Chapitre 25 - Nicolas

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Automne 2009

Louise avait repris les cours en classe de première, mais ses frères avaient encore quelques semaines de vacances avant de retourner à l’université. Ils étaient disponibles pour l’emmener au lycée, la conduire à ses séances de rééducation chez le kiné conseillé par Gauthier, ou l’accompagner promener Attila. Elle était d’une humeur massacrante, se sentait pistée, surveillée, d’après ses propres mots. Ils préféraient penser qu’ils l’empêchaient de faire une bêtise du genre forcer sur sa cheville encore fragile en marchant trop longtemps – ou en essayant de courir. Mais l’ambiance à l’appartement rappelait à Nicolas les premiers temps du retour de sa sœur.

« Elle me fatiiiiiigue… » soupirait Virgile en serrant les dents, quand Louise se montrait particulièrement désagréable. Nicolas ne disait rien, mais n’en pensait pas moins. Ils avaient hâte, tous les deux, que Louise puisse se passer de son attelle pour marcher. Quand elle retrouverait un semblant de liberté, qu’elle pourrait retourner courir avec son chien, la situation s’améliorerait déjà grandement !

Attila était plutôt coopératif quand il s’agissait de sortir, il avait accepté les balades-pipi-express au square du coin de la rue, les sorties plus longues avec Clément qui avait proposé de l’emmener courir en même temps que Winnie. Mais Nicolas ne le sentait pas serein. Le chien se posait, plus que jamais, en défenseur de Louise face au reste du monde. Alors que ça avait plutôt paru se tasser avant l’été, là il fallait que Louise fasse taire ses grognements à chaque fois que l’un d’eux s’approchaient d’elle. D’elle, pas d’Attila. Nicolas l’avait remarqué : si le chien était seul, pendant que Louise était au lycée par exemple, ça allait. Mais dès qu’elle était présente, Attila la protégeait avec zèle.

Et Nicolas, tout comme Virgile, comprenait maintenant pourquoi, vu ce que Louise leur avait confié. Il comprenait que le chien ait eu besoin de la protéger, lorsqu’elle vivait chez sa mère. Mais à présent, elle ne risquait plus rien, il allait bien devoir se rentrer ça dans la tête !

Ce soir-là, après sa séance de torture chez le kiné, comme elle disait, Louise avait boitillé jusqu’au coin de la rue avec Attila, puis était rentrée faire ses devoirs. Nicolas frappa à la porte de sa chambre, et fut accueilli par un aboiement d’alerte.

« C’est moi, Lou ! Tu as bientôt fini ? Gauthier vient d’arriver, on va commander des pizzas, tu veux laquelle ? »

N’obtenant pas de réponse, il frappa une fois de plus, et entrouvrit la porte : « Lou ? »

Sa sœur travaillait, assise à son petit bureau, et Attila se tenait derrière la porte, babines retroussées.

« Til ! Sage. » ordonna Louise à son chien, qui ferma la gueule et s’assit aussitôt, mais sans quitter Nicolas du regard.

« Petite sœur ? Tu veux quoi, sur ta pizza ?

_ J’m’en fiche. » marmonna-t-elle.

Nicolas fronça les sourcils, inquiet du manque de réaction de sa sœur, et lui demanda l’autorisation d’entrer. Il s’assit sur le coin du lit, pour être face à elle, et à sa hauteur, mais pas trop proche histoire de ne pas mécontenter Attila qui le surveillait.

« Qu’est-ce qui ne va pas, Lou ? Il y a un malaise, avec Gauthier ?

_ Nan. » répondit-elle mollement, sans grande conviction.

« Viens par-là… » l’appela Nicolas en tendant le bras pour l’attirer près de lui. Elle s’installa à ses côtés, le laissa passer un bras autour de ses épaules. « Qu’est-ce qu’il se passe ? » insista-t-il « Je vois bien que quelque chose ne va pas… Dis-moi, Lou… Ne garde pas tout pour toi, on est là, Virgile et moi. Tu peux avoir confiance en nous.

_ Je sais… » murmura-t-elle.

« Il t’a dit quelque chose ? Gauthier ? Ou fait ?

_ Non ! Non… C’est pas ça.

_ C’est quoi, alors ?

_ C’est juste… je sais pas, je me sens bête, après… le coup du hamac. Je me sens bête d’avoir eu peur comme ça, c’était débile !

_ Il s’est moqué de toi ? » voulut savoir Nicolas.

Elle secoua la tête de gauche à droite, les yeux baissés sur ses genoux. Entre ses doigts, Nicolas reconnut le lecteur MP3 qu’elle n’avait toujours pas rendu à Gauthier. Son ami, lorsqu’il lui en avait parlé, avait assuré que Louise pouvait le garder aussi longtemps qu’elle le désirait, mais ça ne plaisait pas vraiment à Nicolas : si elle voulait un lecteur de musique, on pouvait lui en offrir un ! Pas la peine de monopoliser celui de Gauthier. Pourtant, elle ne le quittait pas. Elle en prenait grand soin, enroulant avec précaution le câble des écouteurs, le rechargeant dès que la batterie commençait à baisser. Lorsqu’il lui avait demandé si elle voulait ajouter des morceaux, elle avait refusé. Il semblait que les playlists de Gauthier lui conviennent, et qu’elle les écoutait en boucle.

« Tu lui as reparlé, à Gauthier, depuis ce jour-là ? » insista Nicolas.

« Non, pas vraiment…

_ Plus tu attends, et plus ce sera dur ; tu ne crois pas ? »

Elle haussa les épaules.

« Allez, viens, on va passer une bonne soirée tous les quatre.

_ J’ai pas fini mes devoirs.

_ C’est pour demain ?

_ Non, après-demain, mais je préfère m’avancer.

_ C’est bien, ma Lou. » sourit le grand frère, fier des progrès de sa sœur, tant au niveau des résultats que des méthodes de travail. « Mais tu as le droit de t’amuser aussi.

_ Bon, je finis ça, j’en ai pas pour longtemps. Vous commandez une jambon-champignons-fromage ?

_ Oui, et aussi une au chèvre et au miel. » promit Nicolas en la laissant travailler.

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