Chapitre 10

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Nous avons parlé longuement, mettant tout à plat : nos sentiments, nos doutes et nos attentes. Et quand finalement nous avons replié la couverture, la journée était tellement avancée que nous avons repris le plus court chemin vers la maison, plutôt que de finir la boucle que j’avais prévue. Paul déclina mon invitation à rester un peu. J’étais déçue mais tentai de ne pas le lui laisser voir. Nous ne nous étions même pas embrassés !

Je me suis noyée dans ses yeux bicolores tandis qu’il se penchait un peu vers moi, et il a seulement posé ses lèvres sur les miennes une demi-seconde, avant de se redresser. Quoi ? Mais ce n’était pas un vrai bisou, ça ! Pas même un échantillon ! Je le rappelai alors qu’il s’éloignait déjà : « Paul !

_ Oui ?

_ Non… rien… A bientôt. »

J’ai soupiré de dépit en voyant sa voiture s’éloigner. Incapable de rester à rien faire, j’allai mettre le couvert pour mon père et moi, et sortir du réfrigérateur la salade composée que j’avais préparée le matin – pommes de terre, riz, tomates, petits pois, maïs, thon et dés de fromage. Le bruit de l’antique Land Rover de mon père m’avertit de son retour.

« Salut Papa, pas trop fatigué ? »

Il m’embrassa : « Non, ça va. Tu ne t’es pas ennuyée, toute seule ?

_ Oh… non, Paul est venu passer la journée avec moi.

_ Ah, c’est lui que j’ai croisé sur la route... »

Il n’ajouta rien de plus, posa son cartable de cuir noir n’importe où, semant au passage chaussures dans le couloir et veste sur le dossier d’une chaise.

Une boule montait en moi, mais qu’est-ce que c’était que ces hommes pas foutus de se prendre en main ? C’était sans doute injuste pour Paul, mais je n’étais pas en état de faire la part des choses… Il fallait que je bouge, ou j’allais exploser !

« Je vais courir ! Ne m’attends pas pour manger ! » lançai-je en enfilant mes baskets. Attila me précéda sur le chemin, et j’ai couru, couru, couru… Me concentrant sur mon souffle et mes foulées, j’avalai les kilomètres. Le paysage défilait sous mes yeux sans que j’y prête la moindre attention, j’avais uniquement la conscience de mon propre corps, et de la présence de mon chien. Après un moment à gambader devant, il régla son allure à la mienne et courut à mes côtés.

« Eh bien, on se croirait revenus quelques années en arrière… » nota mon père à mon retour, lorsque je me laissai tomber sur une chaise, haletante, au bout d’une grosse heure. Je grognai en me servant une généreuse assiette de salade, et il se servit également : il m’avait finalement attendue pour le dîner.

« Ça ne va pas, avec Paul ? Tu sais, Marité revient bientôt, je peux me débrouiller seul quelques jours si tu veux rentrer à Clermont… »

Je pris le temps d’avaler quelques bouchées, avant de répondre :

« J’aimerais bien, oui… Ça ne te dérange pas ? Je te préparerai des repas d’avance si tu veux. »

J’ai passé le reste de la soirée à cuisiner, puis à rassembler mes affaires, et le lendemain à la première heure je chargeais la voiture, pour rouler à la fraiche.

En arrivant, je notai le volet de Paul, fermé : il devait dormir encore. Après avoir rangé mes affaires, je me mis à dessiner, et ne levai le nez qu’en entendant retentir ma sonnette. Paul se trouvait sur le pas de la porte quand j’ouvris, et un immense sourire éclaira son visage quand il me vit : « Tu es rentrée… » dit-il simplement dans un souffle.

Je reculai, et il fit quelques pas dans mon appartement, sans me quitter des yeux. Je donnai un peu d’élan à la porte qui claqua toute seule, je ne voulais pas rompre le contact. Paul avait saisi mes mains, qu’il tenait doucement, et nous nous regardions. Je me rapprochai de lui, et me haussai sur la pointe des pieds pour déposer un baiser au coin de sa bouche. Il dut se pencher pour me laisser faire, et me prit par la taille alors que je nouais mes bras autour de son cou. Ses lèvres étaient douces, tendres, et sa langue fraiche quand elle rencontra la mienne. Je jouais avec ses cheveux, mes doigts dans sa nuque, et avec sa langue qui dansait contre la mienne. Ma respiration se fit plus rapide, je plaquai mon corps contre le sien, et un bref aboiement nous sépara brusquement.

