17 · Lèvres vermeilles
Non loin du bassin, Eldria, Karina et Salini étaient assises côte à côte. Eldria, la plus jeune des trois, regrettait déjà amèrement ce qu’elle venait d’accepter.
– Bien ! lâcha Karina d’un ton enjoué en se levant, comme si elle partait simplement en promenade. Il n'y a pas de quoi en faire toute une histoire. Et puis, regarde...
Elle désigna son propre corps, entièrement nu.
– ... je n’ai rien à cacher non plus ! Crois-moi, des minous, j’en ai vu des tas.
Elle sourit avec bienveillance puis, sans perdre une seconde, s’accroupit devant Eldria. Elle lui écarta délicatement les genoux et examina avec une minutie experte ce qui se trouvait entre ses cuisses.
– Ça ne te dérange pas si je... ?
Mais sans attendre la moindre réponse, elle plaça ses doigts de chaque côté de la vulve d’Eldria et en ouvrit doucement les lèvres. Sa propriétaire dut réprimer un soupir honteux.
– Hum, effectivement, ton hymen est quasiment intact, conclut Karina après de trop longues secondes d’observation. Ce n’est pas bon signe.
– Non, effectivement, confirma Salini sur un ton grave, penchée derrière Karina et fixant elle aussi l’entrejambe de son ancienne voisine.
– Pourquoi ? demanda candidement Eldria, déconcertée.
Ses deux amies échangèrent un regard complice, comme pour vérifier qu’elles pensaient bien à la même chose. Ce fut finalement Salini qui répondit :
– Eh bien, certains hommes peuvent avoir des réactions... étranges lorsqu’ils s’aperçoivent que la fille avec laquelle ils couchent est vierge.
– Mais... comment peuvent-ils s’en rendre compte ? s’enquit Eldria, qui avait de plus en plus le sentiment de passer pour une enfant naïve et inculte.
– C’est très simple, expliqua Salini avec douceur. Généralement, la fille ressent de la douleur au lieu du plaisir. Et puis surtout, il y a du sang.
– Du sang ?
– Oui. C’est normal quand la membrane se déchire. Du coup, l’homme se retrouve souillé au niveau du...
Elle indiqua son propre bas-ventre, comme si elle possédait un attribut masculin.
– Tu comprends ? ajouta-t-elle avec un regard entendu. Certains hommes trouvent ça excitant, d’autres au contraire en sont dégoûtés. Dans les deux cas, mieux vaut éviter de se retrouver dans ce genre de situation.
Eldria blêmit à l’idée d’affronter cet évènement inconvenant en compagnie d’un parfait inconnu.
– Mais... que peut-on peut faire alors ? demanda-t-elle en frissonnant. Vous, comment vous avez fait, par exemple ?
Salini rosit légèrement.
– Oh... moi ?
Elle sembla gênée à l’évocation de ce souvenir.
– Eh bien... je n’ai pas eu ce problème. Mon hymen s’est déchiré tout seul, dans mon lit, quand j’avais treize ans.
Eldria haussa un sourcil, comme si elle avait mal entendu.
– Je crois que je m’étais caressée un peu trop fort, précisa-t-elle en détournant les yeux. Ce n’était pas très agréable sur le moment, mais au moins tout s’est bien passé ensuite avec le premier garçon.
Eldria s’étonna de réaliser que cela ne lui été jamais arrivée, malgré ses récentes mais non moins nombreuses expérimentations solitaires. Peut-être avait-elle, après tout, était plus sage qu’elle ne l’avait imaginé dans son processus de découverte des plaisirs que son corps avait à offrir.
Pas plus avancée, elle se tourna vers Karina, en quête d’une solution à cet épineux problème.
– Pour ma part, raconta cette dernière sans la moindre hésitation, c’est arrivé avec un garçon nommé Ozru et deux de ses amis, quand j’avais quinze ans. Pas des lumières les gars... Enfin bref, on s’était isolés tous les quatre dans la forêt. À l’époque, mes hormones d’adolescente me rendaient brûlante de désir, et ça faisait un bon moment que j’avais envie de le faire avec ce garçon. Mais je craignais un peu le regard des deux autres, parce que je pensais naïvement qu’on serait juste tous les deux. J’étais jeune et insouciante, j’aurais dû me rendre compte qu’ils étaient louches. Ils étaient tous plus âgés que moi et plutôt costauds. Bref, les hommes étant ce qu’ils sont, malgré mes protestations, il n’a pas fallu longtemps avant que je me retrouve à moitié nue dans l’herbe. Le fameux Ozru a sorti son attirail et a vite trouvé son chemin entre mes cuisses. J’ai immédiatement saigné. Et plus je criais de douleur en essayant de me débattre, plus ça semblait l’exciter. À tel point qu’il a finalement invité ses deux copains à participer : « J’étais sûr qu’elle était vierge ! Venez on se la fait, les gars ! ».
