Chapitre 32 - Virgile

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Mai 2010

Louise passait son temps à réviser son bac français. Quand elle n’était pas au lycée ou en train de courir avec Attila, elle bachotait. Ils avaient même dû l’empêcher d’amener son classeur à table : elle aurait étudié pendant les repas ! Il fallait vraiment l’obliger à faire une pause : elle semblait de plus en plus fatiguée, et souvent à cran. C’est pourquoi ils avaient profité du long week-end de la Pentecôte et son lundi férié pour partir en randonnée. La première rando avec bivouac de l’année. Officiellement, pour profiter du seul long week-end du mois de mai – puisque le premier et le huit étaient tombés des samedis – en réalité pour couper Louise de ses fiches de révision, et l’obliger à se coucher tôt et à dormir.

Partis de bon matin le samedi de Clermont-Ferrand, ils avaient laissé les voitures sur un petit parking perdu dans la montagne et s’étaient lancés sur le sentier. Louise, qu’ils avaient dû arracher à son bureau, souriait à présent et marchait d’un bon pas, Attila à son côté. Virgile appréciait de voir sa sœur aussi épanouie.

Il avait réussi à embarquer dans l’aventure Nico bien sûr, mais aussi Gauthier, Clément, et même Alexandre. Toute la bande était là, c’était la première fois qu’ils se retrouvaient au complet depuis leur dernière journée de ski, deux mois plus tôt. Le jour-même où Louise avait accepté de laisser Attila seul pour les accompagner. Ils avaient passé une bonne journée, et Louise avait très vite pris le truc avec ses skis, descendant de petites pistes faciles pour commencer. Puis elle avait acquis de l’assurance et de la vitesse. Nico, Gauthier, Clément et lui s’étaient relayés pour rester avec elle et la guider. Le soir, elle avait même insisté pour sauter une petite bosse à sa suite, malgré la désapprobation de Nicolas qui trouvait ça trop dangereux, et effectivement cela lui avait valu sa dernière chute de la journée. Mais le sourire sur le visage de sa sœur, les yeux brillants sous le bonnet bleu à pompon, cela n’avait pas de prix.

Ce jour de mai, Louise ne portait pas son bonnet, mais le sourire était là. Il était là de plus en plus souvent, en fait, si Virgile y réfléchissait vraiment. Sa sœur était moins renfermée, moins renfrognée, depuis quelques temps. Sauf quand elle stressait à cause des épreuves anticipées du bac… Toute la journée, Virgile la regarda marcher avec Attila, discuter avec Clément en regardant leurs deux chiens jouer ensemble, plaisanter avec Gauthier… Au bivouac du soir, elle s’assit près de lui et après le repas il sentit qu’elle se rapprochait, s’appuyait un peu contre lui, pour finir par carrément poser la tête sur son épaule. Il l’entoura de son bras pour la caler contre lui, sans cesser de discuter avec ses amis, mais il finit par la secouer doucement en la sentant somnoler : « Hey, Lou. Va te coucher, tu seras mieux dans ton duvet, petit bouchon… » Elle grogna un peu d’avoir été dérangée, bâilla, et salua les garçons avant d’aller s’enfermer dans la tente qu’ils partageaient.

Lorsqu’il la rejoignit un peu plus tard, après avoir rangé et nettoyé ce qui avait servi pour le repas, elle dormait profondément et ne se réveilla pas. Attila veillait sur elle, couché de tout son long contre son flanc, et tourna seulement la tête pour le surveiller alors qu’il s’installait pour la nuit. Dans le silence obscur de la montagne, une fois tus les chuchotements et les bruissements de fermeture-éclair des tentes, Virgile écouta la respiration apaisée de Louise, et celle profonde d’Attila. Cela finit par le bercer, et il s’endormit à son tour.

Virgile ouvrit les yeux, sans savoir ce qui l’avait tiré du sommeil : il faisait nuit noire, il n’avait pas froid, ni faim… mais à ses côtés, la respiration de Louise n’était plus calme et douce comme lorsqu’il était venu se coucher. Elle semblait rapide et désordonnée. Rêvait-elle ? Il attendit un moment, guettant le souffle irrégulier de sa sœur en espérant qu’il s’apaise. Mais elle poussa un petit geignement, puis un autre presque aussitôt, auquel répondit le gémissement inquiet du chien. Virgile chercha sa lampe : hors de question de rester dans le noir, et si Attila prenait sa présence comme une menace ? Il ne tenait pas à se faire arracher la tête… Il dirigea le faisceau lumineux vers leurs pieds, pour ne pas être ébloui. Louise s’agitait toujours.

« Lou… Lou… Petite sœur…

_ Mmmmm… Attila ?

_ Wouf ? » répondit le chien, tout doucement, en lui donnant un petit coup de truffe sur la joue.

« Virgile ?

_ Ouais, Lou, je suis là.

_ L’est quelle heure ? » articula-t-elle un peu difficilement, dans son demi-sommeil.

« Je sais pas, l’heure de dormir encore. Tu faisais un rêve, Bouchon ?

_ Moui… » soupira-t-elle en se frottant les yeux. De l’autre main, elle enlaça Attila, et Virgile eut vraiment l’impression de la revoir enfant, avec son doudou.

« J’éteins la lumière ? » proposa-t-il : elle semblait sortie de son mauvais songe, elle pourrait peut-être se rendormir facilement.

« Non ! » s’affola-t-elle en se relevant sur un coude, ouvrant de grands yeux paniqués.

« OK, OK… d’accord, je laisse allumé. » promit-il. « Tout va bien, Lou… Tu veux me raconter ? »

Elle fit non de la tête, mais se rallongea et il l’entendit respirer profondément. Comme pour se calmer. Elle tentait de discipliner son souffle. Il bougea légèrement la lampe, pour atténuer sa clarté, et il regarda sa sœur près de lui. Elle fixait la toile de tente au-dessus d’elle, et petit à petit ses yeux se fermèrent. Virgile attendit un long moment, pour être certain qu’elle dormait vraiment, avant d’éteindre la lampe et de se recoucher lui aussi.

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