« Sage ! Et tu sors de ce bureau ! » ordonnai-je en me retournant vers Attila. La queue entre les jambes, il regagna sa couverture tandis que j’allais fermer la porte en expliquant à Paul : « Je ne veux pas qu’il aille dans le bureau quand je n’y suis pas, il y a tout mon travail, l’ordinateur et du matériel fragile… »

Il me regardait revenir vers lui, et je repris les choses en main, le poussant vers mon lit où il s’assit. Je grimpai sur ses genoux, face à lui, et m’assis sur ses cuisses. Il sembla d’abord un peu surpris, puis posa ses mains sur mes hanches. Mon visage, pour la première fois peut-être, était à sa hauteur, et j’en profitai pour reprendre possession de sa bouche. Les yeux fermés, mains posées autour de son cou, caressant sa mâchoire de mes pouces, je mordillai doucement sa lèvre inférieure, la suçai entre les miennes. Je l’entendis gémir, et il posa ses mains sur mes cuisses nues – je portais un short en jeans, très court. Il caressa mes jambes un moment, puis sa main droite monta vers ma hanche gauche et il faufila ses doigts sous le T-shirt fluide que je portais, pour aller toucher ma peau. Je cessai de l’embrasser pour mieux profiter de la caresse de ses doigts doux et chauds, et posai mon front contre le sien. Je sentais son souffle court sur mon visage, et bientôt il posa ses mains sur mes joues, sur mon cou, et me fit lever la tête. Il cherchait mon regard : « Ça va ? »

J’ai acquiescé d’un hochement de tête, et souri. Il a souri aussi, et m’a embrassée à nouveau.

On passa de longues minutes à s’embrasser, sans rien faire d’autre, et c’est Attila qui nous a séparés en réclamant à sortir. Paul a proposé de nous accompagner, nous avons acheté des sandwiches en passant devant une boulangerie, et nous sommes allés les manger au parc Montjuzet, pendant qu’Attila se défoulait. On a passé tout l’après-midi dehors, à se promener main dans la main et à s’embrasser sur des bancs publics, et on n’est rentrés que tard le soir, après avoir mangé une salade en terrasse. Paul n’a pas voulu franchir la porte de mon appartement.

« Mais tu ne vas pas partir comme ça ? » ai-je protesté en tentant de le retenir. « Tu m’as chauffée toute la journée, assume, maintenant ! » Je ne voyais pas d’inconvénient à coucher le premier soir – si on pouvait appeler ça le premier soir… - mais le connaissant, cela devait faire partie de ses grands principes moraux…

Il s’est penché et a murmuré à mon oreille : « Tu n’auras qu’à te caresser en pensant à moi… » avant de disparaitre dans le couloir. Adossée au mur, j’ai fermé les yeux en souriant.

Je me suis dépêchée de nourrir Attila, puis je suis passée dans la salle de bain et j’ai enfilé ma tenue de nuit, un vieux T-shirt à l’effigie de Che Guevara, que j’avais piqué à Virgile des années auparavant. Ensuite, j’ai jeté un coup d’œil à mes mails pour vérifier qu’il n’y avait rien d’urgent – Stéphanie m’avait répondu suite à mes dernières propositions, j’aurais de quoi avancer le lendemain.

J’ai pensé à Paul, à sa timidité si attendrissante, et à son audace surprenante. Jamais je ne l’aurais cru capable de me dire une chose pareille. Me caresser en pensant à lui… Sans doute, de l’autre côté du mur, devait-il en faire autant…

A l’instant même où cette pensée m’a traversé l’esprit, j’ai senti une vague de chaleur prendre possession de mon ventre. Incapable de me retenir, j’ai glissé une main entre mes cuisses pour me caresser. Il ne m’a pas fallu longtemps pour jouir, aidée par le souvenir des baisers échangés un peu plus tôt, et des caresses de Paul – même si elles étaient restées très sages. Après cela, je me suis endormie, un peu frustrée malgré tout, attendant le lendemain avec impatience. Paul travaillerait, bien sûr, mais nous pourrions nous voir le soir.

Le lundi, après avoir passé la journée à dessiner, je suis sortie avec Attila en fin d’après-midi. En sortant de la douche, j’enfilai les sous-vêtements achetés avec Julia. Le vert clair ressortait sur ma peau dorée, et je dois dire que ma poitrine, bien que modeste était joliment mise en valeur par le soutien-gorge, de même que mes fesses musclées et rebondies, par le shorty. J’ai hésité un peu, et choisi une robe jaune, avec des bretelles assez larges pour cacher celles du soutien-gorge, qui soulignait ma taille et s’arrêtait juste au-dessus de mes genoux. Je me suis recoiffée, et en me regardant dans le miroir je me suis trouvée jolie. Paul aussi, à en croire ses yeux quand il a ouvert la porte…

Il avait eu le temps de commencer à cuisiner en m’attendant, et des pommes de terre étaient en train de rissoler sur le feu. Attila s’est couché dans un coin, sans me quitter des yeux. On a mis la table et j’ai préparé de la sauce pour accompagner la salade verte, tandis que Paul remuait les patates pour les empêcher de brûler.

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