Chapitre 13 - Nicolas

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Printemps 2009

Avec l’arrivée du printemps, Nicolas était impatient de reprendre les randonnées à un rythme plus régulier. Les quelques sorties lors des belles journées d’hiver ne valaient pas une bonne randonnée sur deux jours, avec bivouac en montagne. Il avait hâte de faire découvrir à Louise le plaisir de dormir sous la tente, de regarder les étoiles avant de se coucher, perdu sous l’immensité du ciel nocturne. Le plaisir d’être réveillé par la fraicheur du petit matin, par le soleil qui se levait timidement à l’horizon avant de monter dans le ciel et d’éclairer le chemin qui restait à parcourir jusqu’à l’objectif du soir, jusqu’au point d’arrivée. Virgile et lui ne manquaient pas une occasion de partir randonner. Ils avaient fédéré autour d’eux un petit groupe d’amis, aussi sportifs qu’eux si ce n’est plus, et il y avait toujours un volontaire ou deux pour les accompagner, quelle que soit la date proposée.

Nicolas avait emmené Louise dans une boutique qui proposait des articles de randonnée. Elle possédait déjà une paire de chaussures de marche, qu’il lui avait achetée après leur première balade en montagne, mais il lui manquait le reste de l’équipement.

« J’ai pas besoin d’un blouson, Nico, j’en ai déjà un… » protestait-elle alors qu’il tentait de lui faire essayer une veste technique.

« Lou, ça n’a rien à voir avec ton vieux blouson. C’est important, en montagne, d’être bien équipé. Ça peut te sauver la vie, tu sais. Ou au moins t’éviter une bonne bronchite ! Allez, essaie-le, s’il te plait. »

Elle se rendit à ses arguments, et passa ses bras dans les manches de la veste imperméable mais respirante, dotée d’une capuche et de poches judicieusement placées. Le tas d’articles montait rapidement : un duvet chaud et léger, un matelas hyper fin, la fameuse veste, deux pantalons, plusieurs paires de chaussettes, quelques T-shirts et vestes polaires…

Louise était plus que réticente : « Nico, non, c’est trop ! C’est de la folie, c’est trop cher ! Arrête, j’ai pas besoin de tout ça !

_ Ça va, Lou, je te promets.

_ Mais t’as pas à me payer tout ça !

_ C’est Papa qui paie. » la rassura-t-il. « Et c’est normal que tu sois bien équipée, Lou. Vraiment, arrête de t’en faire. Virgile et moi, on a tout ce qu’il nous faut, et tu dois avoir le nécessaire aussi. C’est comme ton portable, la bouffe, tes livres pour aller au lycée… C’est le job de Papa de te fournir tout ça. »

Devant ses réticences, il résolut de laisser tomber le sac à dos : il en avait un dans son placard, qu’il n’utilisait jamais. Il devrait convenir à Louise. Ça valait le coup d’essayer, au moins.

De retour à l’appartement, chargés de sacs à l’effigie de la marque, il alla chercher son deuxième sac à dos :

« Tiens Lou, essaie ça ! Je le trouve un peu petit, mais il devrait t’aller. »

Il récolta un regard noir, comme à chaque fois qu’on parlait de la petite taille de sa sœur. Elle mesurait un mètre cinquante-quatre, et n’appréciait pas tellement qu’on lui fasse remarquer qu’elle n’était pas grande. Il l’aida à ajuster la ceinture et les bretelles du sac à dos, puis lui expliqua comment le remplir.

« Tu dois équilibrer ton chargement. Au fond, tu mets ton duvet, tes vêtements de rechange : tu n’en auras besoin que le soir. Contre ton dos, tu peux mettre des choses lourdes, par exemple la tente, la popote…

_ La quoi ?

_ Le nécessaire pour cuisiner : le réchaud à gaz, la gamelle, les couverts et les provisions. Ne t’inquiète pas, c’estc un peu lourd mais on peut se le partager, puisqu’on est plusieurs.

