Chapitre 7 - Virgile

6 minutes de lecture

La situation s’améliorait. Un peu.

Louise ne parlait pas beaucoup plus, mais elle était moins réticente à répondre lorsque Virgile s’adressait à elle. Elle passait davantage de temps dans le salon, et un peu moins barricadée dans sa chambre. A petits pas, elle se laissait apprivoiser par ses frères.

Une bonne odeur de gâteau en train de cuire se répandait dans l’appartement quand Virgile rentra de la fac ce soir-là.

« Mmmm, ça sent bon ! » lança-t-il en enlevant ses chaussures dans l’entrée. Il jeta un coup d’œil au canapé : Louise y était installée avec ses devoirs, et elle lui renvoya un sourire en réponse. Un sourire tout simple, qui le remerciait du compliment, qui disait sa fierté aussi d’avoir réussi son gâteau. Qui eut cru qu’un simple sourire de sa sœur aurait le pouvoir de le rendre aussi heureux, se demandait-il en posant son sac à dos dans sa chambre. Il en sortit son ordinateur portable, ses notes de cours, les posa sur le bureau. Il commençait à bosser quand Nicolas toqua à sa porte :

« Je sors, V. A demain ! » Il lui souhaita une bonne soirée, et se replongea dans ses notes. Il avait un travail à rendre la semaine suivante, il espérait le finir rapidement pour être tranquille et pouvoir profiter de son week-end, ne pas le passer à fignoler ce dossier.

C’est une odeur désagréable qui le tira de ses réflexions.

« Louise, ton gâteau ! Hé, ça brule, tu pourrais le surveiller ! » appela-t-il en se levant.

« Qu’il crame ! Je m’en fous ! » cria-t-elle à son tour.

Le temps qu’il arrête le four et inspecte les dégâts, elle avait quitté l’appartement. Il secoua la tête en entendant la porte claquer : décidément… c’est quand tout semblait aller pour le mieux qu’elle piquait une crise…

Il se remit au travail, ne levant la tête que deux bonnes heures plus tard, tenaillé par la faim. Sa sœur n’était pas rentrée. Ce n’était pas réellement inquiétant, elle s’absentait souvent pendant une heure ou deux pour aller courir avec Attila, mais il était tard, et elle aurait dû être de retour. Elle respectait toujours les horaires qu’ils lui avaient donnés. Il tenta de l’appeler sur son portable, et jura en entendant la sonnerie retentir dans la chambre voisine. Elle était partie sans son téléphone.

« Et Nico qui n’est pas là, bien ma veine… » pesta-t-il en levant les yeux au ciel. Il tenta de l’appeler, sans trop d’espoir, et effectivement tomba sur la messagerie. Soupirant, il s’habilla et prit son vélo pour parcourir les rues de la ville à la recherche de sa sœur. Le petit square au coin de la rue était désert, le jardin Lecoq fermé à cette heure tardive. Le parc Montjuzet le serait aussi, mais peut-être que Louise était sur le chemin du retour ? Il pouvait toujours aller voir… de toute façon, rien ne serait pire que de rester à l’appartement à s’inquiéter en l’attendant. Il pédala une éternité, tournant parfois en rond, avant de trouver sa sœur assise au pied d’un arbre sur un coin de trottoir non loin du parc fermé pour la nuit, le nez enfoui dans la fourrure de son chien.

« Louise ! »

Il sauta en route, lâchant son vélo qui s’écrasa un peu plus loin, et s’agenouilla au plus près de sa sœur qui pleurait.

« Tu vas bien ? Lou ? »

La roue du vélo tournait toujours dans le vide, émettant un petit ‘tic-tic-tic’ qui ralentissait doucement.

« Louise ? » insista-t-il en tendant le bras vers son épaule. Attila lui montra les dents, un avertissement silencieux mais efficace, et Virgile retira sa main. Elle leva finalement son visage vers lui, et malgré la nuit il vit qu’elle pleurait.

« Pourquoi tu t’es sauvée comme ça, sans rien dire ? Lou ? »

Elle lui jeta un regard encore plus noir qu’à l’accoutumée. Comme elle ne semblait pas décidée à bouger, il s’assit près d’elle. Elle le laissa faire, mais le repoussa lorsqu’il fit mine d’enlacer ses épaules. Il tenta : « Le gâteau… c’était pour Nico ?

_ Oui. Et lui… » Sa voix se cassa dans un nouveau sanglot.

« Oh, Lou… je suis désolé. On ne fête pas nos anniversaires, d’habitude. On le fait le week-end chez Mathie, c’est tout. Ne lui en veux pas, il n’a pas pensé que…

_ Si c’est pour ça, c’était pas la peine de venir me chercher à Paris !

_ Quoi ? » Virgile avait du mal à la suivre.

