Chapitre 15

5 minutes de lecture

Lorsqu’il prenait le temps de cuisiner autre chose que des pâtes et du steak, Paul s’en sortait vraiment bien. Il nous avait préparé des brochettes de magret de canard aux figues et au miel. Personne ne parlait, preuve que je n’étais pas la seule à trouver ça délicieux. J’avais en face de moi ses deux frères, et le spectacle était presque troublant. Tous trois se ressemblaient énormément : même silhouette, grands et minces, même visage fin, mêmes cheveux châtains… Stan avait les yeux noisette, et Guillaume, bleus. Un beau bleu foncé, comme l’œil droit de Paul.

Stanislas m’avait accueillie avec le sourire, et un tonitruant : « Alors comme ça, c’est toi qui as trainé Paul en randonnée ? Chapeau ! », Guillaume se montrait plus réservé, presque méfiant.

« On va où, alors, cet après-midi ? » demanda Paul.

« C’est toi qui connais la région, fais-nous découvrir. » répondit Stan. Paul se tourna vers moi, et je ris : « OK, j’ai compris ! Il y a… le lac d’Aydat, c’est sympa, on peut faire le tour à pied. Ou sinon, le parc Montjuzet, c’est plus près, et on peut visiter la ville.

_ On pensait faire un tour en ville demain, avant de repartir.

_ Et Volvic ? Moi, je veux voir Volvic ! » intervint Guillaume.

« Ah oui, on peut, il y a le château à visiter, et puis les fontaines, et la grotte… » Je rassemblais mes souvenirs d’une journée où Gauthier, des années plus tôt, m’avait emmenée visiter cette petite ville, à une quinzaine de kilomètres de Clermont-Ferrand.

« Mais non, Volvic, comme sur les bouteilles d’eau !

_ Aaah ! Le puy de Dôme ! » décrypta Paul. « Tu veux voir le puy de Dôme ? C’est une bonne idée.

_ Mais c’est comme sur les bouteilles, hein ? » s’assura son frère, un peu inquiet quand même à l’idée de se faire arnaquer.

« Viens Guillaume, je vais te montrer quelque chose. » proposai-je en allant ouvrir la baie-vitrée qui donnait sur le petit balcon.

« Tu vois, là-bas ? Au-dessus des maisons ? C’est le haut du puy de Dôme, qui est dessiné sur les bouteilles d’eau.

_ Oh oui, je le vois, je le vois ! »

Il retourna s’asseoir à table, un sourire satisfait sur le visage. La question était réglée : on allait au puy. Mon gâteau au chocolat ne survécut pas à l’appétit de ces trois mâles aussi gourmands les uns que les autres, et après avoir rangé et fait la vaisselle, on se prépara à partir : Guillaume ne tenait plus en place.

Il se précipita sur Attila en criant de joie, les bras tendus, lorsqu’il le vit sortir de mon appartement où je l’avais laissé le temps du repas, et mon chien se jeta à sa rencontre.

« Til, couché ! » criai-je. Il ne sautait pourtant plus sur les inconnus, depuis quelques années… Il s'aplatit aussitôt au sol, et Guillaume se figea lui aussi, me regardant sans comprendre. Stan avait l’air d’atterrir, et Paul posa une main apaisante sur mon bras.

« Ça va, Louise. Je ne crois pas qu’Attila était agressif. Et Guillaume a l’habitude des animaux. »

Je réalisai alors la situation, et bredouillai : « Désolée, j’ai été surprise… »

Attila battait de la queue, oreilles dressées, il avait son air joueur. D’un mot, je le libérai, et il se releva pour aller à la rencontre de Guillaume, mais plus calmement. Ce dernier se pencha pour le caresser, et je dus quand même intervenir : « Il n’aime pas trop qu’on lui caresse la tête. Le dos et le cou, il préfère. » Je n’allais pas entrer dans les détails des relations hiérarchiques et de la signification d’une caresse sur le crâne chez le chien…

Attila se retrouva coincé entre Guillaume et moi, sur la banquette arrière de la voiture de Stan, et se laissa caresser tout le temps qu’a duré le trajet jusqu’au puy. On a délaissé le train à crémaillère pour emprunter le sentier des muletiers. Je connaissais bien cette promenade, j’y venais régulièrement. On a passé un bel après-midi, et comme j’avais emmené mon appareil photos, j’en profitai pour pendre des vues du paysage, mais surtout faire de nombreux portraits des trois frères. Et d’Attila, aussi.

