4 · Le cachot
Eldria dut cligner plusieurs fois des paupières pour que les larmes qui étaient venues s'y accumuler au fil de ces dernières minutes s'estompent. Reprenant, ses esprits, elle détailla la scène autour d'elle : Salini, toujours pratiquement nue, était agenouillée à ses côtés et la fixait d’un regard empli de compassion, sa main continuant de lui caresser tout doucement l'intérieur des cuisses. Sur sa gauche, les trois Eriarhis affichaient un sourire goguenard, les yeux rivés sur les formes dénudées de son corps étendu. Ce fut pourtant l’homme juste au-dessus de son visage qui, bien malgré elle, retint toute son attention. Son pantalon était baissé jusqu'au niveau de ses chevilles et sa tunique, lui tombant à la taille, ne cachait en rien le profil allongé de son pénis tortueux.
C'était la première fois qu'Eldria observait le sexe d'un homme, qui plus est en érection. Elle savait à quoi cela était censé ressembler, bien sûr, mais elle ne put s'empêcher de rougir davantage – si cela était encore possible – en découvrant la touffe hirsute de longs poils noirs fleurissant à la base d'un membre turgescent dont l'extrémité, encore dégoulinante d'un liquide visqueux et blanchâtre, semblait frémir au rythme décroissant du mouvement de va et vient que continuait de lui appliquer son propriétaire.
Alors que celui-ci poussait un dernier râle de plaisir, les yeux rivés au plafond, Eldria parvint à détacher son regard mortifié et à relever la nuque pour contempler son propre corps, rendu moite par la sueur. La provenance du liquide laiteux qu'elle sentait et observait sur ses seins dressés ne faisait pas vraiment de doute : le militaire à la toison blonde l'avait expulsé au moment où elle-même avait, elle aussi, joui sur le sol de pierre brut.
Après un court instant de flottement, celui qui avait ôté son pantalon daigna finalement baisser la tête et cesser de se caresser la verge. Il s'essuya le front puis, sans prendre la peine de se rhabiller, alla s’asseoir sur un banc proche en soufflant avec difficulté, un grand sourire déformant son visage semblable à celui d’un fennec échiné.
– Je... Je...
– On n'a pas su se retenir, hein ? railla son compagnon à la cicatrice en lui claquant le dos. Ça se voit que tu viens de débarquer, tu n’as pas dû voir de fille se trémousser devant toi depuis longtemps !
Les deux autres éclatèrent d’un rire guttural, avant d'être rejoints par le blond lui-même dans cette esclaffade le prenant pourtant pour cible.
– Plus d’un an ! s'écria-t-il. Depuis le début de cette foutue guerre !
Les quatre collègues rirent ainsi de bon cœur en tapant nonchalamment leur camarade encore cul nu sur l’épaule, agissant presque comme s’il venait tout simplement de perdre une vulgaire partie de cartes, ignorant momentanément leurs deux captives accablées.
Eldria reprenait peu à peu ses esprits. Elle ne parvenait plus à regarder Salini dans les yeux, avec qui elle venait de vivre sa première véritable expérience sexuelle, dans des conditions dégradantes pour chacune d’elles. Les deux voisines, autrefois bonnes amies et bien qu’elles ne l’aient jamais pleinement formulé, étaient en froid ces dernières années. Cependant, cette nouvelle réalité s'insinuait en Eldria comme une marque au fer rouge sur son âme, à jamais indélébile. Elle finit par se redresser péniblement et, sans tenir compte de l’humidité encore abondante de sa plus stricte intimité, elle saisit d'un geste vif, presque sauvage, son pagne et sa culotte restés au sol puis s'empressa de se coller dos au mur, derrière Salini, les jambes repliées contre elle, la tête entre les genoux, son habit de fortune dressé en avant telle une vaine tentative de protection. Elle était trop abasourdie pour pleurer, mais trop choquée pour ne pas trembler.
En face d'elle, les quatre malotrus avaient fini de rigoler benoitement. Eldria nota avec soulagement que le blond entreprenait enfin de se refroquer, camouflant ainsi ce sexe – ayant entre temps notablement perdu en volume – qu’elle ne saurait entrevoir davantage. Cette maigre consolation fut toutefois de courte durée car, déjà, les trois autres s’étaient retournés dans leur direction. Ils n’en avaient de toute évidence par terminé avec elles.
– Bien, s’exclama une nouvelle fois l'homme à la longue balafre. Merci à vous deux pour cet... avant-goût.
