21 · Le monde des adultes
Elle y était. Eldria devina plus qu’elle ne vit le pénis du Comte s’immiscer entre les cuisses demandeuses de son épouse. Il l’avait saisie par les hanches et, la dominant de toute sa hauteur, il commença à lui administrer de vigoureux coups de bassin, accélérant peu à peu la cadence. Tout le corps de sa partenaire se mouvait désormais au rythme de ces assauts répétés, et Eldria, fascinée, se trouva aux premières loges pour contempler la poitrine généreuse de la femme, ballottée de façon presque hypnotique au gré de leurs ébats, comme agitée par la houle. Son souffle pressé s’accéléra, libérant une série de gémissements aigus :
– Hmmm... Oui ! s’exclama-t-elle sans retenue, ses cris emplissant désormais toute la chambre.
Envahie par une subite fascination, Eldria assistait pour la première fois à l’acte charnel dans son expression la plus crue, le souffle court, la gorge nouée d’émotion. Elle avait tout oublié, comme si elle n’était plus là, qu’elle observait la scène depuis un corps autre que le sien, tel un improbable fantôme aux penchants voyeuristes. Était-ce donc cela, l’amour physique ? Était-ce vraiment si... bon, d’être ainsi possédée ?
Sans le réaliser pleinement, ses doigts, comme animés d’une volonté propre, intensifièrent leurs effleurements, s’autorisant à solliciter les aspérités les plus sensibles de sa peau à vif. Elle ne prêtait même plus attention au Comte qui, les yeux rivés sur elle avec avidité, semblait presque négliger le dos offert de son épouse. Eldria se sentait soudain emportée dans une sorte de tourbillon charnel irrésistible, un élan sauvage où seul le plaisir, intense et bestial, comptait désormais.
– Oui, oui, oh oui ! continuait de s’écrier la Comtesse, dont les exclamations passionnées devaient résonner dans tout le bâtiment.
Si le Comte avait d’abord rencontré des difficultés pour atteindre son plein potentiel, il semblait désormais au sommet de sa forme. Son souffle lourd et rauque se mêla bientôt aux bruyants vagissements langoureux de son épouse, tandis que leurs bassins respectifs continuaient de s’entrechoquer dans un claquement sauvage. À la faveur d’une ouverture entre les cuisses écartées de la Comtesse, Eldria entraperçut même les testicules velus de l’homme, martelant avec ferveur le pubis soyeux de sa partenaire.
Face à cette vision brûlante, les doigts d’Eldria se firent plus pressants, s’autorisant enfin à pénétrer franchement l’orifice humide de son intimité. Elle laissa échapper malgré elle un soupir honteux, heureusement couvert par le concert de gémissements émanant du lit. En son for intérieur, pourtant, une autre lutte avait lieu : sa conscience réservée et timide, celle qui d’habitude régissait sa pudeur, semblait être brutalement dominée par une autre voix, bien plus audacieuse :
« Allez, vas-y, tu en as terriblement envie... Ça te fera du bien, laisse-toi aller. »
« Non ! Je ne peux pas... je ne suis pas seule, c’est trop gênant... » protesta faiblement sa voix intérieure.
« Abandonne-toi enfin à ce plaisir que tu réprimes depuis si longtemps... »
La petite voix, submergée par l’irrésistible vague du désir, finit par se taire complètement. Emportée par cette frénésie nouvelle, Eldria se masturba avec une intensité rarement atteinte, sa conscience mise en suspens, oubliant toute retenue. À cet instant précis, son seul désir était de ressentir pleinement cette extase à portée de phalanges.
Son majeur s’insinua en elle avec une aisance déconcertante, comme si son sexe avait lui aussi réclamé qu’elle passe à l’acte. La sensation fut foudroyante, décuplant dix fois celle de sa toute première exploration solitaire, plusieurs mois auparavant. Au plus profond de son ventre incandescent, ses hormones surexcitées explosèrent soudain, tels mille feux d’artifice flamboyants. En l’espace de trente secondes à peine, elle se sentit déjà au bord de ce qu’elle pouvait endurer. Ne désirant toutefois aucunement gâcher ce fabuleux afflux de plaisir qui s’accumulait sous ses paumes agiles, elle dut, dans un monumental effort, contenir son émoi pressant, jouant malicieusement avec cette délicieuse frustration qui exacerbait encore davantage son plaisir.
La température de la luxueuse chambre semblait soudain grimper en flèche. Pendant quelques minutes supplémentaires, la Comtesse et le Comte maintinrent cette position, alternant entre des moments de calme – au cours desquels le Comte ralentissait la cadence et semblait reprendre son souffle –, et d’autres, plus énergiques, où l’on entendait alors le bruit sec et répétitif du claquement des fesses de l’une contre le haut des cuisses de l’autre. Finalement, après une longue session de ces va-et-vient rapides – qui vit leurs gémissements mutuels s’entremêler en un amalgame de vocalises décomplexées –, le Comte se retira brusquement, haletant, visiblement épuisé, son front perlé de sueur.
