Chapitre 1 : Les plaines écarlates

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Le soleil de l'aube baignait la vallée dans une lumière dorée, les premières brises du matin dansaient entre les feuilles des grands chênes. Luliya ouvrit les yeux, ses cheveux d'un rouge flamboyant tombant en boucles sur son oreiller. Ses yeux également rouges brillaient d'une curiosité enfantine. Elle se redressa, excitée par la promesse d'une nouvelle journée.

Au pied de la colline, la petite maison en pierre et bois clair s'animait déjà. Le parfum du pain chaud flottait dans l'air, et le rire de son frère résonnait dans la cuisine. Sa mère préparait le petit-déjeuner tandis que son père ajustait son arc, prêt pour la chasse.

— Luliya, viens vite, le pain est chaud ! appela sa mère d'une voix douce.

Elle sauta hors du lit, enroula son châle autour des épaules et descendit. Autour de la table, la famille se retrouvait : son père, grand et fier, ses cheveux rouges comme des braises encadrant un visage pâle, ses yeux bleu intense scrutant toujours l'horizon. Sa mère, aux traits fins et aux cheveux d'un rouge profond, aux yeux calmes et d'un bleu profond, souriait en versant du miel sur les tartines. Son frère aîné, aux cheveux aussi rouges que sa mère, avait des yeux d'un bleu glacé, toujours sérieux et protecteur.

— Papa ! Je veux venir avec toi aujourd'hui ! Je suis assez grande maintenant, j'ai eu 8 ans cette année ! Je sais être prudente !

Il la regarda avec douceur, mais son expression resta ferme.

— Luliya, tu es encore trop jeune. La forêt est dangereuse, même pour moi. Ce n'est pas un jeu.

— Mais tu ne m'as jamais laissée essayer ! Comment veux-tu que je devienne forte si tu ne m'apprends pas ?

— Je te protège, c'est mon devoir. Pas de discussion. Tu resteras ici aujourd'hui.

Luliya serra les poings, la frustration montait en elle.

— Ce n'est pas juste ! Je ne suis pas un bébé !

Son père soupira et posa une main lourde mais tendre sur son épaule.

— Tu apprendras quand le temps sera venu. Pour l'instant, fais-moi confiance.

Sentant la colère monter, elle monta se réfugier dans sa petite cabane, loin des regards. Assise dans la pénombre, elle serra les genoux contre sa poitrine, les larmes menaçant de couler. Les heures défilaient et elle ne voulait toujours pas sortir. Sa mère la retrouva bientôt, assise près de la porte, le regard inquiet.

— Luliya, ma douce, pourquoi toute cette tristesse ?

— Papa ne veut jamais que je vienne chasser avec lui... Je suis grande pourtant.

Sa mère sourit doucement, s'assit près d'elle et commença à lui chanter une ancienne comptine dans la langue du vent, une langue que seuls les leurs peuvent comprendre :

"Shael'na tiren vel aeth,
Draelyn var shael'thur,
Kaelyaen lioren,
Thalya ven shan'lor,
Nae'ven drael,
Sahl drenya luor."

Puis elle lui raconta la légende de leurs origines : l'union sacrée entre Valdheran, le dragon rouge fougueux, et Shalynae, comme elle le faisait souvent quand Luliya boudait.

— Tu sais, Luliya, cette chanson raconte l'histoire de nos ancêtres. Il y a longtemps Valdheran, est tombé amoureux d'une elfe sage, Shalynae. Ensemble, ils ont créé notre peuple, le Peuple du Vent et du Feu. Leur amour a donné naissance à un lignage unique, avec des cheveux rouges comme le feu, une peau pâle comme un souffle d'air, et des yeux brillants, comme toi.

Les yeux rouges de Luliya brillèrent d'un éclat nouveau. Elle se sentait liée à cette histoire, à cette magie.

Réconfortée, Luliya sourit.

— Viens, je vais te préparer un goûter, tu n'as même pas mangé ce midi ! Puis tu iras jouer avec Kaelen. Il t'attend à la maison. Ton frère a même promis de t'entraîner dès qu'il aura fini ses corvées.