Elle marqua une courte pause, un sourire las figé sur ses lèvres fines. On sentait que ressasser cette expérience faisait ressurgir en elle de vieux démons. Profondément troublée, Eldria constata une fois de plus à quel point le monde pouvait être impardonnable et cruel. Elle se sentit soudainement faible, démunie, et terriblement naïve en comparaison de ses deux amies, elle qui s’était éveillée si tardivement à ces réalités incontournables après la puberté. Salini, très précoce, avait même commencé à l’âge de treize ans ! À la réflexion, cela mettait en lumière leur éloignement diffus d’alors, survenu à l’aube de leur adolescence : Salini avait des préoccupations plus matures en tête, contrairement à Eldria qui, avec le recul, était restée une grande enfant jusqu’à ses dix-huit ans.
– Tout ça pour te dire, Eldria, qu’il est préférable de vivre ta première fois avec un homme que tu aimes, quelqu’un dont tu sais qu’il sera patient et compréhensif.
Eldria se pencha à son tour vers Karina :
– Je suis vraiment désolée pour ce qui t’est arrivée, dit-elle avec sincérité. Mais l’homme que j’aime est loin d’ici et, s’il est encore en vie, je doute qu’il débarque dans l’heure pour le faire avec moi. Et après, ce sera trop tard.
Karina, toujours accroupie devant elle, maintint son sourire réconfortant malgré la gravité manifeste de leur conversation.
– J’en ai bien conscience, ma belle. Mais ne t’en fais pas, on ne va pas te laisser dans cette situation. Il doit nous rester une dizaine de minutes... suffisamment pour te doigter rapidement et déchirer cette vilaine membrane. Tu veux que je m’en occupe ?
Eldria se sentit blêmir. Venait-elle vraiment de lui proposer... de la doigter ?
– Heu, je... hésita-t-elle en balbutiant. Non, non, ce n’est pas la peine. Et puis...
Elle voulut préciser que Salini l’avait déjà fait huit jours plus tôt sans que cela lui fasse mal, et qu’il n’y avait donc pas de raison que ce soit différent cette fois-ci, mais la honte la submergea soudainement et elle resta sans voix. Face à cet accès de mutisme, Karina reprit avec douceur :
– Tu préfères peut-être le faire seule ? Je comprends parfaitement.
– Heu...
Sans lui laisser le temps de s’exprimer, Karina enchaîna avec un ton assuré :
– Écoute, c’est très simple : tu mets d’abord un doigt à l’intérieur pour bien lubrifier la zone pendant environ une minute. Ensuite, tu en ajoutes un deuxième.
Comme si ce n’était pas déjà suffisamment évident, elle accompagna sa démonstration verbale en plaçant son index contre son majeur, avant de mimer dans l’air un geste de pénétration.
– Puis, une fois que tu es bien mouillée et que tu te sens prête, tu rentres un troisième doigt. Ça devrait suffire à déchirer ton hymen.
Une nouvelle fois, elle joignit le geste à la parole en venant coller son majeur par-dessus les deux autres doigts, de façon à former une sorte de triangle allongé. Eldria ignorait s’il existait une nuance de rouge plus vive que celle d’une tomate bien mûre, mais, si tel n’était pas le cas, elle venait probablement de l’inventer à l’instant sur son visage brûlant. Jamais elle ne s’était inséré deux doigts, encore moins trois ! Et voilà qu’on lui demandait de le faire ici, maintenant... et en public, par-dessus le marché ! Elle déglutit péniblement.
– Mais... tenta-t-elle de protester.
Karina l’interrompit aussitôt :
– On n’a plus le temps. Dépêche-toi, fais-le maintenant, sinon ça risque d’être bien pire plus tard.
Salini, légèrement en retrait, les bras croisés et l’air soucieux, hocha doucement la tête pour encourager Eldria. « Vas-y, elle a raison, tu n’as pas vraiment le choix », semblait-elle lui dire silencieusement.
Eldria se sentait totalement déboussolée. Jamais elle n’aurait imaginé que les évènements prendraient une tournure si embarrassante. Était-elle réellement disposée à se masturber devant ses deux amies, certes déjà plutôt intimes, mais... peut-être pas à ce point ? Dans ses songes les plus audacieux, c’était devant Jarim, et uniquement lui, qu’elle s’imaginait capable d’un tel abandon. Pourtant, si elle refusait, elle risquait fort de se retrouver confrontée à une situation bien plus humiliante et beaucoup moins bienveillante d’ici quelques minutes seulement. Une véritable bataille faisait rage en elle, aucune des deux options ne lui semblant enviable. Mais le temps filait et ne lui laissait plus le loisir d’hésiter.