Pour la première fois depuis plusieurs minutes, la Comtesse se tut, laissant momentanément la place à leurs respirations saccadées. Pourtant, toujours avide, elle changea aussitôt de position, se retournant sur le dos, la tête renversée vers le pied du lit. Ce faisant, elle offrit sans le vouloir une vue parfaitement dégagée à Eldria sur l’imposant sexe du Comte, érigé et humide, brillant des sécrétions intimes partagées entre les deux amants. La Comtesse, tournant légèrement son visage vers Eldria, remarqua son expression troublée, mélange de gêne et d’excitation. Un sourire complice, discret et malicieux, étira ses lèvres, satisfaite de constater que sa jeune invitée goûtait elle aussi aux plaisirs du moment.
Il ne fallut guère plus de quelques secondes avant que leurs ébats ne reprennent de plus belle. La turgescente verge du Comte retrouva bien vite son chemin entre les jambes largement écartées de sa femme, déclenchant une nouvelle salve de halètements passionnés. Allongée sur le dos, la tête rejetée en arrière, la Comtesse ferma les yeux et porta ses mains à ses seins, les caressant sans pudeur sous le regard lubrique et hypnotisé de son mari. Celui-ci, pourtant, ne tarda pas à relever la tête, fixant de nouveau Eldria avec intensité, comme s’il cherchait désormais son plaisir autant chez elle que chez son épouse.
Mais Eldria, en proie à une excitation fiévreuse qui lui était jusqu’alors inconnue, ne fit même pas cas de ce regard appuyé. Son attention demeurait totalement absorbée par les deux corps enchevêtrés sur le lit, tandis que ses doigts agiles poursuivaient leur ballet sensuel au creux de son intimité douce et chaude, plongeant et ressortant sans plus aucune retenue.
Chacun poursuivit ainsi son activité inavouable pendant de longues et voluptueuses minutes. Le Comte promenait son regard avec avidité, alternant entre son bas-ventre actif et le corps abandonné de son épouse. La majeure partie du temps, toutefois, c’était Eldria qu’il contemplait, comme s'il se nourrissait directement de l’image impudique qu’elle offrait s’en le réaliser. Celle-ci, après avoir suspendu son pic de plaisir aussi longuement que possible, sentit finalement les premières fissures se former dans le barrage intérieur qu’elle avait laborieusement tenté de maintenir intact. Elle aurait voulu que ce moment ne s’achève jamais, demeurer suspendue éternellement à ce point culminant de félicité. Mais son corps était arrivé au terme de ses limites. Malgré une lutte acharnée, elle allait devoir s’abandonner, céder au plaisir qui exigeait son dû.
Au même instant, le rythme métronomique qu’avait fini par adopter le couple changea brusquement. Les va-et-vient amples du Comte cédèrent soudain la place à des impulsions saccadées, désordonnées. Tout son corps se crispa, ses muscles contractés à l’extrême tandis qu’il penchait la tête en arrière, les paupières closes, laissant échapper un râle rauque et profond, semblable au hurlement sauvage d’un loup affamé. Pour Eldria, cela ne fit aucun doute : il était en train d’éjaculer à même la matrice de son épouse et, à en juger par les nombreux spasmes qui animaient le bas de son ventre, sa semence s’y rependait abondamment. La Comtesse, qui devait sentir ce liquide chaud et puissant l’envahir de l’intérieur, gémit à l’unisson, dans un râle de satisfaction intense.
Par un heureux hasard – ou bien sous l'effet du spectacle grisant du couple atteignant l’apogée de son amour –, ce fut précisément à cet instant qu’Eldria sentit jaillir entre ses doigts humides l’orgasme qu’elle avait patiemment laissé mûrir. Ses yeux se révulsèrent et, par mimétisme, elle jouit bruyamment à son tour. Elle se délecta l’espace d’une poignée de secondes de l’état de grâce qui transportait son âme, de cette sensation divine venue la récompenser après tant de labeur. Son corps tout entier se cambra, traversé par cette onde prodigieuse de plaisir qui s’insinua jusque dans les moindres recoins de son être.
Pourtant, tel un doux rêve dont les images se désagrègent inévitablement au réveil, cet orgasme – aussi intense fût-il – était déjà en train de s’estomper. C’était presque comme essayer en vain de retenir une poignée d’eau fraîche entre ses doigts. Inexorablement, cette seconde d’éternité et de plaisir se dilua lentement dans l’océan de la dure réalité. Elle reprit doucement conscience d’elle-même, découvrant avec horreur que les gouttelettes de son fluide intime se déversaient, comme jamais elles ne l’avaient fait, sur le précieux canapé en cuir.
C’était comme si elle venait brusquement de reprendre possession de son propre corps, après qu’une autre personne s’en fût emparée durant ces dernières minutes. Les souvenirs de ce qui venait de se produire lui revinrent par bribes, chaotiques. Que diable avait-elle fait ?
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