Le visage de Luliya s'illumina. Elle aimait ces moments avec Kaelen, le fils de la cheffe, plus âgé de cinq ans, toujours calme mais joueur. Puis son frère l 'entraînerait, lui au moins !

Luliya sortit de chez elle, son petit sac sur l'épaule, quand elle aperçut Kaelen qui l'attendait sous le grand chêne au bout du chemin.

— Salut Luliya ! Tu es prête ? demanda-t-il avec un sourire malicieux.

— Salut Kaelen ! Oui, je suis prête, répondit-elle en souriant à son tour.

Alors qu'ils s'apprêtaient à partir, la mère de Luliya sortit sur le pas de la porte, un regard doux mais inquiet posé sur sa fille.

— Fais bien attention, Luliya, surtout près de la forêt. Tu sais ce que la cheffe nous a dit à propos de la forêt interdite.

— Je sais, maman, répondit-elle en hochant la tête. Je ne resterai pas trop longtemps, promis.

Kaelen regarda Luliya, un éclat espiègle dans les yeux.

— Tu as entendu ? Pas de bêtises près de la forêt.

— Bien sûr, Kaelen. Je suis plus sage que toi, je te rappelle.

— Ah oui ? On va voir ça !

— Tu sais quoi ? Mon grand frère va m'entraîner bientôt. Je serai aussi forte que toi avant que tu t'en rendes compte !

Kaelen lui lança un regard malicieux et, d'un geste rapide, lui fit un croche-patte. Luliya trébucha mais se rattrapa en riant.

— Tu en as bien besoin, dit-il en souriant, ta maladresse va t'achever avant ton frère.

— Hé ! Je t'assure que je vais progresser vite !

Ils échangèrent un regard complice, puis décidèrent ensemble de leur petit défi du jour. Ils se rapprochèrent, et Kaelen lui lança un regard taquin.

— Allez, le dernier arrivé à la lisière de la forêt est un griffon mouillé !

Luliya rit aux éclats, fit un pas en arrière, puis s'élança en courant.

— Tu vas voir si je suis un griffon mouillé ! cria-t-elle en courant à toute vitesse.

Kaelen la poursuivit en riant, et bientôt, ils étaient tous deux en pleine course, les éclats de leur rire se mêlant au chant du vent dans les herbes hautes.

Les deux enfants s'enfoncèrent dans les ruelles sinueuses du village niché au creux des Plaines Écarlates. Les maisons, bâties en pierre claire et bois blond, semblaient presque vivantes sous la caresse du vent, leurs toits arrondis dessinant des courbes douces pour laisser l'air circuler librement. De grandes colonnes de pierre sculptées aux formes élégantes se dressaient fièrement aux entrées des quartiers, ornées d'ailes stylisées et de griffons en pleine envolée — symboles sacrés de leur peuple.

Les murs des maisons étaient souvent décorés de fresques aux couleurs chaudes, mêlant rouges flamboyants, ors éclatants et bleus profonds, qui dansaient sous la lumière dorée du soleil levant. Le village résonnait des bruits familiers de la vie quotidienne : le martèlement régulier des forgerons, les rires des enfants courant entre les ruelles, et le froissement léger des étoffes des marchands elfes stellaires de la citadelle installant leurs étals.

Les Elfes Stellaires étaient barricadés derrière leurs montagnes, dans une cité cachée et protégée par d'antiques enchantements. Ils descendaient pour faire du commerce dans la vallée du vent que Luliya aimait tant.

Ses habitants, aux cheveux de toutes les teintes de rouges flamboyants et aux regards intenses, vivaient en harmonie avec le souffle des cimes qui les entouraient. Ici, le Vent n'était pas seulement un élément naturel, mais une divinité, protectrice des âmes et des destinées. On racontait que les griffons, créatures majestueuses qui survolaient parfois les montagnes, étaient les messagers du Vent, porteurs d'une liberté pure que nul ne pouvait capturer.

