14 · Cueillette et embarras

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Sous un mirifique soleil d’été, la vie à la ferme suivait paisiblement son cours. Environ deux mois s’étaient écoulés depuis la toute première expérimentation nocturne d'Eldria, et si cette découverte n’avait en rien bousculé le rythme soutenu de ses journées, elle avait au moins eu le mérite de les pimenter un peu. Il était en effet devenu habituel pour Eldria de s’accorder un petit instant de relaxation en solitaire au soir venu, avant d’aller dormir, et parfois même le matin au réveil lorsqu’elle s’en sentait d’humeur.

Afin de varier les plaisirs, elle avait développé plusieurs approches au fil des semaines : parfois, elle se touchait avec la main droite, parfois avec la gauche, parfois en se caressant la poitrine, parfois non. Plutôt que de rester allongée sur le dos, il lui arrivait aussi de se laisser aller à quelque fantaisie : s’allonger sur le ventre, ou s’abandonner à genoux, penchée sur les draps. Parfois elle se déshabillait entièrement, savourant chaque frisson ; d’autres fois, elle préférait glisser ses doigts impatients sous sa culotte déjà humide. Et les jours où le désir la gagnait plus vivement, elle s’autorisait même – en rougissant rien qu’à l’idée – à introduire le bout frémissant d’un doigt en elle.

Elle s’abandonnait mêmes parfois à quelques petites folies, comme ce jour où, trop excitée alors qu’elle se trouvait seule dans l’écurie, elle avait baissé sa culotte jusqu’aux cuisses, soulevé sa robe, et s’était mise à se caresser lascivement, au beau milieu de la journée, sous le regard distrait des chevaux. Cette dimension transgressive, tout comme le frisson de pouvoir être surprise à tout moment, avaient éveillé en elle des sensations loin d’être désagréables.

Son imagination n’était pas en reste et accompagnait favorablement toutes ces séances d’onanisme par des pensées ou des images quelque peu coquines, parfois franchement osées. Souvent, elle essayait de reconstituer aussi fidèlement que possible dans son esprit la scène surprise dans la grange, ce jour-là, avec Troj, Aran, et Salini. Il lui arrivait même d’imaginer ce qu’elle aurait pu voir si elle avait osé rester quelques instants de plus, accroupie entres les fanes des carottes.

Elle n’avait encore jamais observé une femme et un homme en plein acte – et encore moins une femme avec deux hommes. Alors, son esprit comblait les blancs : elle visualisait Salini, à quatre pattes dans le foin, gémissant bruyamment sous les assauts d’un des garçons, tandis que l’autre, debout, se caressait lentement en les regardant, le regard brûlant, la main serrée sur son sexe.

Toutefois, ce qui excitait le plus Eldria, ce qui lui faisait le plus tourner la tête au moment de se laisser aller à jouir... c’était d’imaginer Jarim, son meilleur ami, dont elle était secrètement amoureuse depuis l’enfance. Les sentiments qu’elle éprouvait à son égard avaient peu à peu évolué au fil des années : d’une simple et tendre affectation quand elle n’était encore qu’une enfant vint l’amourette d’adolescents lorsque, à l’âge de douze ou treize ans, elle s’était rendu compte que son cœur se mettait à battre de plus en plus fort en sa présence. Puis, à mesure que les années passaient et que leurs corps changeaient – la poitrine et les hanches pour elle, les épaules et les abdominaux pour lui – elle se découvrit un trouble nouveau : à chaque fois que Jarim ôtait sa chemise, que ce soit pour la baignade au lac ou les travaux à la ferme, elle sentait ses joues s’embraser sans pouvoir rien y faire.

C’était d’ailleurs un évènement tel que celui-ci qui lui avait valu de vivre l’un des moments les plus cocasses de son existence, à peine quelques jours plus tôt : avec un groupe de femmes, elles étaient parties en milieu de matinée en direction de la forêt afin de cueillir quelques baies sauvages. Les hommes, quant à eux, s’attelaient à abattre les premiers arbres, non loin, en prévision de l’hiver.