À bien y réfléchir, elle repensa à ce que Salini lui avait fait la semaine dernière et réalisa qu’à cette occasion, elle s’était déjà largement livrée malgré elle. Quant à Karina, elle semblait suffisamment douce et compréhensive pour ne pas accentuer sa gêne.
– Très bien, murmura Eldria d’une voix presque inaudible. Je vais le faire.
Sans perdre plus de temps au risque de changer d’avis, elle s’employa à approcher la main de son bas-ventre commodément exposé, encore humide de ses récentes ablutions. Là, elle s’interrompit un instant.
– Hum... vous pourriez vous retourner, s’il vous plaît ? Je suis gênée de... Enfin, vous voyez.
– Oh ! Bien sûr ! s’excusa Karina d’un ton compréhensif. Prends tout ton temps, on ne regardera pas.
Salini l’imita aussitôt, et toutes deux se tournèrent vers les casiers métalliques, faisant dos à Eldria, toujours assise sur le banc, les cuisses légèrement ouvertes. Peu à son aise mais néanmoins rassérénée par cette discrétion nouvelle, elle inspira profondément puis, suivant à la lettre les recommandations de Karina, s’introduisit sans détour le majeur entre les cuisses.
Depuis sa toute première fois à tout juste dix-huit ans – soit un peu plus d’un an auparavant – Eldria ne se souvenait pas avoir passé plus de quelques jours sans goûter aux plaisirs simples et pourtant si intenses de l’onanisme. Or, à cause de la dramatique situation dans laquelle elle s’était retrouvée contre son gré, cela faisait désormais une semaine entière que cette partie si sensible d’elle-même n’avait pas été sollicitée. Cette trop longue abstinence se fit d’ailleurs immédiatement ressentir : dès que son doigt frémissant se glissa entre ses lèvres, une agréable décharge lui parcourut l’échine, comme si son clitoris – qu’elle effleurait mécaniquement du plat de la paume – lui adressait une salutation pleine d’enthousiasme : « Tiens, quel plaisir de te retrouver enfin ! ». Continuant sur cette lancée, en moins d’une minute, elle se retrouva parfaitement lubrifiée, comme l’avait anticipé Karina.
C’était une situation pour le moins étrange que de se caresser ainsi sans cérémonie, tandis qu’à quelques pas d’elle ses deux amies faisaient semblant de ne rien remarquer. Sans qu’elle en prenne réellement conscience, l’attention d’Eldria dériva doucement vers Salini. Celle-ci était occupée à choisir une robe colorée à l’intérieur du casier, son dos nu partiellement couvert par sa longue chevelure dorée. Le regard d’Eldria descendit encore, attiré malgré elle par les courbes harmonieuses des fesses de son amie. La dernière fois qu’elle l’avait vue ainsi nue, de dos, c’était lors de ce déroutant épisode dans la grange, avec Troj et Aran. Déjà à l’époque, Eldria avait admiré, à son grand étonnement, la beauté simple mais captivante du fessier bien ferme de son amie d’enfance.
Une nouvelle minute s’écoula et Eldria, de plus en plus à l’aise, se sentit subitement incapable d’interrompre ce qu’elle faisait. À son majeur vint donc bientôt se joindre son index, aux portes de son intimité. Son pouls s’accéléra lorsqu’elle les fit pénétrer tous deux simultanément en elle, pour la toute première fois. Dans cette configuration, son orifice lui parut nettement plus étroit et, malgré la lubrification abondante, elle dut exercer une pression accrue pour s’ouvrir un passage. Sans pouvoir s’en empêcher, elle commença à haleter, tant la sensation était nouvelle et grisante. Elle s’efforça toutefois de conserver le silence, craignant que ses compagnes ne remarquent quelque chose.
Alors qu’elle luttait pour réprimer ses soupirs, ses yeux se posèrent cette fois sur les courbes voluptueuses de Karina, qu’elle pouvait contempler librement sans crainte d’être surprise. Ses deux amies semblaient en effet prendre toutes les précautions possibles pour éviter de regarder dans sa direction, ce qui était fort appréciable. Mais la réciproque ne s’appliquait pas et Eldria, emportée par un soudain désir de luxure, ne se priva pas de la liberté qui lui était offerte de contempler ces deux corps féminins, exposés sans filtre. Les fesses de Karina, un peu plus généreuses que celles de Salini, étaient tout aussi magnifiques.
Du haut de ses vingt-quatre ans, la jeune native de Brillétoile semblait presque avoir été sculptée personnellement par la Déesse Sélénia. À cet instant précis, Eldria comprit pleinement pourquoi Karina exerçait une telle fascination sur les hommes. Alors que la jeune femme se penchait pour récupérer une culotte, Eldria eut même un aperçu furtif de sa vulve rose, parfaitement épilée, entre ses cuisses légèrement écartées.
