Urgences

4 minutes de lecture

Voilà.

Je serre contre moi le coussin moelleux dans une tentative désespérée de trouver un peu de réconfort.
Alex m’a déclaré ses sentiments.

— Et tu as dit non, achève Ludia d’une voix douce.

Je lève vers elle un regard embué, et une larme silencieuse roule sur ma joue. Du bout du pouce, mon amie l’essuie avec une tendresse infinie.

— Tout va bien, ma chérie.

— Non, ça ne va pas ! J’ai brisé son cœur et je m’en veux terriblement.

— Ma douce, je sais que tu n’as jamais voulu lui faire de mal.

— Mais quand même ! Le mal est fait, Ludia !

— Imelda. Tais-toi. Tu as fait ce qu’il fallait. Tu as été honnête.

— Vraiment ?

— Tu m’as expliqué tes raisons, et je les comprends. Je les partage même.

— Mais...

— Mais rien du tout. Tu es une fille formidable, sweetie. Je suis certaine qu’il le sait.

— N’empêche... je m’en veux.

Avec un soupir, Ludia m’attire contre elle.

— Ton overthinking est épuisant.

— Je sais... sangloté-je.

— C’est rien.

— Je me suis toujours refusée à le voir autrement que comme un frère. Toujours. Et maintenant, j’ai même gâché cette amitié...

— Peut-être. Mais si tu es aussi bouleversée... Tu ne crois pas que c’est parce qu’au fond, toi aussi tu ressens quelque chose ?

— Je... ce n’est pas que... Je ne peux pas prendre le risque de l’emmener avec moi vers le bas. Parce que je ne suis pas assez forte pour l’élever avec moi.

— Love... murmure-t-elle avec douceur.

— Oui ?

— Tu veux bien arrêter de te sous-estimer deux minutes ? Il t’a demandé de l’aimer, pas de le sauver. Il t’a-t-il mis la moindre pression ?

— Non ! Mais...

— Dans une relation, tu n’as pas à porter tout le poids sur tes épaules. Vous êtes deux. Et crois-moi, je connais assez bien Alex pour savoir qu’il est capable de te soutenir, tout comme tu l’es pour lui.

— Tu penses ?

— Je sais.

— Mais maintenant, c’est trop tard. Je ne peux pas lui faire encore plus de mal.

— Tu veux vraiment le perdre ? Le laisser tourner la page et faire de toi un souvenir ?

— Non...

— Alors tu sais ce qu’il te reste à faire.

— Mais... j’ai peur.

— Je sais, souffle-t-elle. Et c’est normal.

Dring, dring.

La sonnerie d’un téléphone brise le silence pesant qui avait suivi nos mots.

— Tu permets, angel ?

J’acquiesce. Ludia décroche.

— Oui ? … Hein ? Quoi ? … Non. No way.

  • Qu’est-ce qu’il se passe ?

— On y va.

Elle raccroche brusquement et se redresse d’un bond.

— Maïa et Jacques ont eu un accident de voiture. Ils sont aux urgences.

Je me lève d’un coup, le cœur en vrac.

— Putain de merde… Ils vont bien ?

— On ne sait pas encore. État instable. Pas plus d’infos. Les autres nous attendent à l’hôpital.

— J’enfile quelque chose et j’arrive.

Cinq minutes plus tard, je la retrouve en bas de l’immeuble, enfilant ma veste à la hâte. Dans le tram, mes doigts s’agitent sans cesse — je tripote nerveusement mes manches, mes ongles, mes bagues.

— Hé, détends-toi. On est ensemble, souffle Ludia en posant une main sur mon bras.

J’essaye de respirer, d’ancrer mes pensées.

— Je suis inquiète…

— Je sais, bichette.

— Putain... C’est trop con...

— Les accidents arrivent. Et je suis sûre qu’ils sont entre de bonnes mains.

Sous une pluie battante, on court jusqu’à l’entrée de l’hôpital.

Devant, les mains dans les poches, un grand type aux épaules larges, blouson en cuir détrempé et clope entre les doigts, nous attend. Ses cheveux blonds, mi-longs, collent à son front : Thomas.

Je le serre dans mes bras sans réfléchir.

— Tom. Des nouvelles ?

— Jacques va bien.

Il salue Ludia d’une bise rapide.

— Et Maïa ? demande-t-elle d’une voix tendue.

— Salle d’op.

— Merde.

— Hémorragie interne, je crois.

— Putain… c’est grave…

Je m’effondre, les larmes jaillissent sans prévenir.

— Hé, ça va aller, murmure Ludia en tentant de me rassurer.

— Theresia est en salle d’attente, ajoute Thomas.

— Viens, bichette. Tu vas attraper la crève.

Ludia me tire doucement à l’intérieur. On suit Thomas jusqu’à un petit coin reculé de la salle.

Dès que je la vois, je fonds dans les bras de Theresia. Je sanglote contre son épaule sans pouvoir m’arrêter.

Un peu plus loin, Max et Alex discutent à voix basse. Je croise les yeux d’Alex. Ils sont remplis d’inquiétude. Je détourne le regard, incapable de soutenir sa douceur.

Theresia me fait m’asseoir dès que mes larmes se calment un peu.

Épuisée, je finis par m’endormir, recroquevillée contre un mur, roulée en boule dans un coin de la salle d’attente vide.

Quand j’ouvre les yeux, je suis recouverte d’une veste — sa veste. Assis à mes côtés, silencieux, Alex veille. Un peu plus loin, Ludia parle à voix basse avec Thomas, un gobelet fumant à la main.

Je cligne des yeux, encore vaseuse. En m’étirant, je manque de glisser du siège.

— Woah… fait Alex en me rattrapant.

— Merci…

Je suis reconnaissante à l’obscurité de cacher la chaleur qui grimpe à mes joues au contact, pourtant bref, de ses mains sur ma peau.

— Bien dormi ?

— Non… Des nouvelles ?

— Les parents de Jacques sont venus le chercher. Teresia et Max ont profité de leur voiture.
La famille de Maïa est au courant, mais ils ne peuvent pas venir avant demain à cause du mauvais temps. Elle est encore au bloc, mais elle est hors de danger.

— Ouf…

Je laisse échapper un soupir tremblant. Je le regarde à la dérobée : il est pâle. Ses cernes violets creusent son visage fatigué. Je n’ose pas lui demander s’il va bien.

— Tu tiens le coup ?

Il esquisse un sourire courageux, mais je vois bien qu’il vacille. Je sais que j’ai ma part dans ce regard un peu brisé.

Les mots de Ludia résonnent encore dans ma tête. J’inspire à fond.

— Alex...

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Papillon Bleu ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0