10 · Dan

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Eldria resta prostrée à terre, les yeux plus que jamais embués par les larmes, le visage collé contre le sol de pierre froide. Dans quelques secondes, elle le savait, l'homme qui l'avait menée ici allait se jeter sur elle. Il commencerait probablement par lui ôter sa robe, puis il s'empresserait ensuite de lui arracher violemment sa culotte. Une fois totalement nue et à sa merci, il la jetterait certainement sur le lit – dont Eldria devinait les pieds à sa gauche –, puis elle entendrait l'homme défaire sa ceinture et baisser son pantalon. Finalement, il lui écarterait violemment les cuisses et lui planterait son sexe impatient dans le sien, impuissant, offert en pâture sans qu'elle ne puisse s’y opposer. Une longue verge entrerait, une virginité jusque-là préservée s’en irait, évanouie à tout jamais.

Les secondes défilèrent comme autant de mortels carreaux sifflant dans sa direction. À tout moment, Eldria s’attendait à être saisie par les épaules et impitoyablement violentée. Cinq secondes. Dix secondes. Quinze. Vingt... Elle tourna lentement la tête en direction du lit, puis du reste de cet environnement nouveau. Elle cligna rapidement des yeux pour tenter d'y voir un peu plus clair, son cœur continuant de battre à tout rompre dans sa poitrine. Elle se trouvait dans une toute petite chambre aux murs blancs, dont le mobilier consistait en un unique lit surmonté d'un matelas de plumes. Une torche solitaire accrochée au mur éclairait l'ensemble d'une vive lumière orangée.

Naturellement, son regard se porta enfin sur l'homme qui se tenait debout face à elle : alors qu'elle battait rapidement des cils, elle distinguait avec de plus en plus de netteté les traits de celui qui l’avait transportée dans cet endroit. C'était un jeune homme de taille moyenne, vingt-cinq ans environ, mal rasé, les cheveux bruns coupés courts, la mâchoire carrée. Il était revêtu d’une tunique en cuir marron et d’un simple pantalon rembourré, tandis qu’à sa ceinture pendait une épée courte. Quand elle aperçut celle-ci, Eldria eut un soudain mouvement de recul. Les fesses sur le sol, elle rampa précipitamment en arrière, apeurée, jusqu’à se retrouver littéralement dos au mur.

Immédiatement, le jeune homme s'accroupit devant elle et fit un geste dans sa direction. Eldria émit un petit cri de détresse et se blottit de plus belle contre la cloison. À tout instant, elle s'attendait à ce qu'il la saisisse par le devant de la robe et qu’il la lui arrache sans ménagement. Il n'en fit cependant rien. Au contraire, l'homme semblait lui tendre la main, comme pour l'aider à se relever.

– Tu n'as rien à craindre, dit-il d'une voix douce.

Il la fixait avec de grands yeux d’un brun cuivré, un maigre sourire aux lèvres. Dans d'autres circonstances, elle aurait pu le trouver séduisant. Tous deux se dévisagèrent pendant quelques instants, lui avec un sourire rassurant, elle avec une appréhension et une méfiance certaines. Ne sentant aucun danger immédiat, elle consentit finalement à cesser de sangloter mais ne baissa pas sa garde pour autant : il s’agissait peut-être d’un stratagème pour l'amadouer.

– Comment t'appelles-tu ? finit par demander l'Eriarhi d'une voix posée, sans la quitter des yeux.

Eldria demeura muette.

– Moi c'est Dan, enchanté.

Constatant que son interlocutrice ne réagissait pas davantage, il baissa la main d’un air désappointé.

– Je ne te ferai rien, c'est promis.

Eldria le considéra dubitativement. Comment pouvait-elle faire confiance à cet inconnu dans une telle situation ? Subitement, elle réalisa qu’en étant assise de la sorte à même le sol, ses jambes étaient légèrement écartées, ce qui laissait entrevoir une bonne partie de ses cuisses sous sa robe. Elle s'empressa donc de ramener les genoux contre elle. L'homme qui prétendait se prénommer Dan fit mine de n'avoir rien remarqué.