Sur les places pavées, les anciens s'affairaient à préparer les prochaines célébrations : la Danse du Souffle, où tous remercieraient Valdheran, le dragon ancêtre, lors des vents d'équinoxe, et les Jeux des Ailes, une épreuve redoutée par les jeunes chasseurs qui défiaient le souffle puissant des falaises. Luliya sentit une fierté douce l'envahir en pensant que bientôt, elle aussi, elle pourrait participer à ces rituels sacrés.

Main dans la main, Luliya et Kaelen franchirent les ponts suspendus qui reliaient les différentes plateformes du village, s'éloignant du cœur du village pour rejoindre les premières ombres de la forêt interdite, où les mystères et l'aventure les attendaient.

Ils atteignirent enfin la lisière de la forêt interdite, là où les arbres se dressaient, sombres et imposants, leurs branches noueuses semblant vouloir attraper le ciel. Le sol était parsemé de feuilles craquantes et de brindilles sèches.

— Tu sais que c'est dangereux ici, hein ? lança Kaelen, un brin d'avertissement dans la voix, mais son regard pétillait d'excitation.

— Oui, mais on ne va pas trop loin. Juste assez pour jouer un peu. répondit Luliya avec assurance.

Ils s'installèrent dans une petite clairière, pas loin de la lisière protégée des regards. Luliya sortit une pierre à feu que son père lui avait offerte, un petit trésor qu'elle gardait précieusement.

— Regarde, je vais allumer un feu. Pas trop grand, promis. dit-elle en frottant la pierre contre un morceau de silex tout en murmurant une formule magique.

Une étincelle jaillit, et bientôt une flamme dansa au bout de ses doigts. Le feu prit vie, crépitant doucement. Dansant sous le sourire des enfants.

— Tu es trop forte, Liya' ! Moi, je n'y arrive jamais. s'exclama Kaelen en s'agenouillant près du feu.

— Je t'apprendrai. C'est comme ça que mon grand frère m'entraîne, il dit que pour être un bon chasseur, il faut savoir maîtriser le feu et le vent.

Kaelen lui lança un regard taquin :

— Ah oui ? Alors ton frère va bien m'aider, parce que toi, tu en as bien besoin !

Luliya fit semblant de bouder, puis sourit malicieusement :

— Je te rappelle que c'est moi qui ai le don du vent, pas toi. Tu ferais mieux de courir vite avant que je t'attrape !

Ils se levèrent tous les deux, leurs rires se mêlant au souffle léger du vent. Ils coururent à la limite de la forêt, se défiant du regard, évitant les racines, s'élançant entre les arbres.

Luliya arriva la première, haletante, un sourire fier sur le visage :

— J'ai gagné !

Kaelen rit, la tête rejetée en arrière, amusé par sa défaite. Mais soudain, levant les yeux, il aperçut quelque chose que Luliya ne remarqua pas : un immense dragon noir, aux ailes puissantes, qui planait silencieusement au-dessus vers la citadelle dans les montagne a moitié en feu.

Non loin de là, à la lisière de la forêt, se trouvait une vieille trappe en fer, à moitié cachée sous des herbes folles et des feuilles mortes. Cette trappe donnait accès à un ancien réseau de tunnels, vestige oublié désormais utilisé comme égout de la ville. Sous la cité, ces tunnels étroits laissaient couler un filet d'eau sombre, emportant les déchets du village vers un coin reculé de la forêt.

Kaelen baissa vite les yeux, ne voulant pas troubler Luliya. D'un ton léger, il reprit le jeu :

— Ok, le premier qui arrive à la trappe de l'égout et y rentre dedans s'entraîne en premier avec ton frère !

Luliya, captivée, hocha la tête avec excitation, oubliant tout le reste.

Sans plus attendre, ils se dirigèrent vers la trappe, et Kaelen fit tout pour détourner son attention, parlant vivement, posant des questions sur leur entraînement, leurs espoirs, leurs rêves.

Luliya, absorbée par la conversation et le défi, ne vit ni le dragon dans le ciel, ni le trouble qui agitait le village autour d'eux.

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