_ D’accord. Ce qui est lourd, contre mon dos.

_ Voilà. Et sur le dessus, tu mets des choses légères, comme ton polaire ou ta veste. Là, tu as la poche à eau. Et dans les petites poches au-dehors et sur la ceinture, tu cases tous les petits trucs dont tu peux avoir besoin facilement : portable, lunettes et crème solaire, barres de céréales, appareil photo... Le plus important, c’est que ton sac ne te déséquilibre pas, qu’il ne te fasse pas pencher d’un côté, sinon tu risques de tomber, ou de te faire mal au dos. »

Louise enregistrait tout ce qu’il lui expliquait, et elle s’entraina plusieurs fois à charger son sac à dos pour être certaine de pouvoir y caser toutes ses affaires sans s’y reprendre à plusieurs fois.

Le matin du départ, elle était prête de bonne heure, Attila en laisse à ses pieds. Son frère regrettait qu’elle ne soit pas plus loquace : il n’avait pas réussi à lui soutirer plus de quelques mots concernant ses craintes ou ses attentes pour la randonnée. Il craignait qu’elle ne se sente isolée au milieu de leur groupe d’amis. Un peu comme à Nouvel An : Virgile et lui avaient invité leurs copains de rando, Julia, quelques amis de fac… et Louise avait passé la soirée seule dans son coin, à faire la gueule et sursauter à la moindre exclamation. A tel point qu’au bout d’un moment, Virgile lui avait prêté son ordinateur portable pour qu’elle puisse regarder un DVD dans sa chambre… Ils lui avaient pourtant suggéré d’inviter une ou deux copines, mais l’idée n’avait pas semblé rencontrer un franc succès. Louise ne parlait jamais du lycée, de ses camarades… Elle ne parlait pas beaucoup, tout court. Mais Nicolas se demandait fréquemment comment se passaient ses journées. Si elle avait des copines, des copains avec qui passer du temps entre deux cours, à qui demander les leçons en cas d’absence… Et à chaque fois qu’il avait tenté de lui poser la question, il avait récolté un regard dubitatif, un peu comme si un nez de clown lui avait soudain poussé au milieu du visage.

Bref, il craignait que se retrouver au milieu du groupe de randonneurs, rien que des gars plus âgés qu’elle, un groupe soudé depuis quelques années maintenant, se passe aussi mal que le réveillon. Lorsqu’il était allé la chercher pour le décompte de minuit, elle dormait déjà et Attila lui avait vertement déconseillé d’entrer dans la chambre…

Au moins, là, ils seraient en plein air, elle allait se dépenser. La marche était une bonne occasion de réfléchir, aussi. Une forme de méditation, quelque part. Nicolas ne savait plus quoi penser. Il avait eu l’impression que c’était une bonne idée, cette randonnée en groupe sur deux jours. Les quelques petites sorties à la journée qu’ils avaient faites jusque-là s’étaient bien passées, Louise avait la résistance physique pour les suivre et avait paru y prendre du plaisir. Mais il n’était plus sûr de rien. Sa sœur ne montrait aucune émotion.

Il s’en ouvrit à Virgile, discrètement, et ce dernier soupira : « De toute façon, Nico, on ne sait jamais comment elle va réagir. Elle connait déjà les gars, ils étaient là le soir du réveillon.

_ Ouais, ben vu qu’elle a passé la soirée dans sa chambre, on peut pas dire que ce soit gage de réussite pour aujourd’hui, hein !

_ Je sais bien… Ecoute on verra… Elle aime la randonnée en général, là on sera plus nombreux que d’habitude et on va bivouaquer cette nuit, mais sinon c’est pareil… Et puis, je crois que si elle n’avait pas envie de venir, elle l’aurait dit. Elle sait bien, dire non… »

Nicolas dut admettre que son frère avait raison.

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