– Je suis désolé si je t'ai fait effrayée. Ce n’était aucunement mon intention.

Un court silence s'installa. Eldria ne le regardait plus, elle ne voulait surtout pas lui donner la satisfaction d'entrer dans son jeu. Tout ceci n'était sûrement qu'une vaste comédie.

– Je suppose que ces derniers jours n’ont pas été simples pour toi. Je suis désolé pour tout ce qui t'a été fait, vraiment. Tu es nouvelle, n'est-ce pas ? Les filles ici subissent vraiment des épreuves horribles.

– Où sont mes amies ? parvint à formuler Eldria d'une voix faible.

Le jeune homme haussa un sourcil.

– Tes amies ? Je suis navré, quand je t'ai trouvée tu étais seule. Je n'ai vu personne près de toi.

Eldria ferma les yeux, lassant échapper un autre sanglot défait. Salini et Karina étaient certainement en train d'être abusées en ce moment même derrière l’un de ces murs. Sans compter Dricielle.

Le dénommé Dan demeura immobile, ses grands yeux prunes fixés sur elle.

– Tu sais, tu ne payeras pas plus cher en t'asseyant, dit-il en tentant un trait d’humour. Ce sera plus confortable que par terre.

Eldria le sonda quelques instants, les sourcils froncés. Était-il vraiment un si bon comédien ? Quel intérêt avait-il à se jouer ainsi d’elle ? S'il avait voulu l’agresser, il n'aurait, sans l’ombre d’un doute, eu aucun mal à la maîtriser afin d’obtenir par la force ce qu'il désirait. Elle était en effet plus petite et bien plus chétive que lui. Cependant, elle commençait en effet à ressentir des douleurs au dos ainsi qu’aux fesses et le jeune homme ne semblait guère présenter de danger dans l'immédiat. Péniblement, elle se redressa et, les jambes chancelantes, elle alla s’asseoir timidement sur le bord du lit, les genoux relevés et le dos voûté, ses cheveux châtains lui tombant en bataille tout autour des joues.

Pour son plus grand soulagement, l’Eriarhi ne fit aucun mouvement, se contentant de rester debout à deux bons mètres de distance. Une bonne minute s’écoula sans que ni l'un, ni l'autre, n’émette le moindre son.

Ce fut finalement Dan qui brisa le silence :

– Écoute, tu es nouvelle, tu ne sais peut-être pas comment ça marche. Ni la raison de votre présence à toutes ici.

Partagée entre l'appréhension et la curiosité, elle daigna tourner un œil vers lui.

– C'est très simple, mais c'est... un peu délicat à expliquer.

Il s'appuya contre le mur en face de là où Eldria était assise.

– Ce que tu as déjà certainement dû comprendre, c'est que tu es une prisonnière de guerre. Tu as été conduite dans ce poste avancé sous contrôle de l'armée d'Eriarh, armée dans laquelle je sers, en guerre avec ton pays depuis un peu plus d’un an, mais là je ne t'apprends rien. Nous sommes ici dans un ancien complexe sélénien, que nous avons capturé il y a environ dix mois et qui nous sert maintenant de quartier général dans la région.

Contre toute attente, il avait réussi à capter l’attention de son interlocutrice. C'était enfin l'occasion d'en apprendre davantage pour Eldria, qui ne baissait cependant pas sa garde pour autant.

