Guillaume
Dès que je l'ai vu, j'ai su que c'était lui. L'homme avec lequel je devais passer le reste de ma vie. Il ne correspondait en rien à mon idéal. Plus jeune, je rêvais d'un blond à la peau dorée aux yeux bleus envoutants. Un musicien ou un poète, ququ'un d'un peu rêveur qui comprendrait... qui me comprendrait. Ce fut Guillaume, un grand brun de vingt-quatre ans, ingénieur en électronique. Une histoire d'hormones certainement.
Je l'ai rencontré un soir d'orage.
J'habitais au premier étage de notre immeuble, lui au troisième. Il rentrait d'un dîner un peu arrosé chez des amis. Je lisais ou plutôt relisais, enveloppée dans une couverture polaire, une pièce de Marcel Pagnol. Dans ses pages, je retrouve les senteurs de la provence immuable des montagnes. Entre tradition et modernisme, la réalité des anciens de chez moi, un lien vers ma famille.
J'étais perdue dans ma rêverie. Quelque part dans le lointain, les mains dans le pain et la farine, entourée du parfum des miches chaudes sortant du four, un regard pressant braqué sur moi quand je vis une ombre passer devant ma fenêtre. On essayait de se servir du rebord de mon balcon comme d'un escabeau pour accéder au supérieur. En m'approchant j'ai remarqué que c'était un homme, bien bâti. Je n'arrivais pas à décrocher mes yeux de lui. Cet idiot allait se faire mal. Sans réfléchir à ce que je faisais, j'ai ouvert la baie vitrée et commencé à parler.
- Vous faites le funambule sur mon balcon pour impressionner votre copine,... Roméo ?
- Heu... Non.
- Eh bien pourquoi se donner tant de peine alors ?
- C'est un peu idiot.
- Glisser de mon balcon et vous casser un bras ou une jambe serait idiot.
Interloqué, il descendit du rebord pour me faire face. Il était grand, avait de larges épaules et des yeux sombres. L'eau ruisselant sur son corps laissait transparaître quelques détails de son anatomie qui éveillèrent mes sens.
- Alors vous me racontez, Roméo ?
- Si vous y tenez. Mais par pitié, cessez de m'appeler Roméo. Je ne suis pas fan des oeuvres de Shakespeare.
- Que préférez-vous ? Spiderman ?
- Ce serait plus dans mes cordes en effet. Mais vous pouvez m'appeler Guillaume, c'est mon prénom.
- Enchantée Spider-Guillaume. Qui montiez-vous voir en escaladant mon balcon ainsi ?
- Personne. Je rentrais chez moi. C'est une longue histoire.
J'étais maintenant curieuse de savoir ce qui lui était passé par la tête. Après tout, il m'avait sortie de mon livre, il me devait une histoire. Je l'invitais à entrer et lui prêtais de quoi se mettre au sec pendant que je préparais une verveine.
À sa sortie de ma salle de bains, il m'avait raconté sa soirée arrosée. Il avait, sans réfléchir, laissé ses clés chez un copain pour ne pas être tenté de prendre la voiture. Son téléphone était tombé en panne de batterie en chemin. Arrivé ici, trempé, fatigué et déssaoulé, il avait sonné en vain à tous les interphones sans obtenir de réponse. Puis il s'était dirigé vers le balcon situé en dessous du sien, pensant pouvoir escalader jusqu'au troisième étage et parvenir à ouvrir sa baie vitrée à l'aide des quelques outils qu'il stockait à l'extérieur. Jusqu'à ce que j'interrompe son ascenssion.
Je me voyais mal le laisser repartir chez son copain, encore moins passer la nuit dans le couloir en serviette alors, refoulant mes dernières appréhensions, j'avais sorti mon matelas d'appoint, et lui avais proposé de rester ici. Nous n'avions pas beaucoup dormi.
Le lendemain, il m'invitait au restaurant pour me remercier.
Une semaine plus tard il escaladait de nouveau mon balcon, un bouquet de roses à la main pour me proposer une sortie au cinéma. Puis ce fut notre premier baiser, notre deuxième nuit, la rencontre avec nos amis, sa fratrie, la mienne, nos parents et la bague.
Demain, ça fera six mois que nous nous connaissons. Demain, à la même heure, on sera mari et femme. C'est un peu rapide, je sais, pour mes vingt-deux ans mais, tous les deux, nous sommes sûrs.
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