Avec horreur, et alors que le blond finissait de reboucler sa ceinture, Eldria comprit que les trois autres entreprenaient de dégrafer les leurs. Ses craintes les plus absolues étaient en train de prendre corps sous ses yeux épouvantés. Avait-elle été sotte au point de se figurer que leurs bourreaux les laisseraient repartir sans demander leur reste ? Bien qu’inexpérimentée, elle n'était pas inculte au point d’ignorer que les hommes avaient une forte propension à vouloir toucher, et non pas seulement se contenter de regarder. Le soldat blond avait, semblait-il, perdu tout appétence sexuelle à leur égard après s’être épandu ainsi précocement ; mais les trois autres, eux, avaient certainement l’intention d'en profiter encore. Il ne leur fallut que quelques secondes pour retirer vestons et pantalons. Bientôt, ils furent tous trois nus au milieu de la pièce. Entièrement nus.
Eldria détourna les yeux. Alors qu'elle-même avait éprouvé une insondable honte à devoir se dévoiler ainsi devant de parfaits inconnus – et même devant Salini –, ceux-ci, non contents d’exhiber leurs verges longues et dures, semblaient puiser leur excitation dans les réactions troublées de leurs deux captives. Ou plutôt d'une seule d’entre elles : Salini, en effet, ne rougissait guère plus que lorsqu’elle avait eu à se dénuder partiellement une poignée de minutes plus tôt. La vue de ces hommes en pleine érection, leurs regards avides fixés sur elle, ne l'atteignait visiblement pas autant qu'Eldria et ne semblait guère l’incommoder outre mesure.
– Il vous reste du boulot, mesdemoiselles.
Le soldat à la cicatrice s'adressa à ses deux sous-fifres :
– Vous deux, vous prenez la blonde, ordonna-t-il en désignant nonchalamment Salini comme s’il s’était agi d’un morceau de viande. Moi, je prends l’autre.
Eldria sentit son estomac se nouer douloureusement. Elle ne parvenait plus à penser convenablement. En entendant les trois hommes qui avançaient à pas feutrés, elle se résolut à contempler cette menace approchante. Le regard qu’elle leur lança était apeuré, paniqué même. Que faire ? Les implorer ? C'était inutile, elle avait été conduite ici de force dans un seul et unique but – elle le savait désormais : être abusée sexuellement. Ces brutes ne se laisseraient aucunement attendrir et elle ne voulait pas leur faire le plaisir de les supplier. Fuir ? À quoi bon ! Le chemin menant à la sortie était bardé de portes closes et de grilles verrouillées à double-tour. Elle n'était de toute façon même pas certaine que, si elle se levait maintenant, ses jambes flageolantes supporteraient son propre poids. Sans compter qu'elle était nue comme un ver, elle n’irait pas bien loin avant de se faire rattraper et d’en subir les conséquences. Se battre ? Leur faire face ? Ridicule.
L'homme à la cicatrice, le plus âgé et le plus imposant des quatre, arrivait à son niveau. Il allait bientôt lui demander de faire des choses qu'elle préférait ne même pas imaginer. Devrait-elle lui toucher le sexe et reproduire ces mouvements de va et vient dont elle avait été témoin malgré elle quelques minutes auparavant ? Puis viendrait alors le fatidique moment où, à n’en pas douter, il attendrait d’elle qu’elle se livre à lui, inconditionnellement. Il faudrait ensuite peu de temps à cet agresseur en puissance pour se rendre compte que sa victime était encore... innocente. Ce qu’il ferait alors de cette découverte restait à déterminer.
Piégée dans ce corps aux atours féminins dont la nature l’avait dotée, Eldria ne s’était jamais sentie si frêle, si vulnérable. Dans un moment d’égarement, tandis qu’un sexe turgescent approchait dangereusement de son visage, elle envisagea sérieusement de se cogner violemment le crâne contre le mur dans son dos. Avec un peu de chance, elle perdrait connaissance et serait inconsciente quand...
Un mouvement sur sa droite la tira de ses rêveries dévoyées. Salini s'était dressée face aux trois militaires impétueux. Malgré sa petite taille en comparaison de ces impressionnants mâles en rut aux épaules carrées et aux pectoraux saillants, il se dégageait d’elle, les bras largement écartés comme pour faire barrage, une aura d’inflexible détermination.
– Attendez ! s'écria-t-elle les poings serrés, faisant de son corps pourtant pratiquement réduit à sa plus simple expression un bouclier entre Eldria et leurs bourreaux.
Tous trois la considérèrent d’un air où se mêlaient étonnement et courroux.
– Attendez, répéta-t-elle. Je... j'ai une proposition.
Pour la première fois depuis qu'elle était entrée en ce lieu, Eldria la vit rougir.