– Ce que nos chefs de guerre n'avaient pas anticipé, c'était qu'il serait ardu de mener au combat plusieurs dizaines de milliers d'hommes loin de chez eux, sur une aussi longue période. Loin de leurs familles, loin de leurs vies... Vous envahir n'était pas si aisé qu'on aurait pu le croire. De nombreux problèmes ont commencé à se présenter. Celui de la nourriture notamment. Nous ne pouvions pas uniquement compter sur le pillage des ressources séléniennes, la plupart des cultures ayant été saccagées. C'est pourquoi nos dirigeants ont rapidement mis en place un système d'importation de denrées pour tous nos avant-postes. Mais le même problème s’est bientôt posé pour l'eau. Nous avons perdu plusieurs centaines d'hommes au cours des premières semaines d'occupation à cause de puits ou de sources minérales empoisonnés par vos armées. Des citernes ont donc été dépêchées pour subvenir au manque d'eau de nos forces, le temps de stabiliser la situation.

Eldria ne savait plus quoi penser. Pour quelles raisons lui expliquait-il tout cela, elle qui n’était qu’une simple fille de ferme sans histoire ?

– Nous avions la nourriture, nous avions l'eau, nous avions des forgerons pour nous fournir en armes, des armuriers pour réparer nos plastrons et des infirmiers pour soigner nos blessés. Tout était réuni pour gagner cette foutue guerre. Pourtant, il restait un élément crucial auquel nos dirigeants n’avaient pas songé.

Tel un curieux professeur qui déclamerait son cours, il se mit à faire les cent pas dans la minuscule chambre.

– À part l'eau et la nourriture, que peut-il bien manquer à un homme qui part en campagne plusieurs mois durant ?

Il se tourna vers Eldria, s’attendant vraisemblablement à ce qu’elle lui réponde.

– Le sexe, reprit-il le plus simplement du monde en la découvrant toujours aussi dubitative. Privez un homme de sexe pendant une longue période et ses actions deviendront moins prévisibles. Les agressions dans les villes et villages occupés sont très rapidement devenues un réel problème pour nos généraux. Non seulement beaucoup de soldats se mettaient à quitter leurs postes pour aller trouver et abuser de pauvres femmes qui n'avaient rien demandé dans les bourgades alentours – accroissant ainsi considérablement les cas de manquement à la discipline –, mais aussi, et surtout, cela dégradait énormément les relations avec les populations locales. Comment demander à tout un peuple de coopérer alors que dans le même temps leurs femmes et leurs filles sont sauvagement battues et violées chaque jour dans les ruelles ? Cela a fini par devenir aussi problématique que le manque de nourriture et d'eau potable.

Eldria commençait à entrevoir petit à petit les pièces du puzzle s'assembler.

– L'idée émana de l'une de nos plus importantes têtes pensantes : le général Korm. Selon lui, c'était du gâchis de laisser ces malheureux déboires s'exprimer de manière désordonnée. Il lui fallait trouver un moyen de contrôler tout cela efficacement. C’est ainsi qu’il a eu l’idée de la prison dans laquelle nous nous trouvons, ainsi que plusieurs autres lieux du même acabit disséminés sur le territoire conquis. Son objectif était limpide : plutôt que de laisser les Séléniennes être abusées aux quatre coins du territoire, il était largement plus efficace de toutes les rassembler en un seul et même lieu et d'organiser leur abus collectif de manière contrôlée.

Un long silence suivit ces paroles révoltantes, qui jetaient une lumière crue sur les épreuves qu’Eldria et ses camarades avaient endurées depuis la veille. La présence de toutes ces femmes ici-même n’avait nullement pour objectif premier d’en faire l’abject commerce réservé à de fortunés Eriarhis corrompus. C’était pire encore : reléguées au rang d’objets, leur rôle consistait en fait à servir d’attraction sexuelle pour toute une armée, qu’il fallait maintenir motivée ! Ce faisant, elles participaient, malgré elles, à l’effort de guerre ennemi.

Une fois encore, Eldria eut un soudain haut-le-cœur mais n'avait toujours rien dans l’estomac, aussi toussa-t-elle avec force en se contorsionnant péniblement sur le lit. Dan se précipita dans sa direction comme s’il cherchait à l’aider, mais elle eut un brusque mouvement de recul en le voyant approcher si hâtivement. Il s'interrompit.