On a profité le plus longtemps possible du soleil et de la chaleur, en rallongeant le chemin plutôt que de retourner directement à la voiture. J’eus l’occasion de discuter avec Stan, qui me remercia de l’accueil que j’avais réservé à Guillaume : « Souvent, les gens ne savent pas trop comment se comporter avec lui, ils sont gênés, ou alors ils lui parlent comme à un bébé…

_ Je ne sais pas, c’était… instinctif, je crois. Je n’ai pas vraiment réfléchi. »

Il continua sur la balade qu’il trouvait agréable, et de là à parler de randonnée, il n’y avait qu’un pas… Il n’en revenait pas que Paul aime marcher.

« Il a toujours été plutôt intello… Il fait un peu de vélo avec nous, mais c’est pas vraiment son truc… Alors qu’avec Guillaume… on fait beaucoup de sport, des activités en extérieur : vélo, canoé…

_ C’est peut-être pour vous laisser des moments rien que tous les deux ? » hasardai-je.

Il haussa les épaules : « C’est idiot.

_ Inconsciemment, je veux dire.

_ Mmm. J’sais pas… » Il regarda, un plus loin, Paul et Guillaume qui cheminaient côte à côte.

Paul était heureux de revoir ses frères, je le lisais sur son visage, et je dus insister pour pouvoir rentrer dormir chez moi.

« Reste, s’il te plait, Louise…

_ Non. Vous avez besoin de vous retrouver tous les trois, rien que tous les trois. N’essaie pas de me faire croire le contraire, moi aussi j’ai des frères, je sais ce que c’est. Je vous amènerai les croissants pour le petit-déjeuner. » promis-je, et après un dernier baiser, il me laissa partir.

Je dessinai encore une partie de la soirée, pour compenser la journée passée à nous promener et prendre un peu d’avance sur le lendemain. Attila, couché en travers de la porte du bureau, le nez posé sur ses pattes avant, me regardait. Il finit même par s’endormir, et ne se réveilla que lorsque je passai au-dessus de lui pour sortir de la pièce et fermer la porte.

« Au lit, Tilou ! » Je le caressai un moment, il aimait les câlins autant que moi et ça nous faisait toujours du bien de passer du temps l’un contre l’autre, il appréciait les gratouilles et je n’aimais rien tant que d’enfouir mes doigts dans son poil épais, jusqu’à sentir la chaleur de sa peau.

Le lendemain notre balade matinale se termina par un arrêt à la boulangerie, pour acheter un sachet de croissants et de pains au chocolat. Le temps de passer sous la douche et d’enfiler des vêtements propres, et Paul m’envoyait un SMS pour me prévenir qu’ils étaient réveillés : il était 10 heures. J'allai déjeuner avec eux, avant qu’on parte marcher dans Clermont. Paul voulait leur faire découvrir la ville, et après un passage par le jardin Lecoq on leur montra la statue de Vercingétorix et celle du général Desaix, place de Jaude, puis on acheta de quoi manger dans une boulangerie, et je les emmenai au parc Montjuzet où on a pique-niqué sur une couverture étalée sur l’herbe. Après quoi Guillaume sortit de son sac à dos un frisbee en proposant d’y jouer. Attila se mêla de la partie, nous volant le disque fluo à chaque fois qu’il parvenait à l’attraper au vol, pour me le rapporter fièrement.

Annotations

Vous aimez lire Miss Marple ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0