redonnent un goût de revenez-y et se baladent dans les allées. Qui croyez vous qui doit les raccompagner ? Tu as tout compris. Le premier piocheur. Il y en a des vicieux qui se planquent. Une seconde d'inattention et ils vont te choper une petite main par derrière juste au moment tu croyais que t'étais arrivé. C'est comme ça. C'est la vie.

Où je vais ? Vous croyez que le monde s'arrête aux murailles d'Altdorf ? C'est la guerre dehors. Des hordes parcourent le pays. Les barons bataillent dans tous les fiefs. On a besoin de nous partout. On ne peut pas s'arrêter à une auberge tranquille sans qu'un type à capuche vienne nous chercher. Ou alors ce sont des paysans tombés sur le lieu d'un massacre. Ou des marchands qui veulent s'installer dans un comptoir dont les anciens occupants se sont fait découper. On a besoin de nous partout. Je pourrais vous en raconter, des histoires. Mais là c'est l'heure de ma pause.

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