– Je... désolé, s’excusa-t-il.

Passée cette fulgurante nausée, Eldria se ressaisit et parvint à se redresser en position assise. Elle se prit la tête entre les mains.

– P-pourquoi me laisser... moi ? parvint-elle à demander, la mâchoire serrée et les yeux fixés sur le sol de pierre.

Dan hésita.

– Normalement, toutes les femmes avec qui tu es entrée dans le grand réfectoire doivent être choisies par l'un de nous, consentit-il finalement à expliquer. Ensuite, nous les emmenons dans une pièce telle que celle-ci. Comme cela, chacune peut être... abusée tranquillement.

– C'est horrible, hoqueta Eldria, horrifiée.

– Oui.

Il marqua une courte pause, puis reprit d’une voix embarrassée :

– Il y a autre chose dont je ne t’ai pas encore fait part.

Elle leva vers lui des yeux interrogateurs. Quoi qu’il pût dire, elle ne voyait pas comment la situation pourrait empirer.

– Eh bien... le Général Korm tient vraiment à ce que tous ses soldats obéissent à ses directives. Ce n'est pas uniquement pour notre bien, mais surtout pour s’assurer que les pulsions de ses troupes seront moins obsédantes sur le terrain. Tu comprends, une fois satisfaits, nous sommes censés être plus malléables. C’est une vaste sottise si tu veux mon avis.

Il se gratta l’arrière du crâne, l’air soudainement gêné.

– C’est assez délicat. Après chacun de nos rapports avec vous, il a donné pour ordre de faire vérifier que nous avons bien, heu... consommé le moment. D'une minute à l'autre, quelqu'un va rentrer dans la pièce pour s'en assu-

Mais il s’interrompit soudainement. Déjà, Eldria s'était levée pour mieux se recroqueviller au fond du lit. Elle avait été idiote au point de croire brièvement que ce beau-parleur ne lui ferait rien ! La peur l'empoigna aussi brusquement qu'elle s’était estompée.

– Non ! s'écria-t-elle. Je refuse !

Elle se plaqua contre le mur une nouvelle fois, mais cette fois-ci Dan se jeta sur elle et lui saisit l’épaule.

– Non ! sanglota-t-elle. Laissez-moi !

– Calme-toi ! Laisse-moi terminer.

– À l'aide ! Laissez-moi partir, par pit-hmmpfff-

Dan venait de lui plaquer la main contre la bouche pour l'empêcher de hurler. De l'autre bras, il la maintenait fermement en place afin de l’empêcher de se débattre.

– Je ne te ferai pas de mal.

Leurs visages étaient pratiquement collés l’un à l’autre. Eldria expirait et inspirait fortement par le nez, le fixant d'un air effrayé.

– Écoute-moi. Je ne vais pas te toucher. Dans quelques instants, quelqu'un va débarquer dans cette pièce et va vérifier que j'ai bien, heu... disons... fait mon office. Et si ce n'est pas le cas, ils vont croire que c'est parce-que tu as résisté. Ils te puniront pour ça, tu as bien compris ? Crois-moi, j'aimerais te proposer une autre solution, mais il n'y en a pas.

Il relâcha légèrement son étreinte. Eldria, les yeux écarquillés, hésita mais ne tenta finalement pas de se débattre.

– Normalement ils nous laissent entre dix et vingt minutes, or cela fait déjà plusieurs minutes que nous discutons. Nous n'avons plus beaucoup de temps, la porte peut s'ouvrir d'un instant à l'autre. Écoute, je vais retirer ma main de devant ta bouche, promets-moi de ne pas crier et moi je te promets que je ne te ferai aucun mal. Si je l'avais voulu, j'aurais eu de nombreuses occasions de le faire.