Aux premières chaleurs du jour, il ne fallut pas longtemps à Eldria pour repérer Jarim : torse nu, hache en main, il taillait vigoureusement dans le bois, concentré sur le malheureux tronc face à lui. Des gouttes de sueur perlaient sur sa peau sombre et, astucieusement postée à l’affût derrière un buisson sous prétexte de récolter des framboises, elle ne loupa pas une miette du spectacle viril que proposaient les muscles dorsaux de son ami à mesure qu’ils se contractaient et se rétractaient, au rythme des puissants coups de hache.

Après quelques minutes d’observation soutenue, incapable de penser à autre chose – ni de se contenir plus longtemps – Eldria prétexta une envie pressante et s’éclipsa précipitamment vers la ferme. Ce n’était pas tout à fait un mensonge, en vérité : elle avait bien une envie pressante... mais d’une toute autre nature que celle à laquelle on aurait pu croire.

Sa maison était déserte à cette heure-là. Ni une ni deux, elle grimpa les escaliers quatre à quatre, se précipita dans sa chambre et referma la porte d’un geste brusque. À peine une seconde plus tard, sa robe et sa culotte voltigeaient déjà à travers la pièce, et elle s’avachissait sur son lit, haletante. Elle ne savait dire si c’était la chaleur ou l’excitation, mais son sexe était trempé. Lorsqu’elle commença à se caresser avec une ardeur inhabituelle, le bruit humide de ses doigts glissant sur sa chair se fit plus sonore qu’à l’accoutumée. Pourtant, cela ne la perturba nullement : elle était seule, sans personne pour la juger, aussi se permit-elle d’être plus bruyante qu’à l’accoutumée. Des gémissements de plus en plus prononcés se firent bientôt entendre dans sa modeste chambre, inondée d’un vibrant soleil d’été.

Cela aurait pu en rester là... mais il n’en fut rien. En deux minutes à peine, en effet, et à force de rejouer dans sa tête les images encore fraîches du dos musculeux de Jarim en pleine activité, elle avait déjà atteint son apogée. Comme lors de chacun de ses orgasmes les plus intenses, elle sentit jaillir entre ses doigts ses sécrétions intimes, chaudes et gluantes, qui ne tardèrent pas à venir maculer le drap blanc sous elle. Et puisque son oncle et sa tante étaient absents pour une fois, elle s’autorisa à s’abandonner pleinement : un ultime râle de plaisir, profond et libérateur, s’échappa de sa gorge déployée et résonna à travers la bâtisse silencieuse.

Ce fut à cet instant précis que la porte d’entrée du rez-de-chaussée claqua, la faisant sursauter. Quelqu’un était entré ! Encore haletante, Eldria fut saisie d’une panique soudaine : l’avait-on entendue ? Peut-être même s’inquiétait-on, puisque la maison était censée être vide à cette heure ! Pétrifiée par l’effroi, elle entendit des pas précipités résonner dans les escaliers. Quelqu’un montait ! Son sang ne fit qu’un tour : elle était encore nue, allongée sur le lit, les cuisses ouvertes et les mains entre les jambes dans une posture sans équivoque. Il ne fallait surtout pas qu’on la surprenne ainsi !

Derrière la porte, les pas se rapprochaient dangereusement. Dans cinq secondes, peut-être moins, quelqu’un pourrait surgir. Pas le temps de se cacher sous le lit, encore moins de se rhabiller. Elle fit alors la seule chose qui lui sembla possible : se glisser en hâte sous son fin drap d’été, priant de toute son âme pour que l’étoffe légère suffise à la dissimuler de façon convaincante.

À peine le drap fut-il posé sur elle que soudain, la porte s’ouvrit dans un fracas. Eldria entendit une démarche déterminée s’avancer dans sa chambre. Elle eut l’impression que son cœur s’était arrêté de battre, comme suspendu hors du temps. Elle se crispa, retenant sa respiration pour empêcher que les imperceptibles mouvements de sa poitrine ne trahissent sa présence. L’espace d’un instant qui sembla durer une éternité, elle redouta que l’intrus ne vienne tirer d’un coup sec sur le drap, révélant tout de sa stupide supercherie, ainsi que de son corps dénudé, par la même occasion.