« Vous vous en foutez bien, de moi, en fait ! Papa veut avoir la paix pour travailler, et vous, vous ne pensez qu’à vos copains, et toi à Julia ! J’ai bien vu que vous vous arrangez pour pas sortir en même temps pour pas me laisser toute seule, et que ça vous ennuie que je sois là ! J’ai entendu, l’autre jour, quand t’as dit que vous pouviez plus inviter vos copains ! C’était pas la peine de venir me chercher !

_ Mais ça va pas, non ? Qu’est-ce que tu racontes ? Je n’ai jamais dit ça, tu as tout interprété de travers. On t’aime, Louise, mais franchement t’es pas rigolote tous les jours ! On est super contents que tu sois là, mais on a notre vie à nous, aussi ! Toi tu as ton chien, vos balades trois fois par jour, c’est pareil ! »

Elle pleurait toujours. Virgile posa deux doigts sous son menton pour lui faire lever le visage :

« Allons… qu’est-ce qui ne va pas ? Il y a autre chose ? » insista-t-il.

Comme elle ne répondait pas, il voulut la prendre dans ses bras. Aussitôt elle se dégagea d’un coup de poing, et sauta sur ses pieds. Elle n’avait pas fait deux pas qu’elle se retrouva plaquée au sol.

« Ne crois pas que tu vas m’échapper ! J’ai pas fait cinq ans de rugby pour rien ! » rit-il.

« Lâche-moi, lâche-moi ! »

Attila grondait comme jamais, Louise se débattait à coups d’ongles et de pieds, tentant de se libérer par tous les moyens, mais Virgile ne lâcha pas prise. Toujours à terre, il l’emprisonnait dans ses bras, la serrant contre lui, essayant d’éviter les coups.

« Arrête Louise, arrête… Calme-toi, et je te lâche. Mais pas avant. »

Après une longue lutte, elle craqua enfin, et éclata en sanglots. Virgile sentit le corps de sa sœur se ramollir contre le sien, secoué de spasmes. Il desserra un peu son étreinte, lui caressant le dos et les cheveux en lui parlant doucement.

« Ma petite sœur… ma Louison… C’est fini. Là, là… tout doux… »

Il réussit à s’asseoir, la tenant toujours dans ses bras. Elle s’accrocha à son cou, et petit à petit ses sanglots s’espacèrent, elle se calma. Mais elle resta contre lui. Il n’osait pas bouger, ni parler, et c’est Attila qui les sépara finalement, en posant la patte sur le bras de Louise. Elle se détacha de son frère pour enlacer le chien et lui gratouiller la gorge.

« Lou ? » appela doucement Virgile.

« C’est vrai, tu m’aimes ?

_ Mais bien sûr ! » Il n’en revenait pas d’une telle question. « Evidemment, que je t’aime ! Tu es ma sœur, Louise. Ma petite sœur… Personne ne pourra nous enlever ça, jamais ! Pas même Julia. » ajouta-t-il doucement. « Vous êtes les deux femmes de ma vie. Je vous aime toutes les deux.

_ Autant ? »

Virgile éclata de rire : « C’est différent ! Julia… on ne peut jamais savoir de quoi l’avenir sera fait. Mais toi, tu seras toujours ma sœur. Tu n’as rien à craindre. »

Quand Nicolas rentra, vers 2 heures du matin, il trouva son frère et sa sœur dans le salon.

« C’est à cette heure, qu’on rentre ?

_ Vous n’êtes pas couchés ? Louise, tu as cours, demain !

_ Fiche-lui la paix, c’est bon pour une fois… Tu ne veux pas de gâteau ? Il est délicieux. »

En attendant Nicolas, ils avaient fait un sort au quatre-quarts.

« Virgile ! Il se passe quoi, là ? »

Un peu déboussolé, Nicolas venait de voir Louise embrasser leur aîné, avant d’aller se coucher.

« Tu peux remballer ton casque bleu, mon vieux : la hache de guerre est enterrée !

_ Eh ben, comme quoi tout arrive… Comment tu as fait ?

_ Ça… c’est entre elle et moi… » répondit Virgile avec un sourire en coin, persuadé que son cadet n’apprécierait pas le coup du plaquage…

Ils avaient longuement parlé, avant de rentrer à la maison, main dans la main, comme lorsque Louise était encore une enfant. Il était déjà tard et ni l’un ni l’autre n’avait envie de faire à manger, aussi s’étaient-ils vengés sur le gâteau. En enlevant la croute brûlée, il était tout à fait comestible.

« Bon. Tout va bien entre vous, alors ? » insista Nicolas.

« Ouaip. Par contre, elle a l’impression d’être de trop, de nous gêner. Parce qu’on sort pas en même temps, qu’on invite personne à l’appart’…

_ En même temps, vue sa réaction quand elle a croisé Julia… » grommela Nicolas.

« C’est ce que je lui ai dit. Mais peut-être qu’on pourrait dire à Gauthier de passer, un soir ?

_ On peut essayer, ouais. De toute façon, il va bien falloir, hein… Qu’elle arrête de faire la sauvageonne, je veux dire… »

Annotations

Vous aimez lire Miss Marple ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0