Après quelques secondes et sans le quitter des yeux, Eldria consentit d'un bref signe de tête. Comme convenu, Dan retira doucement sa paume et recula d'un pas. Eldria ne cria pas, mais fuit son regard, consciente de ce qu'il allait désormais lui demander.

– Dernière chose. Ils s'attendront aussi à ce que l'on soit déshabillés. Tous les deux.

Plus d'échappatoire possible. Eldria allait bientôt savoir si tout ceci n'était qu'une vaste comédie destinée à la faire ôter ses vêtements par elle-même pour pouvoir ensuite lui dévoiler ses véritables et sombres intentions. Elle n'avait guère d’autre choix cependant : si ce dénommé Dan disait vrai, il fallait qu'elle se dévêtisse car c'était soit cela, soit risquer les représailles de Madame Martone, ce dont elle n’aspirait pour rien au monde. De plus, si d’aventure l’Eriarhi lui mentait depuis le départ, en constatant qu’elle ne coopérait pas il aurait alors tout loisir de tomber son masque et de lui arracher ses vêtements lui-même. Dans tous les cas, elle était perdante, il paraissait donc préférable d’adopter le scénario pour lequel elle pouvait, à tout le moins, avoir la décence de se déshabiller de son plein gré.

À contrecœur, elle se positionna donc dos à lui et entreprit de dénuder lentement ses épaules. Ensuite, elle saisit l’étoffe délicate de sa robe par les côtés et, se contorsionnant pour la faire glisser, elle la laissa choir jusqu’à ses pieds. D’un mouvement malhabile de la cheville elle repoussa le tissu puis, sans chercher à intellectualiser ses gestes, elle pinça cette fois-ci sa culotte et la baissa promptement, se sentant immédiatement rougir. Heureusement, derrière elle, Dan ne fit aucun commentaire sur ses formes exposées dans leur plus pure expression.

– Il faudrait que tu... hésita-t-il. Eh bien... que tu te penches un peu pour que... Tu sais bien.

Sans se retourner par pudeur, Eldria se mit à genoux devant le lit et étendit le haut de son corps sur le matelas. Elle sentit le rembourrage de plumes douillet épouser avec douceur la forme de ses seins, tandis que ses fesses étaient maintenant levées en direction du jeune homme, comme proposées en offrande. Se sentant plus misérable que jamais, elle posa la joue contre le matelas et s’aperçut que l’unique torche flamboyant à ses côtés projetait sur le mur nacré son ombre mince, cambrée vers l’avant.

Derrière, telle une estampe animée sur une toile, l’ombre mouvante de Dan attira son attention. Malgré elle, elle l’observa sans pour autant le voir alors qu’il se dévêtait à son tour. La silhouette brumeuse retira d’abord soigneusement sa chemise puis s’employa ensuite à défaire sa ceinture dans un cliquetis métallique avant de, enfin, baisser son pantalon. Ni Eldria, ni Dan ne parlèrent pendant ce temps. On entendait seulement le froissement discret des vêtements du jeune homme, que le faible crépitement de la torche ne parvenait pas à couvrir.

Une fois que Dan se fut lui aussi déshabillé, il vint se placer derrière Eldria. Immédiatement, cette dernière sentit contre l’arrière de ses cuisses tressaillantes la chaleur émanant de cet autre corps qui s’approchait du sien. « Et voilà », songea-t-elle. Maintenant qu'elle était nue et prête à s'offrir à lui sans résistance, elle était sur le point de découvrir s'il allait tenir parole. À tout instant, elle s'attendait à sentir les lèvres de son innocente vulve s'écarter sans qu’elle puisse s’y opposer. Que ressentirait-elle ? Aurait-elle mal ? Dans une ultime tentative de préservation, elle serra inutilement les fesses, consciente que cela ne servirait désormais absolument plus à rien. Elle ferma les yeux et se sentit bête. Bête et humiliée.