– Tu n'es pas en position de négocier, s'impatienta l'un de ses interlocuteurs.
Salini déglutit, mais ne se démonta pas pour autant.
– J-je ne l'ai jamais fait avec trois hommes en même temps, implora-t-elle d'une petite voix en baissant les yeux. S'il vous plaît... ne la touchez pas.
Elle désigna Eldria et un court silence s'installa. Les trois Eriarhis s’échangèrent des regards consternés, comme s’ils n’avaient jamais cru possible que l’une de leurs victimes soit à l’initiative d’une telle proposition. Le plus haut gradé des trois se mit à gratter le sommet de son crâne chauve. Il jeta un coup d’œil à Eldria, prostrée à ses pieds, puis détailla les formes avantageuses de Salini, dont il avait un bel aperçu juste sous le nez. Alternant longuement entre l'une et l'autre, un lourd dilemme semblait faire rage au sein de son esprit mauvais. Finalement, après une très longue hésitation, il se détourna d'Eldria après l’avoir une dernière fois considérée de toute sa hauteur, d’une mine presque dépitée. Son choix était fait et il s'approchait donc de Salini, rejoignant de fait ses deux collègues.
– D'accord, grogna-t-il. Tu as intérêt à être à la hauteur !
Il se tourna vers le soldat blond, qui était resté dans son coin en s’intéressant davantage à sa choppe qu’à la scène irréelle qui s’apprêtait pourtant à se jouer tout proche de lui.
– Toi, le nouveau ! aboya-t-il. Ramène celle-là dans sa cellule avant que je change d'avis.
Il fit un signe de tête dédaigneux en direction d'Eldria. L’indélicat bougre – qui ne participait plus aux festivités – maugréa mollement mais consentit à quitter son banc, la chemise encore à moitié débraillée.
– Et arrange-moi cette tenue ! le reprit son supérieur. Si on te voit comme ça, les autres risquent de se poser des questions et de se demander ce qu’on fait ici.
Le blond ajusta rapidement son accoutrement, puis il s'approcha d'Eldria en lui ordonnant de se redresser. Les chevilles chancelantes, celle-ci s’exécuta tant bien que mal, ne se faisant pas prier pour enfin s’enfuir d’ici. Elle prit bien soin, en se levant, de tourner le dos aux autres, soucieuse de ne pas s'exposer une seconde supplémentaire aux regards voraces de ces hommes peu scrupuleux. Elle se hâta d'enfiler sa culotte, consciente que tous les regards étaient tournés vers ses fesses nues. Avec son pagne – car c’était la seule chose qu’elle avait sous la main – elle s’employa prestement à essuyer le liquide laiteux et malodorant qui avait commencé à sécher sur sa poitrine, avant d’enfiler le misérable vêtement avec dégoût.
Avant d’enfin sortir de cet enfer, elle lança un dernier coup d’œil dans son dos et contempla avec horreur la scène qui s'offrait à elle : l'homme à la cicatrice s'était allongé sur l’une des tables au milieu de la pièce, son énorme verge s'élevant, telle une tour veineuse, vers le plafond. Salini s'était approchée de lui, les yeux baissés, et était en train de retirer sans pudeur sa culotte – son dernier vêtement – qu’elle jeta par dépit au-dessus de son épaule. Elle s’aida ensuite du banc mitoyen pour venir se placer au-dessus du gradé, présentant le bas de son ventre à l’entrejambe de ce dernier. Eldria ne put s’empêcher de remarquer la peau lisse comme la soie au-dessus et autour du sexe de sa comparse, là où elle-même avait vu pousser, sur son propre corps au cours de ses années d'adolescence, de fins poils devenus de plus en plus foncés au fil des ans.
Salini écarta les cuisses, ses pieds reposant sur les assises de chaque côté de la massive table en bois, sa matrice glabre exhibée telle une offrande au phallus érigé de l'homme à la cicatrice. Dans le même temps, l’un des participants vint se positionner dans son dos en l’agrippant par les seins tandis que son acolyte se plaçait plutôt devant, leurs deux sexes droits comme des bâtons.
Eldria ne sut jamais avec certitude ce que dut endurer son amie d’enfance dans les instants qui suivirent. Le soldat blond, arborant une expression malsaine, la poussa en effet brusquement hors de la pièce. Pour dernier souvenir, elle conserva l’image de Salini et de son sourire apaisant à son attention. Ses yeux emplis de tendresse lui crièrent, en guise de chant du cygne, de filer sans s’inquiéter pour elle, avant que la porte ne se referme dans un claquement sec.
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