À sa grande surprise, cette vision inédite déclencha en elle un surplus d’excitation, comme si on venait subitement de multiplier par dix la sensibilité de son propre sexe. Elle sentit aussitôt naître en elle les prémices d’un orgasme imprévu, qui s’annonçait néanmoins intense. Profondément gênée à l’idée de s’abandonner ainsi, elle retira immédiatement ses doigts de son vagin, ce qui eut heureusement pour effet de calmer presque aussitôt cette dangereuse montée de plaisir.
Jamais elle n’aurait cru que la simple vue du corps d’une autre femme pourrait lui provoquer de telles sensations – comme si Jarim en personne venait d’apparaître devant elle, torse nu. Cependant, elle se ressaisit aussitôt. Elle n’avait absolument pas le temps de réfléchir à ce qui venait de se produire car déjà plusieurs précieuses minutes s’étaient écoulées, et elle devait se rappeler qu’elle ne se masturbait pas pour le plaisir, mais bien pour se débarrasser de cette satanée membrane. « Pourquoi donc Sélénia a-t-elle décidé que je naîtrais femme ? », songea-t-elle avec amertume.
Salini et Karina, qui n’avaient heureusement rien remarqué, semblaient avoir choisi des robes à leurs tailles et entreprenaient de s’en revêtir. Le temps jouait contre Eldria car, d’un instant à l’autre, elles risquaient de perdre patience et de se retourner, interrompant brutalement sa concentration. Déterminée, Eldria joignit donc son index, son majeur et son annulaire, formant ainsi le triangle que Karina lui avait montré plus tôt. Inquiète à l’idée de ce qu’elle allait ressentir, elle les plaça malgré tout à l’entrée de ses lèvres chaudes et humide, prête à les introduire en elle. Si rentrer deux doigts s’était avéré une entreprise délicate... qu’allait-il en être avec trois ?
Elle commença à pousser doucement et sentit immédiatement sa peau se distendre en des proportions jusque-là jamais atteintes. Une douleur diffuse s’installa rapidement, comme si son corps protestait contre cette intrusion inhabituelle, mais Eldria serra les dents, résolue à ne pas abandonner. Ignorant cette souffrance croissante, à mesure que ses phalanges s’enfonçaient plus profondément en elle et que les parois de son intimité se dilataient, elle insista avec une détermination farouche.
Une forme de plaisir lointain se mêlait au supplice de cette imposante pénétration. C’était toutefois loin d’être aussi agréable que précédemment – ce qui, au moins, avait le mérite de l’empêcher de déclencher un orgasme issu du néant. Avec une insistance presque fiévreuse, elle continua de presser ses doigts plus loin encore, dépassant même la profondeur atteinte la fois dernière par les caresses pourtant audacieuses de Salini. Les yeux vitreux, le regard fixé sur son entrejambe, elle observa avec une fascination mêlée d’angoisse ses doigts, disparaissant si profondément en elle qu’elle eut l’étrange impression de sentir ses organes internes effleurés par un corps étranger, dans un léger chuintement humide.
Puis, brusquement, une vive douleur la traversa, semblable à une griffure aiguë à l’intérieur de ses muqueuses. Le front crispé, elle poussa un petit cri strident et retira instinctivement la main, laissant derrière elle une sensation troublante de vide à l’endroit de son orifice intime largement dilaté, d’où s’écoula aussitôt un mince filet rosâtre, mélange visqueux de sang et de cyprine.
Alertées par ce cri, ses deux amies se retournèrent immédiatement, découvrant Eldria haletante et les doigts luisants. Salini accourut vers elle, inquiète :
– Tout va bien ? s’enquit-elle précipitamment.
– Oui... enfin, je crois, répondit Eldria, les dents serrées.
Karina, qui les avait rejointes, examina de nouveau sans la moindre gêne l’entrejambe exposé de son amie, comme si elle contemplait tranquillement un étal de fruits sur la place publique du marché.
– Hum... oui, on dirait bien que c’est fait, confirma-t-elle en lui adressant un sourire rassurant et en lui tapotant affectueusement l’épaule. Tu as été très courageuse. En revanche, tu devrais aller nettoyer tout ça rapidement.
Eldria sentait encore dans son conduit intime une désagréable picotement ardent, comme si quelqu’un s’amusait à approcher espièglement la flammèche d’une bougie près de sa chaire à vif. Néanmoins, le pire semblait être passé et, peu disposée à conserver ce sang entre ses cuisses et sur ses doigts, elle s’empressa de se redresser pour suivre le judicieux conseil de Karina et se replonger jusqu’aux hanches dans le bassin d’eau tiède.
Elle n’était pas peu fière d’avoir réussi.
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