Au terme d’une longue attente, finalement, son sexe impuissant ne fut guère mis à contribution. Elle rouvrit les paupières et observa encore les ombres sur le mur. La silhouette de Dan avait baissé le bras et administrait un mouvement régulier d’avant en arrière sous son propre bas-ventre, le long d’une forme indistincte qu’elle devina comme étant celle de son pénis. C'était la deuxième fois qu'un homme se masturbait sur elle en moins de vingt-quatre heures et elle ne put s’empêcher de se demander ce qu’elle avait bien pu faire pour mériter ce sort. Toutefois, contrairement à la veille, elle fut gagnée par un semblant de soulagement : Dan, qu’elle ne connaissait que depuis une dizaine de minutes, avait tenu parole. Elle avait du mal à le croire, mais l’Eriarhi avait fait preuve d’honnêteté et, dans la mesure du possible, de respect.

À mesure qu’il secouait silencieusement la main le long de sa verge à laquelle elle préférait ne pas trop songer, Eldria remarqua que l'ombre du jeune homme s'agrandissait en cet endroit. Bientôt, alors que l'on entendait plus que le ténu bruit de frottement caractéristique que cela provoquait – bruit qu'elle ne put s'empêcher de rapprocher de celui que son propre sexe émettait dans des conditions similaires – elle distingua l'ombre du sexe de Dan sur le mur, directement pointé sur ses reins exposés. Pendant non moins que deux minutes, elle demeura parfaitement immobile, dans l’attente embarrassée qu’il termine sa besogne. Elle ignorait tout de la stimulation masculine et se surprit à s’interroger sur le temps qui était en moyenne nécessaire à un homme pour jouir. Cela durerait-il encore longtemps – comme pour elle, parfois, lorsqu’elle s’adonnait à cet exercice ordinairement solitaire ?

Dans son dos, le souffle jusqu’alors doux et régulier du jeune homme augmentait peu à peu en intensité. Sur le mur, elle devinait son poignet qui s’agitait désormais avec une extrême rapidité, comme s’il souhaitait que cela se termine sans perdre de temps. Comment faisait-il pour ne pas se faire mal à cette vitesse ?

Par-dessus tout, Eldria redoutait de tourner davantage le visage et de regarder derrière elle. L’agression de la veille lui avait amplement suffi, elle n’était de ce fait aucunement désireuse de découvrir ce que donnait le corps nu d’un autre homme en train de se caresser la verge à quelques centimètres à peine au-dessus de son postérieur C’était déjà suffisamment déplaisant de se représenter encore et encore la scène en pensée...

Soudain, elle décela que ledit homme commençait à adopter des mouvements plus erratiques. En observant son ombre, Eldria constata sans vraiment le vouloir qu’il avait altéré le rythme de ses va-et-vient. Il pencha alors légèrement la tête en arrière, comme s'il regardait le plafond. Au même moment, Eldria sentit un liquide chaud se déverser par petites pulsations intermittentes sur le bas de son dos. À n’en pas douter, il s’agissait de la semence du jeune homme, qu’elle ne connaissait pourtant que depuis une quinzaine de minutes. Elle se crispa et referma les yeux en devenant écarlate, dans l’attente qu’il termine et que ce moment inavouable s’achève.

Pendant toute la durée de son orgasme manuellement provoqué, Dan n’émit pas le moindre son – Eldria s’en trouva soulagée : au moins ne s’abandonnait-il pas sans gêne à l’expression de son plaisir. Tout au plus percevait-on sa respiration légèrement saccadée, comme après une course à petite foulée. Elle vit alors l’ombre du jeune Eriarhi s’éloigner adroitement de la sienne, veillant à ne pas la frôler. En silence, il s’épongea discrètement le front du revers l’avant-bras. Il faisait chaud dans cette étroite pièce, et ce n'était certainement pas seulement à cause des flammes crépitantes de la torche.

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