Mais ce fut finalement la voix résignée de sa tante qui vint briser le silence :

– Pas capable de ranger ses affaires... marmonna-t-elle entre ses dents, à mi-voix.

Si elle l’avait pu, Eldria aurait poussé un profond soupir de soulagement. L’intrus n’était en réalité que sa tante Dona, venue ramasser le linge sale ! Aux aguets, elle l’écouta faire quelques pas rapides autour du lit, suivis de quelques bruits de tissus froissés. De toute évidence, elle n’avait pas décelé la présence de sa nièce, sous les draps. Sa tante farfouilla encore un instant, puis ressortit sans un mot, refermant la porte derrière elle. Eldria resta un moment immobile, haletante sur son matelas. Elle attendit d’entendre les pas s’éloigner, puis la porte d’entrée se refermer, avant d’oser émerger lentement de sa fragile cachette. Sous l’effet de l’émotion, son cœur battait encore à tout rompre. Elle se redressa et s’avança prudemment jusqu’à la fenêtre. De là, elle aperçut sa tante qui s’éloignait déjà en direction du lavoir, un panier de linge sous le bras

« C’était moins une ! » songea-t-elle, soulagée, en s’épongeant le front. Elle n’avait pas pu savourer pleinement son orgasme, mais heureusement elle avait mené l’affaire rapidement. L’envahissant poids du désir s’était dissipé, et avec lui une part de la tension qui l’oppressait depuis le matin. Il ne lui restait plus qu’à se rhabiller et à rejoindre les autres au plus vite, afin de n’éveiller aucun soupçon. Ce fut seulement lorsqu’elle parcourut la moquette du regard qu’elle se figea soudain, réalisant avec horreur que... ses vêtements n'étaient plus là ! Sa robe et sa culotte – qu’elle avait envoyées valser cinq minutes plus tôt... volatilisées !

– Non non non... murmura-t-elle, affolée, en se ruant vers l’armoire.

Celle-ci était désespérément vide. Ses derniers vêtements propres étaient censés être sur elle, en ce moment-même. Une panique sourde la submergea. Elle se vit déjà, bouillonnant de honte, devoir intercepter sa tante, nue comme au premier jour, lorsqu’elle se repointerait dans sa chambre un peu plus tard, les bras chargés de linge propre... et le regard chargé d’incompréhension.

– Réfléchis, réfléchis... se concentra-t-elle, en essayant de garder son calme.

Elle était dans sa chambre, sans rien à se mettre sur le dos, et on l’attendait pour la cueillette. Comment allait-elle faire pour se sortir de cette situation ? Elle n'allait tout de même pas retourner travailler toute nue ! À pas feutrés, Eldria s’aventura dans le couloir, longeant la porte close de la chambre de son oncle et de sa tante. Un instant, elle envisagea d’emprunter discrètement une robe à cette dernière, mais renonça aussitôt à l’idée : leurs morphologies n’avaient strictement rien en commun.

Arrivée, au bout du couloir, elle jeta un coup d’œil par la petite fenêtre surplombant le jardinet et pu confirmer que des vêtements propres étaient suspendus sur l’étendage. Après réflexion, cela représentait peut-être sa meilleure option : les récupérer sur place. Avec cette chaleur, ils devaient être secs. Seul problème : l’étendage était à l'extérieur. Pour l’atteindre, elle allait donc devoir descendre les escaliers, traverser le grand séjour, passer par la cuisine, puis sortir par la porte de derrière, risquant à de multiples occasions d’être surprise par quelqu’un se décidant à rentrer à l’improviste. Sans compter qu’elle s’exposerait aussi aux regards indiscrets des voisins, les fesses à l’air !

Malgré toutes ces contraintes, elle dut se rendre à l’évidence : c’était ça, ou attendre que sa tante revienne – et devoir lui expliquer pourquoi elle se trouvait nue, seule à la maison, en pleine matinée. Or, elle n’était pas franchement prête à lui avouer qu’elle était rentrée pour se masturber.

Sa décision prise, s’accommodant bien malgré elle du risque encouru, elle se faufila dans les escaliers menant au rez-de-chaussée, les sens en alerte. Fort heureusement, ses pieds nus, épousant précautionneusement les marches de bois, ne produisaient aucun bruit. Arrivée en bas, elle se plaqua contre le mur et jeta un rapide coup d’œil à travers l’encadrement du séjour, en direction de l’entrée. Personne. Mais elle le savait : une fois lancée, elle ne pourrait plus faire demi-tour : si quelqu’un ouvrait la porte à ce moment-là, il la verrait forcément. Le cœur battant, elle prit une profonde inspiration. Elle hésita, consciente néanmoins qu’à chaque seconde écoulée, le risque de voir sa tante ou que se oncle revenir se faisait grandissant.

Enfin, crispée, elle s'élança à travers le séjour en direction de la porte de la cuisine. Instinctivement, elle serra les bras contre sa poitrine, tentant de dissimuler comme elle le pouvait ses attributs féminins. Elle s’engouffra dans la cuisine, le stress et la chaleur estivale la faisant transpirer à grosses gouttes. C’était une sensation très étrange que de se retrouver ainsi, nue, dans un espace familier où, d’ordinaire, tout appelait à la pudeur et à la routine.

Tandis qu’elle scrutait attentivement le jardinet, l’œil collé aux carreaux, veillant à ce que la voie soit libre autour de l’étendage, une sensation étrange la fit frissonner. Un filet tiède glissait le long de sa cuisse gauche.

– Oups... souffla-t-elle, en jetant un regard rapide vers son entrejambe.

De la cyprine continuait de s’écouler de son intimité, luisant sur ses cuisses frémissantes. Tout s’était déroulé si vite qu’elle n’avait même pas pris le temps de s’essuyer convenablement après son petit moment de détente clandestin. Le visage brûlant, elle s’épongea brièvement à l’aide d’un mouchoir puis, ne désirant pas perdre davantage de temps et n’apercevant personne alentours, elle prit son courage à deux mains et se précipita dehors. Elle ressentit, au contact de l’air extérieur contre sa peau exposée, l’une des sensations les plus étranges de sa vie. Ses fesses et sa poitrine n’avaient pas vraiment pour habitude d’être exposées directement au soleil !

La clôture qui ceignait la cour arrière de la maison n’était pas bien haute. De fait, n’importe quel passant un tant soit peu curieux aurait pu bénéficier d’une vue dégagée sur le jardinet – et, par extension, sur ses fesses. Pour ne rien arranger, les deux maisons voisines, dont celle de Salini, offraient un vis-à-vis tout à fait direct sur l’ensemble du périmètre. Sur la dizaine de mètres qui la séparait de ses vêtements flottants doucement dans la brise, Eldria se sentit aussi vulnérable qu’une belette sur le territoire de chasse d’une meute de loups. Et pourtant, alors qu’un frisson lui parcourait l’échine, elle réalisa qu’il n’était pas simplement causé par la gêne... mais était aussi mêlé à un zeste de plaisir interdit, teinté d’un soupçon d’audace. Un plaisir qui l’émoustilla à la simple idée que quelqu’un – n’importe-qui – pouvait être en train de l’observer à son insu, en cet instant précis. Cet éventuel voyeur, s’il existait... appréciait-il le spectacle ? Elle ne le saurait jamais. Et, au fond, c’était peut-être mieux ainsi.

Ces considérations n’empêchèrent pas Eldria de décrocher, d’un geste vif, l’une de ses robes blanches, suspendue à une fine cordelette tendue entre deux poteaux. Le tissu léger lui sembla presque tiède sous les doigts, chauffé par le soleil. Elle balaya du regard les autres vêtements étendus et constata qu’aucun sous-vêtement ne se trouvait parmi eux. Un soupir discret lui échappa. Tant pis, elle passerait le reste de la journée sans culotte.

Serrant la robe contre sa poitrine nue, elle fit aussitôt demi-tour, le cœur battant, en direction des murs rassurants de la maison. Le moindre gravier sous ses pieds nus lui rappelait, à chaque pas, son extrême vulnérabilité. Et pourtant, en elle, une étrange chaleur ne voulait pas s’éteindre.

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